Régionales : une proposition de loi sénatoriale pour reporter le scrutin

Régionales : une proposition de loi sénatoriale pour reporter le scrutin

Nathalie Goulet a déposé au Sénat une proposition de loi visant à reporter les élections régionales et départementales. Selon la sénatrice de l’Orne en effet, il est impossible de tenir campagne dans les conditions sanitaires actuelles. Au Sénat, d’autres voix vont dans le même sens, alors de nombreux élus locaux et présidents de régions souhaitent au contraire que le calendrier de juin soit maintenu.
Public Sénat

Par Fanny Conquy

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Selon le gouvernement, « l’option n’est pas écartée ». Alors que les élections départementales et régionales auraient dû se tenir ces jours-ci, en raison du contexte sanitaire, la loi du 22 février 2021 a reporté le scrutin au 13 et 20 juin prochain. Mais avec la 3e vague du covid-19 et le confinement de seize départements annoncé la semaine dernière, c’est un nouveau point d’interrogation qui accompagne ces élections. Le gouvernement envisagerait en effet de les repousser à nouveau, à l’automne.

Nathalie Goulet, candidate UDI en Normandie, a déposé ce lundi une proposition de loi « visant à reporter les élections régionales et départementales et à encadrer les mandats exécutifs ». Pour la sénatrice de l’Orne : « Il faut une vraie campagne, loyale et équitable. Mais dans les départements confinés, c’est impossible. Et on sait que les campagnes numériques ce n’est pas la même chose. Et puis dans les élections locales la prime au sortant est très forte, donc dans ces conditions les candidats challengers seraient totalement inaudibles. »

 

Une campagne déséquilibrée

 

Un point de vue que partage Jérémy Bacchi, sénateur CRCE des Bouches-du-Rhône : « Une campagne électorale, c’est un enjeu démocratique. Et comment être en campagne quand un tiers des Français est confiné ? Avec les consignes sanitaires, comment aller sur les marchés, faire du porte à porte, ou du tractage ? Nous ne serons pas en capacité de mener une vraie campagne en mai juin, alors peut-être faudrait-il reporter à l’automne. »

Pour Philippe Dominati, « il faudrait éviter le ridicule d’une élection qui n’a pas de sens. Nous avons vu l’exemple de la farce des municipales l’année dernière ». Tout comme Nathalie Goulet, le sénateur LR de Paris dénonce la prime au sortant : « Les candidats ne peuvent même pas tenir une réunion publique. Et dans ces cas-là, ce sont les équipes sortantes qui sont souvent réélues. » Cependant, pour Philippe Dominati, le report des élections serait un « cadeau au parti présidentiel, qui soutient ce report car il y a intérêt. Je suis plutôt favorable au report, mais en même temps, ça me gêne de faire ce cadeau politique au gouvernement. Et je ne veux pas que l’on donne l’habitude de prendre les élections locales à la légère, en les déplaçant à plusieurs reprises. »

 

Maintenir les élections : une nécessité démocratique

Hier, Territoires unis s’est opposé au report des élections départementales et régionales. Le collectif réunissant Régions de France, l’Assemblée des départements de France (ADF), et l’Association des maires de France (AMF) estime que le maintien du scrutin est une « évidence démocratique ». Dix présidents de région ont également signé une tribune dans ce sens : « Toutes les élections sont essentielles. Ce n’est pas au Conseil scientifique de confiner la démocratie ! […] Nous savons qu’il est possible d’organiser les opérations de vote dans le cadre d’un protocole sanitaire très sûr », affirment notamment Valérie Pécresse, Xavier Bertrand ou encore Carole Delga.

Sur la même ligne, Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat, déclarait hier dans l’Opinion, à propos d’un report pour raisons sanitaires : « Je crains que cela ne soit qu’un prétexte. Autour de nous, les élections se tiennent. La France se singulariserait en confinant sa démocratie. » Pour le sénateur PS de Paris Rémi Féraud : « Le scrutin doit se tenir car dévaloriser la démocratie, c’est dangereux. Le gouvernement a le temps de mettre en place de bonnes conditions, comme ce fut le cas lors du 2e tour des municipales. Par ailleurs, en Hollande, en Allemagne, des scrutins ont eu lieu. » Quant à l’argument de la campagne difficile à mener, Rémi Féraud soutient qu’« il est tout à fait possible de faire campagne sans faire la bise à tout le monde ! Avec le numérique, la presse, du tractage en extérieur… Il vaut mieux une élection sans grand meeting plutôt que pas d’élection du tout ».

 

Le taux d’abstention

Nathalie Goulet met aussi en avant le risque d’une participation très faible à ce scrutin. « Les Français sont préoccupés par autre chose en ce moment. On va avoir beaucoup de mal à mobiliser les citoyens sur les élections départementales et régionales alors qu’ils traversent une crise sanitaire et économique ». Philippe Dominati pose la question : « Quelle légitimité pour une équipe élue avec moins de 30 % des suffrages ? ». Cependant, Rémi Féraud souligne « est-ce qu’à l’automne la participation serait plus élevée ? Ce n’est pas certain…. »

 

L’ombre de la présidentielle

Pour la sénatrice de l’Orne Nathalie Goulet, la tribune signée par dix présidents de région, en faveur d’un maintien du calendrier électoral en juin, s’explique aussi par des enjeux de politique nationale. « Certains candidats aux élections régionales veulent maintenir ce scrutin en juin, pour être élus au plus vite et pouvoir passer ensuite la campagne de la présidentielle ». Selon Jérémy Bacchi, « on peut imaginer par exemple que Xavier Bertrand a sûrement intérêt à maintenir les régionales tôt, afin de pouvoir en faire, en cas de victoire, une rampe de lancement pour la présidentielle ».

 

N. Goulet : maintien des élections :"il y a des raisons politiciennes"
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Attendre les recommandations du conseil scientifique

Etant donné l’évolution du contexte sanitaire, les élections de juin peuvent-elles se tenir ? Le conseil scientifique se penche sur la question et doit rendre un avis d’ici le 1er avril. La proposition de loi déposée par Nathalie Goulet est donc prématurée pour le sénateur CRCE Jérôme Bacchi : « Même si sur le fond, je pense que la campagne va être difficile à mener, avant toute chose, il faut attendre l’avis du conseil scientifique. Et pour le moment, il faut respecter le calendrier qui a été fixé, avec un scrutin en juin. Le texte prévoit cette clause de revoyure, alors attendons les recommandations du conseil scientifique. »

Rémi Féraud, sénateur PS de Paris est du même avis : « Il faut attendre l’avis du conseil scientifique. La loi l’a prévu, alors attendons. Si jamais le conseil scientifique estimait qu’il existe trop de risques sanitaires liés au scrutin, alors à ce moment-là il faudra y réfléchir. Mais pour le moment, nous ne pouvons pas décider de tout maintenir, sauf la démocratie. »

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