Covid-19 : les sénateurs dénoncent « l’échec » des outils numériques
Les sénateurs se penchaient ce mardi, sur le rôle des outils numériques pour lutter contre la propagation de la Covid-19. De Stop Covid à Contact Covid en passant par le SI-DEP, ils sont revenus sur la difficulté de ces outils à faire face à la pandémie.
Les sénateurs poursuivent leurs travaux sur la gestion de l’épidémie de Covid-19. Ce mardi, la commission d’enquête chargée de l’évaluation des politiques publiques face aux pandémies s’est penchée sur le rôle des outils numériques dans la gestion de crise. Les membres de la Haute chambre recevaient Bruno Sportisse, président de l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (INRIA), qui a participé à piloter la mise en place de l’application Stop Covid, ainsi que trois membres de la direction de la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam), Annelore Coury, Carole Blanc et Annika Dinis. L’objectif de cette table ronde : identifier le rôle et l’efficacité des outils numériques dans la stratégie du gouvernement pour lutter contre la propagation de l’épidémie, notamment l’application Stop Covid.
« Dès le 20 mars, des équipes de l’INRIA se sont engagées auprès des collègues hospitaliers pour une utilisation plus forte des outils numériques, avec la mise en place de plus de 35 projets de recherche », raconte Bruno Sportisse, qui détaille la mise en place d’un consortium de R&D (recherche et développement) franco-allemand, qui a permis de poser les bases de l’application Stop Covid. « Suite à notre travail avec les Allemands, nous avons identifié trois exigences indispensables pour l’application : le respect de la vie privée et des données de santé, la garantie de cybersécurité et la nécessité qu’une autorité de santé devait avoir la main pleine et entière sur le système pour gérer au mieux la crise sanitaire. » Des exigences qui ont poussé les différents acteurs du numérique à ne pas utiliser le système proposé par Apple et Google, et à développer une application propre. « À partir du 2 juin, après un accord passé avec la Direction générale de la santé (DGS), nous avons pu mettre en application Stop Covid. Et le fait que la France ait pu mener un projet de R&D de ce type de bout en bout est un gage d’autonomie stratégique dans le cadre de gestion de pandémies futures », soutient Bruno Sportisse.
Seules 258 personnes prévenues par Stop Covid qu’elles ont été cas contacts
Un enthousiasme modéré par les rapporteurs de la commission d’enquête, qui pointent du doigt le peu d’efficacité de l’application. « Stop Covid est un échec » affirme la sénatrice Sylvie Vermeillet, en demandant des comptes sur le nombre d’utilisations et de personnes informées d’avoir été cas contact grâce à l’application. Avec plus de 2,5 millions d’applications téléchargées pour un peu plus d’1 million de désinstallations et 300 000 réinstallations, l’application compte, en tout, 1,8 million d’installations. En revanche, si un peu plus de 5000 personnes ont déclaré être positives au virus sur l’application, seules 307 décisions de notifications ont été transmises aux cas contacts de ces personnes positives, dont seules 258 ont été consultées par les personnes concernées. Pour Bruno Sportisse, le manque d’intérêt et de confiance des Français dans l’application Stop Covid est lié à « un manque de temps pour installer dans le débat public des éléments d’explications sur les risques de ces outils numériques, les avantages et l’arbitrage entre les deux ».
Pour Bernard Jomier, toutefois, sénateur socialiste et également rapporteur de la commission d’enquête, l’échec dépasse l’application Stop Covid, et s’applique à l’ensemble de la stratégie du gouvernement. « La stratégie tester/tracer/isoler fait face à de graves difficultés. Beaucoup se concentrent sur le test mais les délais d’accès aux tests dépassent la période de contagiosité et mettent en échec la stratégie. Sur le traçage, les difficultés sont importantes. Une information établit que des personnes positives dans la deuxième semaine de septembre, 4/5 n’avaient pas été identifiées comme cas contact. Les chaînes de transmission échappent largement à la stratégie du tracing : témoin de la grande difficulté à freiner la propagation du virus », affirme le sénateur. Car le gouvernement a bien essayé, également, d’utiliser d’autres outils numériques pour assurer sa stratégie de tracing, en associant notamment la Caisse nationale d’assurance maladie.
Des difficultés de plus en plus importantes pour remonter la chaîne de contamination
« L’assurance maladie s’est vue confier une nouvelle finalité d’action pendant la crise : la responsabilité de participer à l’action de tracing de la population. Nous avons donc développé l’outil Contact Covid pour réaliser cette action », détaille Annelore Coury, directrice déléguée à la gestion et à l'organisation des soins de la Cnam. En collaboration avec l’outil SIDEP, développé par la Direction générale de la santé, visant à recueillir les résultats de l’ensemble des tests effectués sur le territoire, la Cnam identifie, grâce à Contact Covid, les personnes positives et leurs contacts, pour prévenir ces derniers. Problème : par manque de délai au moment de leur confection, les deux applications ne sont pas reliées entre elles, et « l’assurance doit regarder chaque jour les résultats de SIDEP et vérifier si des positifs ne figurent pas dans Contact Covid, et le cas échéant ajouter la personne à la liste ». Une difficulté technique supplémentaire qui s’ajoute à la difficulté, de plus en plus grande, de remonter la chaîne de contamination. « Nous notons que seulement 20% des cas contacts deviennent des personnes infectées », soutient Carole Blanc, directrice du réseau administratif et de la contractualisation de la Cnam, rebondissant sur la question de Bernard Jomier. « Il y a donc des chaînes de contamination qu’on ne sait pas retracer, notamment dans les lieux publics. » Un problème qui reste, pour l’heure, irrésolu, alors que le nombre de cas ne cesse d’augmenter sur le territoire.
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