Frais de mandat : ce que vont faire les sénateurs

Frais de mandat : ce que vont faire les sénateurs

Comme les députés, les sénateurs vont mettre en place un système d’avance de frais. Ils devront pouvoir justifier leurs dépenses lors de contrôles. Chaque sénateur sera contrôlé au moins une fois. Des sanctions sont prévues en cas de non-respect. Un logiciel et une appli seront mis en place pour les aider. Les notes de frais ont en revanche été écartées, comme à l’Assemblée.
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La démocratie, on le sait, a un coût. Le Parlement dispose d’un budget de fonctionnement, tout comme chaque député et sénateur. Une enveloppe pour payer des collaborateurs, mais aussi une indemnité représentative de frais de mandat (IRFM). Les députés viennent de la réformer, conformément à la loi pour la confiance dans la vie politique, le premier texte majeur de Macron, adopté cet été.

Règles arrêtées jeudi lors d’un bureau du Sénat

C’est maintenant au tour des sénateurs. Le sujet est à l’agenda du bureau du Sénat jeudi prochain. Il arrêtera la formule utilisée par la Haute assemblée pour réformer l’IRFM. Le bureau est composé de 26 sénateurs, représentants tous les groupes politiques.

D’après les informations de publicsenat.fr, les sénateurs se dirigent vers un système globalement similaire à celui adopté par l’Assemblée : les sénateurs disposeront d’une avance de frais et devront conserver les justificatifs pour pouvoir justifier leurs dépenses, selon plusieurs sources sénatoriales. Ces justificatifs devront pouvoir être fournis lors de contrôles, qui devraient être aléatoires également. Tous les sénateurs devraient être contrôlés au moins une fois au cours de la législature. En cas de dépenses jugées non-conformes, des sanctions sont prévues.

Pas un copier-coller de l’Assemblée

Il y a aura cependant quelques différences. Ce ne sera pas le copier-coller du règlement de l’Assemblée. Les sénateurs souhaitent mettre en place un système qui permettra de laisser une certaine autonomie pour travailler, tout en respectant le cadre fixé par la nouvelle loi. Comme à l’Assemblée, les sénateurs devraient disposer d’une part de l’IRFM qu’ils n’auront pas à justifier, notamment pour les petites dépenses. Fixée à 600 euros pour les députés, elle pourrait être plus ou moins du même ordre.

L’enveloppe de l’IRFM, jusqu’ici gérée sur l’ensemble du mandat, sera annualisée. Les compteurs devraient être remis à zéro chaque année. Il ne serait donc plus possible de reporter l’année suivante une somme non-utilisée. Un nouveau compte bancaire devra être créé. L’IRFM était déjà versé sur un compte dédié, depuis la réforme du Sénat de 2015.

« Les usines à gaz, c’est facile à inventer. Faire un truc simple, ça ne l’est pas »

Ce genre de système n’est pas toujours accueilli à bras ouverts par les parlementaires. « Les usines à gaz, c’est facile à inventer. Faire un truc simple, ça ne l’est pas » met en garde une sénatrice. Elle ajoute : « Il ne faudrait pas une boîte à chaussure de justificatifs. Ce serait bien d’avoir une application pour tout scanner et alléger la charge ». Cette sénatrice va être contente. C’est ce qui est prévu.

Un logiciel va être mis en place par le Sénat pour accompagner les sénateurs et faciliter la gestion des justificatifs. Pour fluidifier davantage le système, le Sénat va proposer une application pour smartphone pour enregistrer les justificatifs. A l’Assemblée, certains députés ont pointé du doigt le nouveau dispositif, évoquant la nécessité de recourir à un expert-comptable.

L’absence de contrôle à l’origine des dérives

Si Emmanuel Macron avait mis dans son programme plus de transparence sur l’IRFM, ce n’était pas pour rien. D’un montant mensuel de 6.109,89 euros net pour chaque sénateur et de 5.373 euros par députés, l’IRFM avait un gros défaut : aucun contrôle n’était exercé.

