Présidentielle: les discours des candidats sous la loupe

Présidentielle: les discours des candidats sous la loupe

Une "OPA" de Le Pen sur le mot "peuple", Macron "plus dans la dynamique que la thématique", Fillon "réfugié" sur "des marqueurs...
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Par Charlotte HILL

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Une "OPA" de Le Pen sur le mot "peuple", Macron "plus dans la dynamique que la thématique", Fillon "réfugié" sur "des marqueurs lexicaux très à droite", Mélenchon axé sur "l'humain", Hamon sur le "sociétal": des chercheurs passent au crible les discours des principaux candidats.

- Marine Le Pen -

La candidate FN a une "dialectique très martelée statistiquement: celle de la +proximité+ contre la +mondialisation+", observe Damon Mayaffre, chercheur au CNRS.

"Elle aime aussi tous les mots en +isme+, un peu anxiogènes dans le débat politique: islamisme, mondialisme, socialisme, libéralisme, terrorisme…", selon ce copilote de la plateforme "Mesure du discours" (http://mesure-du-discours.unice.fr). Basée sur meetings et interviews des candidats, cette plateforme permet notamment de repérer leurs mots favoris et d'identifier un discours à son auteur, via des algorithmes.

Et elle a fait une "OPA lexicale sur le mot +peuple+", même si Jean-Luc Mélenchon, qui a opté pour "les gens", essaye de le reprendre avec sa dernière affiche de campagne "La Force du peuple".

Pour la sémiologue Mariette Darrigrand, la candidate FN est dans une posture "mythologique". Elle "brode" autour du concept de patriotisme "des épisodes, comme dans une série: Marine va chez Poutine, Marine ferme les vannes de l'immigration…".

- Emmanuel Macron -

Le fondateur d'En marche! "reprend une tradition du discours politique" et "théorise des passions heureuses", selon Mariette Darrigrand, pour laquelle "cette campagne 2017 ne se joue pas au niveau des idées" mais plus "dans la dramaturgie". "Il est une sorte de Cid, très énergétique".

Résultat "très net" de la plateforme, selon Damon Mayaffre: "des mots sans beaucoup de contenu, où la référence politique est effacée", avec peu de termes comme nation, peuple, patrie, etc. "Il est plus dans la dynamique que dans la thématique" avec des mots comme innovation, transformation, selon les statistiques.

Julien Longhi, professeur en sciences du langage (université de Cergy-Pontoise) et pilote de la plateforme #Idéo2017 (http://ideo2017.ensea.fr) basée sur les tweets des candidats, confirme. Mais il pointe aussi "des marqueurs forts comme l'association positive entre la France et l'Europe".

- François Fillon -

Le candidat de la droite était "sur la posture noble de l'épopée, mais le +Penelopegate+ a tout mis par terre. Il reste dans la posture épique, mais l'enjeu n'est plus la France mais lui-même", juge Mariette Darrigrand.

"Privé de sa thématique sur l'exemplarité, il se réfugie sur des marqueurs lexicaux très à droite: ordre, famille, France", observe Damon Mayaffre, relevant un autre mot très caractéristique: la "dette" que les autres "utilisent peu".

Côté phrasé, il a comme Marine Le Pen "une voix forte, qui porte, ne tremble pas, sait se faire agressive ou dédaigneuse des positions adverses", remarque Cécile Alduy, professeur de littérature à Stanford.

- Jean-Luc Mélenchon -

Le leader de la France insoumise a "une très forte identité discursive", que "la machine reconnaît tout de suite", relève Damon Mayaffre. Et "il sait faire alterner fausses questions oratoires et longs développements lyriques", remarque Cécile Alduy.

Il cherche à "renouer avec l'humanisme et surutilise des mots très marqués, peu utilisés par les autres: humanité, humain, humaine…", ou "vertu", note le chercheur du CNRS.

- Benoît Hamon -

Le socialiste "a eu une élocution assez douce, modeste" au départ, mais "s’est aguerri", constate Cécile Alduy, pour qui il a aussi "renouvelé le vocabulaire de la gauche".

Mais il a "un discours peu identifiable par la machine, un peu coincé entre Macron et Mélenchon", selon Damon Mayaffre. "Il essaye un peu tout, mais n'a pas de posture propre", abonde Mariette Darrigrand.

Il a "choisi un créneau sociétal avec des termes comme +féminisme, sexisme, racisme+", souligne M. Mayaffre, et son discours, un peu à la "Touche pas à mon pote" des années 1980, est "assez cohérent pour son socle électoral".

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