Le grand débat au Parlement : les sénateurs craignent un « exercice de ventriloquie »

Le grand débat au Parlement : les sénateurs craignent un « exercice de ventriloquie »

Trois mois après sa mise en place, le grand débat arrive au Parlement. Contrairement aux députés, les sénateurs disposeront d’une version allégée de cet exercice. Deux auditions jeudi sur la méthodologie, et un débat dans l’hémicycle mercredi 10 avril.
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Jusqu’à présent, les parlementaires n’étaient pas spécifiquement mis à contribution dans l’organisation des grands débats. Même si, depuis sa mise en place le 15 janvier dernier, chacun était libre d’organiser une consultation publique dans sa circonscription. Il revenait surtout aux maires de France de mettre des salles à disposition, de veiller au bon déroulement des échanges, ou encore de recueillir des cahiers de doléances dans leur mairie. En attendant le lundi 8 avril, date de la synthèse faite par le gouvernement, des 1,5 million de contributions des Français, au tour des députés d’en débattre cette semaine. Ce mardi, les élus de la chambre basse vont plancher sur deux des quatre thèmes proposés par le gouvernement : la transition écologique, la fiscalité et les dépenses publiques. Puis démocratie et citoyenneté, mercredi.

Sébastien Lecornu et Emmanuelle Wargon auditionnés par le Sénat jeudi

Au Sénat, rien de tel cette semaine. « On ne va quand même pas faire un débat sur le grand débat » ironise Patrick Kanner, président du groupe PS. Les sénateurs vont toutefois s’intéresser à la méthodologie employée par le gouvernement pour tirer une synthèse de ces milliers de contributions. Jeudi matin à partir de 8h30, les ministres Sébastien Lecornu et Emmanuelle Wargon seront auditionnés pendant deux heures sur ce sujet. « J’attends de voir comment se fait l’agrégation de l’ensemble de ces données et comment on en sort un ensemble de mesures cohérentes ? (…) En général quand on fait une enquête, on s’intéresse à la méthodologie avant » appuie le sénateur socialiste, Éric Kerrouche.

« Ça peut paraître bizarre de s’intéresser la méthodologie après le grand débat » reconnaît François-Noël Buffet, vice-président LR de la commission des lois. « Il n’empêche, c’est parce qu’on connaîtra parfaitement la façon dont les contributions ont été traitées, analysées… Que l’on pourra en apprécier la véritable qualité. Soit les choses ont été faites de manière professionnelle et auquel cas on pourra considérer que les conclusions sont des bases de travail intéressantes. Soit, on aura le sentiment que ça a été fait à la va-vite et on en tirera les conclusions inverses » résume-t-il.

« On ne traite pas les sujets que les gens veulent voir traiter »

C’est le mercredi 10 avril, à partir de 16h30 que les sénateurs débattront avec le Premier ministre de cette synthèse du grand débat. 31 questions réparties en fonction du poids des groupes parlementaires seront adressées à Édouard Philippe. Mais déjà, des critiques émergent sur l’utilité de cet exercice. « On nous demande de réagir sur des conclusions qui nous auront été transmises deux jours plus tôt » souligne Patrick Kanner.

Et si Emmanuel Macron a promis le 16 janvier dernier qu’il comptait faire de ces conclusions « un acte II » de son mandat, les sénateurs ont peine à croire à un tournant du quinquennat. « Il a bien dit que sur l’ISF ou certains autres sujets, qu’il ne changerait pas » se souvient le sénateur LR, François Grosdidier. « Moi, j’attends de voir si on va pouvoir donner une structuration, une cohérence à des demandes qui sont extrêmement disparates, parfois antagonistes. Mais surtout, j’espère qu’on n’aura pas encore un exercice de ventriloquie. C’est-à-dire qu’on fait parler les gens à leur place mais on ne traite pas les sujets que les gens veulent voir traiter » s’inquiète Éric Kerrouche.

« Les textes actuellement en discussion ne sont pas enrichis par ce qui ressort du grand débat »

Le grand débat a été mis en place pour calmer la colère des gilets jaunes et Emmanuel Macron avait assuré qu’il n’y aurait « aucun tabou » pour sortir de la crise. Pourtant comme le regrette, le sénateur communiste, Guillaume Gontard, « les textes actuellement en discussion ne sont pas enrichis par ce qui ressort du grand débat ». Une référence au projet de loi Mobilités (LOM) qui vient d’être adopté, cet après-midi, par le Sénat. Jeudi dernier, lors de l’examen de plusieurs amendements visant à trouver des ressources pour assurer le financement des infrastructures de transports, la ministre, Élisabeth Borne a renvoyé les différentes solutions proposées par les élus « aux conclusions du grand débat ». « Dire qu’on attend la fin du grand débat pour dire comment on va trouver les 500 millions [manquants], je trouve que c’est un peu court. Ce n’est même pas très crédible. Je n’imagine pas un seul instant que vous n’ayez pas quelques idées. » avait alors objecté le sénateur centriste Hervé Maurey. Plus quelques jours de patience pour un second souffle du quinquennat ?

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