Cette enveloppe est une allocation forfaitaire servant à couvrir uniquement les frais liés au mandat. Mais un parlementaire mal informé voire mal intentionné pouvait parfaitement l’utiliser comme bon lui semble. Certains l’ont par exemple utilisée pour acheter leur permanence parlementaire, avant de la revendre à leur bénéfice, après leur mandat. Une pratique qui a déjà été interdite à l’Assemblée comme au Sénat.

Les sénateurs avaient modifié le texte pour apporter plus de « souplesse »

Les nouvelles règles vont permettre d’éviter ces dérives et, ainsi, éviter les suspicions. Reste que les députés et les sénateurs vont moins loin que ne l’aurait voulu, à l’origine, le gouvernement. Dans le projet de loi initial, présenté alors par François Bayrou, les parlementaires devaient être « remboursés », « sur présentation de justificatifs de ces frais ». Autrement dit, des notes de frais remboursés après coup.

Mais les sénateurs avaient modifié le texte pour lui donner plus de « souplesse », avait défendu le président LR de la commission des lois, Philippe Bas. La nouvelle écriture de la loi, conservée ensuite par les députés et sur laquelle le gouvernement n’est pas revenu, laisse le choix entre « une prise en charge directe », « un remboursement sur présentation de justificatifs » ou le « versement d’une avance ». De quoi exclure les notes de frais, système jugé trop lourd dans sa mise en application.

La Grande-Bretagne a pourtant mis en place un tel système en 2009. Depuis 2015, les dépenses des membres de la Chambre des communes peuvent même être rendues publiques, sur demande. La transparence est totale. Elle a aussi un coût. L’autorité indépendante en charge des notes a dû embaucher 79 fonctionnaires, avec 7 millions d’euros de frais de gestion.

En 2015, les sénateurs avaient déjà prévu un guide d’utilisation de l’IRFM

Les députés ont fixé les frais autorisés, ceux liés au mandat, comme la location d'une permanence, le transport, la communication, la formation, des invitations à déjeuner ou encore l’achat d’une voiture, mais pas dans la dernière année du mandat. Sont interdits en revanche « tout financement » d'un parti politique, les « dépenses personnels », sans qu’elles soient précisées, et l’achat d’un bien immobilier.

Au Sénat, les sénateurs avaient pris un peu d’avance avec un guide d’utilisation de l’IRFM, créé en 2015, lors de la réforme du Sénat. Parmi les dépenses éligibles, on retrouve les mêmes éléments qu’à l’Assemblée : les frais liés à la permanence et à l'hébergement du sénateur, les frais de déplacement du sénateur et de ses collaborateurs, les frais de documentation et de communication, les frais de représentation et de réception, les frais de formation du sénateur et de ses collaborateurs, mais aussi la participation aux dépenses de fonctionnement d'un groupe parlementaire, comme le rappelait Philippe Bas dans son rapport sur le texte du gouvernement. Quant à l’achat d’une permanence parlementaire, elle a déjà été interdite depuis le 1er janvier 2016.

Quelle part pour les dépenses personnelles ?

Les questeurs du Sénat doivent encore, aujourd’hui et demain, arrêter les derniers détails, avant le bureau de jeudi. Il y a notamment la question de la part des dépenses liées au mandat et la part des dépenses personnelles. Faut-il par exemple un prorata de dépenses jugées personnelles dans certains cas ? Et lesquels ? Un sénateur se pose la question : « Est-ce qu’il faut pinailler et faire des prorata sur tout ? Par exemple, quand je remplace un pneu de ma voiture achetée avec l’IRFM, mais avec laquelle je fais aussi une part de trajets personnels, est-ce que le pneu me sert à 20% à titre personnel ? A la fin, ça devient un peu ridicule ». Il y a aussi le cas des parlementaires des DOM-TOM, pour qui la distance justifie des règles adaptées.

Reste à savoir aussi qui exercera les contrôles, et avec quels moyens. Il serait logique que le comité de déontologie du Sénat joue un rôle. Mais, composé de sénateurs, on pourrait lui reprocher d’être juge et partie s’il était le seul à exercer ce contrôle.

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