Défense : le Sénat adopte un budget impacté par la guerre en Ukraine et l’inflation
Sans difficulté, le Sénat a adopté, ce lundi, les crédits de la mission défense du projet de loi de finances 2023. En hausse de 3 milliards, ce budget respecte la loi de programmation militaire 2019-2025 mais est rattrapé par le contexte international « où la guerre conventionnelle à haute intensité a fait son retour. »

Défense : le Sénat adopte un budget impacté par la guerre en Ukraine et l’inflation

Sans difficulté, le Sénat a adopté, ce lundi, les crédits de la mission défense du projet de loi de finances 2023. En hausse de 3 milliards, ce budget respecte la loi de programmation militaire 2019-2025 mais est rattrapé par le contexte international « où la guerre conventionnelle à haute intensité a fait son retour. »
Simon Barbarit

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« Ce budget pour 2023 est le plus important pour nos armées depuis la seconde guerre mondiale ». Fort de ce constat, la présentation des crédits de la mission défense, s’est presque déroulée comme une promenade de santé pour le ministre, Sébastien Lecornu.

Certes, avec 44 milliards de crédits de paiement pour l’année prochaine, le budget est en hausse de 6 %, soit 3 milliards de plus par rapport à l’année dernière. « Il s’agit d’un budget de transition. Parce qu’il sera le premier à atteindre une marche de trois milliards d’euros pour atteindre 50 milliards en 2025. Il sera aussi le dernier de la LPM (loi de programmation militaire) votée en 2018, il va ensuite servir de tremplin vers la prochaine LPM », a relevé Christian Cambon, le président LR de la commission des forces armées.

« Nous devons nous demander si les directions prises sont les bonnes »

Le projet de loi de programmation militaire (LPM) pour la période 2024-2030, attendu dans les prochains mois va s’inscrire dans un contexte particulièrement sensible : d’un côté la montée des tensions à l’international et la guerre en Ukraine, qui posent le problème de l’indépendance stratégique de la France, de l’autre une situation financière dégradée. « En nous tournant vers l’avenir, nous devons nous demander si les directions prises sont les bonnes et si le rythme de progression est le bon ? », a rappelé Christian Cambon.

En effet, si l’ensemble des groupes politiques ont émis un avis favorable à ces crédits et les ont adoptées, de nombreuses questions ont rythmé la séance. D’abord, sur le financement de cette hausse de 3 milliards alors que l’impact de l’inflation sur le budget des armées est évalué à 1 milliard d’euros. Pour que l’inflation ne conduise pas à absorber le tiers de l’augmentation des crédits, le gouvernement a fait le choix de la financer par report de charges sur l’année 2024. « Cette méthode qui revient à créer de la dette dans la dette me paraît constitutive d’insincérité », a tancé Dominique Legge, rapporteur spécial pour la commission des finances.

« C’est une pratique ancienne. Elle n’est pas insincère dès lors que nous l’avons documentée devant le Parlement. C’est un risque que nous prenons, mais ce n’est pas une insincérité budgétaire », s’est défendu Le ministre des Armées.

La sénatrice socialiste Hélène Conway-Mouret, secrétaire de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a souligné que la guerre en Ukraine obligeait les parlementaires à porter un regard nouveau sur la trajectoire de la loi de programmation militaire « dans un contexte international profondément transformé, où la guerre conventionnelle à haute intensité a fait son retour. »

A ce titre, la question de l’équipement de l’armée est centrale. « La livraison de 18 canons Caesar à l’armée ukrainienne, presque un quart de nos stocks illustre nos faiblesses en termes de volume », a pointé la sénatrice.

Son collègue, Cédric Perrin (LR) a bien noté que les crédits dédiés à l’équipement des forces armées augmentaient de 900 millions d’euros. Mais l’impact de l’inflation était évalué à 460 millions sur ces mêmes crédits. « Il est désormais question de bâtir une économie de guerre mais encore faudrait-il commencer par passer quelques commandes supplémentaires sur des équipements cruciaux » a-t-il ensuite lancé dans l’hémicycle, redoutant des annulations et des reports de crédits dans la prochaine LPM 2024-2030. On nous a confirmé qu’aucune commande de munitions nouvelles n’avait été effectuée depuis février dernier », s’est-il inquiété.

« Ce n’est pas la livraison de 18 canons Caesar qui met en danger la Nation française »

Le ministre a pu le rassurer. « Je ne sais pas qui a mal informé la commission des affaires étrangères et de la défense » avant de lister : 200 missiles de moyenne portée ont été commandés en novembre, 5000 obus en août 2022 ou encore 35 millions de cartouches. Sébastien Lecornu a aussi répondu à Hélène Conway-Mouret. « Ce n’est pas la livraison de 18 canons Caesar qui met en danger la Nation française ».

Le prélèvement de 24 avions Rafales dans le cadre de contrats d’exportation avec la Grèce et la Croatie constitue aussi, pour les sénateurs, une remise en cause des objectifs capacitaires de la loi de programmation. « Je ne souhaite plus que les stocks des armées servent de stocks tampon […] Nous avons subi le succès. Est-ce que ça a vocation à se reproduire ? La réponse est non », a expliqué Sébastien Lecornu.

Elus et sénateurs ont pu se satisfaire de l’annonce récente d’un accord entre Dassault et Airbus pour des contrats d’études devant mener à un démonstrateur du Système de combat aérien du futur (SCAF). Dominique Legge a souhaité savoir quel était le calendrier pour la mise en service de cet appareil. « Nous avons une revoyure dans deux ou trois ans. On verra où en sera le projet de démonstrateur et il y aura une discussion entre industriels et entre Etats sur la mise en production de ce programme », a expliqué le ministre.

Enfin, Sébastien Lecornu a réaffirmé sa volonté de construire la prochaine LPM avec les deux chambres. « Je serais à la disposition du Sénat pour créer les voies de consensus ».

 

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