Un rapport parlementaire dénonce une « République en échec » en Seine-Saint-Denis
Un Etat "inégalitaire", "inadapté" et qui "recule" en Seine-Saint-Denis: dans un rapport présenté jeudi, des députés s'alarment d'une ...

Un rapport parlementaire dénonce une « République en échec » en Seine-Saint-Denis

Un Etat "inégalitaire", "inadapté" et qui "recule" en Seine-Saint-Denis: dans un rapport présenté jeudi, des députés s'alarment d'une ...
Public Sénat

Par Tiphaine LE LIBOUX

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Un Etat "inégalitaire", "inadapté" et qui "recule" en Seine-Saint-Denis: dans un rapport présenté jeudi, des députés s'alarment d'une "République en échec" dans ce département qui cumule les difficultés, appelant à un "sursaut" une semaine après le discours d'Emmanuel Macron sur les banlieues.

Durant six mois, les parlementaires ont évalué l'action de l'Etat dans ce département, qui présente notamment les taux de pauvreté et de criminalité les plus élevés de France, à travers trois de ses missions fondamentales: l'éducation, la justice et la police.

Et le constat est partout le même. "A besoins équivalents, la Seine-Saint-Denis, n'est pas traitée de manière équitable", résume François Cornut-Gentille (LR), l'un des deux rapporteurs.

L'établissement scolaire "le moins bien doté de Paris reste mieux doté que le plus doté de Seine-Saint-Denis", a notamment affirmé le député, lors de la présentation du rapport à l'Assemblée nationale.

En Seine-Saint-Denis, policiers, professeurs ou magistrats sont moins nombreux, mais aussi moins expérimentés et quittent leur poste plus rapidement qu'ailleurs dans le pays. "Là où les problèmes sont les plus durs, c'est là qu'arrivent les débutants", regrette François Cornut-Gentille.

Dans l'Education nationale, "le taux de néo-titulaires (les professeurs dont c'est la première année d'enseignement, ndlr) dans les établissements difficiles est de 21% en France, contre 41% dans l'académie de Créteil et 65% en Seine-Saint-Denis", souligne-t-il.

Au tribunal de Bobigny, le deuxième de France, "un tiers des magistrats du siège s'en vont tous les ans. Ça veut dire une perte de 80 mois d'activité sur ces simples rotations", ajoute-t-il.

- Effets pervers -

Au-delà de ce constat inégalitaire, connu depuis des décennies, le rapport s'alarme d'une "méconnaissance" de la réalité démographique et sociale du 9-3.

Première inconnue essentielle relevée par la mission parlementaire: le nombre d'habitants.

Le député de La République en Marche Rodrigue Kokouendo à l'Assemblée nationale le 22 mai 2017
Le député de La République en Marche Rodrigue Kokouendo à l'Assemblée nationale le 22 mai 2017
AFP/Archives

L'Insee l'évalue à 1,6 million, "mais il nous manque le nombre d'étrangers en situation irrégulière", qui "participent à l'économie du territoire, reçoivent une partie des aides sociales, scolarisent leurs enfants", relève l'autre rapporteur du texte, le député (LREM) Rodrigue Kokouendo.

Certains experts évoquent le chiffre de 150.000 personnes, d'autres 250.000. "250.000 personnes, c'est la population du Jura", s'exclame le député.

Idem pour le phénomène des marchands de sommeil ou de l'économie souterraine, qui échappent eux aussi à la statistique. Conséquence: les moyens déployés pour lutter contre ces pratiques sont "sous-dimensionnés".

La publication de ce rapport intervient une semaine après le discours sur les banlieues d'Emmanuel Macron qui s'est refusé à lancer un énième "plan banlieue", expliquant ne pas croire à la "politique spécialisée".

Dans leurs travaux, les parlementaires pointent eux aussi les effets pervers de ces politiques prioritaires qui aboutissent à "stigmatiser le territoire".

Ils citent notamment en exemple les "stratégies d'évitement" de certaines familles favorisées, qui contournent la carte scolaire pour ne pas scolariser leurs enfants dans les établissements placés en zone d'éducation prioritaire.

"Cela a eu pour conséquence de diminuer la réussite moyenne des collèges, les élèves partis étaient aussi ceux qui avaient les meilleurs résultats scolaires", rappelle le rapport.

Le constat dressé n'est pas nouveau mais cette fois la "représentation nationale", avec des députés de toutes tendances, s'en saisit, s'est félicité un autre membre de la mission, Stéphane Peu, député (PCF) de Saint-Denis.

Ce rapport "n'a pas vocation à caler les armoires", a-t-il lancé: "Sauf à considérer qu'un habitant de Seine-Saint-Denis vaut deux fois, trois fois moins qu'un autre habitant du territoire", il "implique des réponses".

"On attend des actes" et "on ne va pas lâcher l'affaire", a-t-il assuré.

A la suite de la présentation, Clémentine Autain, députée (la France insoumise) dans ce département, a appelé dans un communiqué à l'organisation d'Assises de l'égalité en Seine-Saint-Denis pour "rassembler les forces vives (...) déterminées à arracher la justice sociale et l'égalité".

Une démarche contre la "démission de l'Etat", à laquelle s'est aussi associée Marie-Georges Buffet, députée communiste du département.

Partager cet article

Dans la même thématique

Elections legislatives, premier tour dans le gard.
4min

Politique

Municipales 2026 : la parité bouscule les petites communes

La parité s’impose désormais dans les communes de moins de 1 000 habitants. À partir des élections municipales de 2026, les listes devront respecter une stricte alternance femmes-hommes, et le panachage sera interdit. Une réforme qui, entre volonté d’égalité et réalités locales, divise fortement les élus.

Le

6min

Politique

Déploiement d’un service militaire volontaire ? « Le gouvernement s’engage dans cette voie-là », selon Hélène Conway-Mouret

Les propos du chef d’Etat-major des Armées, face au congrès des maires de France, ont fait réagir la classe politique, alors qu’il a appelé les édiles à « préparer leurs populations », à un possible conflit dans quelques années. Son discours a aussi réactivé l’idée d’un déploiement d’un nouveau service volontaire par Emmanuel Macron.

Le

Un rapport parlementaire dénonce une « République en échec » en Seine-Saint-Denis
6min

Politique

Budget de la Sécu : le Sénat supprime la hausse de la CSG sur le capital, fruit du compromis avec les députés PS

Comme annoncé, la majorité sénatoriale LR et centriste a supprimé la hausse de la CSG sur le capital votée par les députés, censée rapporter 2,66 milliards d’euros. « Vous défendez le capital, le profit, de manière entêtée », a dénoncé le sénateur PS, Yan Chantrel. La rapporteure, la centriste Elisabeth Doineau, a voulu en rester aux « mesures que la majorité sénatoriale avait défendues en juillet auprès de François Bayrou ».

Le