Affaire Benalla : le Sénat transmet à la justice les cas de trois proches d’Emmanuel Macron

Affaire Benalla : le Sénat transmet à la justice les cas de trois proches d’Emmanuel Macron

Le bureau du Sénat a décidé de transmettre à la justice les cas d’Alexandre Benalla, Vincent Crase et surtout ceux d’Alexis Kohler, Patrick Strzoda et du général Lavergne. Concernant Alexis Kohler et le général Lavergne, le bureau estime qu’il n’y a pas « suffisamment d’éléments pour (les) suspecter, à ce stade, de faux témoignages », mais décide quand même de saisir la justice.
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Le suspens était à son comble. Selon les informations de publicsenat.fr, le bureau du Sénat a finalement décidé de transmettre au parquet les cas d’Alexandre Benalla, Vincent Crase, Alexis Kohler, Patrick Strzoda et celui du général Lavergne. Une transmission qui ne vaut pas condamnation. La justice va devoir décider maintenant s’il y a eu, lors de leurs auditions devant la commission d’enquête sur l’affaire Benalla, faux témoignage, délit passible de 5 ans de prison et 75.000 euros d’amende.

Unanimité pour Benalla et Crase

La décision ne faisait pas de doute concernant l’ancien chargé de mission de l’Elysée et le gendarme réserviste. Tout le monde s’accorde pour estimer qu’il y a eu parjure lors de leurs auditions par les sénateurs.

L’enjeu portait sur Alexis Kohler, secrétaire général de la présidence de la République (voir la photo), Patrick Strzoda, le directeur de cabinet d’Emmanuel Macron, et le général Lavergne, chef du Groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR).

Les membres du bureau ont voté à l’unanimité pour la transmission concernant Alexandre Benalla et Vincent Crase. Pour Patrick Strzoda, il y a eu selon nos informations 19 voix pour et 6 contre. Concernant Alexis Kohler et le général Lavergne, il y a eu 17 voix pour, 7 contre et 1 abstention.

« Suspicion de faux témoignage constitué » pour Patrick Strzoda, directeur de cabinet de Macron

Le bureau a décidé de signaler au ministère public « les suspicions de faux témoignages constitués par les déclarations de M. Alexandre Benalla, (…) concernant la nature des fonctions qui lui étaient confiées et son rôle dans le dispositif de sécurité du chef de l’État, la restitution des passeports diplomatiques et la conclusion d’un contrat de sécurité privée avec M. Makhmudov » précise le Sénat dans un communiqué, ainsi qu’en raison de son absence de déclarations auprès de Haute autorité pour la transparence de la vie publique.

Le bureau signale aussi « la suspicion de faux témoignage constitué par les déclarations de M. Patrick Strzoda (…) sur le périmètre des missions confiées à M. Alexandre Benalla ». Sur ce point, le bureau va plus loin que les conclusions du rapport de la commission d’enquête, qui ne parlait pas explicitement de faux témoignage pour ce proche d’Emmanuel Macron. Dans la lettre qu’il avait envoyé au président du Sénat, Gérard Larcher, le sénateur LR Philippe Bas, qui a présidé la commission d’enquête, leur avait reproché des « omissions, incohérences et contradictions » suite à leurs auditions et d’avoir « retenu une part significative de la vérité ».

Le rapport de Valérie Létard dédouane en partie Alexis Kohler

En revanche, la centriste Valérie Létard dédouane en partie Alexis Kohler dans son rapport sur la demande de transmission. Elle « a considéré qu’elle ne disposait pas, au vu de ses moyens d’investigation limités, de suffisamment d’éléments pour suspecter, à ce stade, de faux témoignages les autres déclarations de M. Patrick Strzoda ainsi que celles des autres collaborateurs du Président de la République » dit le communiqué, sans citer Alexis Kohler, ni le général Lavergne. Mais la majorité des membres du bureau n’a pas décidé pour autant de ne pas transmettre au parquet…

« Le Bureau a donc demandé au Président du Sénat de saisir le ministère public, pour porter à sa connaissance ces autres déclarations ainsi que la liste des incohérences et des contradictions relevées dans le rapport de la commission d’enquête » ajoute le communiqué.

Position habile

Une position habile qui ménage la chèvre et le chou. Elle permet à Gérard Larcher ne pas se mettre à mal avec le groupe LR, tout en évitant de charger la barque concernant le plus proche collaborateur du chef de l’Etat. « C’est de la diplomatie » explique un des membres du bureau. A charge « au ministère public de procéder, s’il y a lieu, à des investigations complémentaires » conclut le communiqué.

Le vote s’est fait à huis clos et à main levée, après présentation par la sénatrice UDI Valérie Létard d’un rapport sur la demande de transmission. Le bureau du Sénat est composé de 26 sénateurs. C’est une instance collégiale où chaque groupe est représenté selon son importance. Il est composé de 10 LR (y compris Gérard Larcher), 6 PS, 5 UC (centriste), 2 RDSE (à majorité radicale), 1 LREM, 1 CRCE (à majorité communiste) et 1 Indépendant (voir les noms de ses membres). Un des sénateurs du bureau était absent.

Risque de déclaration de guerre à l’encontre de l’Elysée

Au sein du Sénat, une bataille sourde a opposé les tenants de la transmission – le président du groupe LR, Bruno Retailleau, celui du groupe PS, Patrick Kanner – à ceux qui s’y sont opposé, à commencer par le président du groupe Union centriste, Hervé Marseille. A ses yeux, il n’y avait pas suffisamment matière pour envoyer devant le parquet les trois proches d’Emmanuel Macron.

Dans les jours précédents, les « grandes manœuvres » étaient en cours (voir notre article). Certains ont évoqué des pressions venues de l’Elysée, avant ce bureau pas comme les autres. Si la décision porte sur le plan juridique, elle n’est pas sans conséquences politiques. Les centristes ont mis en garde : transmettre au parquet prendra des allures de déclaration de guerre à l’encontre de l’Elysée. De quoi compliquer sérieusement les discussions sur la réforme constitutionnelle, pour laquelle la Haute assemblée et l’Elysée doivent se mettre d’accord.

Mais en décidant de transmettre, le Sénat montre qu’on ne peut pas mentir devant une commission d’enquête, au risque de se retrouver devant les tribunaux. « Selon qu’on soit puissant ou misérable, il ne peut pas y avoir deux poids deux mesures » affirmait Bruno Retailleau à publicsenat.fr début mars.  Le Sénat, qui a redoré son blason grâce à la commission d’enquête, montre aussi son indépendance. Face à une Assemblée nationale très macronienne, il joue à plein son rôle de contre-pouvoir.

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