Sénat : la création d’un groupe « Constructif » LR fait débat à droite

Sénat : la création d’un groupe « Constructif » LR fait débat à droite

La sénatrice LR Fabienne Keller, proche d’Alain Juppé, est à la manœuvre pour constituer un groupe des « Constructifs » LR et UDI au Sénat, comme celui créé à l’Assemblée. Elle espère rassembler une vingtaine d’élus. Mais tous les juppéistes ne sont pas prêts à suivre et faire scission.
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C’est le moment. Les « constructifs » LR du Sénat s’apprêtent à constituer un groupe politique, après celui de l’Assemblée. Ce sera après les sénatoriales de 24 septembre. Avant l’été, l’heure n’était pourtant pas à la constitution d’un nouveau groupe pour ces élus qui étaient derrière Alain Juppé, avant d’apporter leur soutien « constructif » au gouvernement (voir notre article). Mais la volonté d’y aller est aujourd’hui clairement affichée.

« Avant la coupure estivale, on s’est retrouvé tous les mardis avec les sénateurs qui ont soutenu Alain Juppé. On a réfléchi ensemble sur la forme que pourrait prendre notre sensibilité, une amicale ou un groupe. On pensait alors que ce n’était pas le bon moment de créer quelque chose avant les sénatoriales. C’était notamment une demande de ceux qui sont renouvelables. C’est un élément d’incertitude » raconte à publicsenat.fr la sénatrice du Bas-Rhin Fabienne Keller, à la manœuvre avec ses collègues Jérôme Bignon et Claude Malhuret. Mais « les choses sont assez mouvantes » et il avait « été décidé, avant l’été, de lancer le groupe après les sénatoriales ».

« On va voir si on est en capacité de créer un groupe »

« On va voir si on est en capacité de créer un groupe ou de garder la forme plus informelle d’une amicale » affirme Fabienne Keller. Des propos qui semblent plus prudents que ceux tenus par la sénatrice au Monde ce week-end. « Tant que les choses ne sont pas faites… » répond l’élue, qui pour le moment, « fait le tour des popotes pour voir qui serait prêt à s’engager ». « L’objectif c’est d’être plutôt autour de 20. Et on peut être plus ambitieux avec les centristes ». Les contacts se font en effet avec des membres du groupe UDI, qui ont clairement exprimé leur soutien à Emmanuel Macron avant les vacances. Précision importante : les sénateurs Constructifs comptent voter Gérard Larcher pour la présidence du Sénat. « Nous lui apportons notre soutien » assure Fabienne Keller.

En cherchant à provoquer la création d’un groupe, les Constructifs du Sénat font un pas de plus vers leur autonomie, alors que le député Thierry Solère, initiateur du groupe Constructif LR-UDI de l’Assemblée, a évoqué dimanche la création d’un nouveau parti. S’agit-il aussi d’anticiper la possible scission au sein des LR, face à un Laurent Wauquiez trop droitier à leurs yeux ? « Ce n’est pas indépendant de cela évidemment et de ce qui s’est passé à la présidentielle », reconnaît Fabienne Keller, qui rappelle que le candidat à la présidence des LR « a défendu le vote blanc dans l’entre-deux tours de la présidentielle. Là, clairement, il fait des choix qui ne sont pas acceptables pour nous. C’est une ligne rouge ». Elle fait valoir que la « sensibilité » des LR Constructifs « n’est pas très écoutée au sein des LR. Elle est plus humaniste, ouverte sur les questions de société, plus européenne ».

« On avait du mal à parler au sein du groupe LR »

Signe d’un désaccord profondément ancré, la sénatrice attaque le président du groupe LR du Sénat, Bruno Retailleau. Fabienne Keller lui reproche un manque de débat au sein du groupe, mais aussi son rôle auprès de l’ancien candidat :

« On avait du mal à parler au sein du groupe LR. On n’a jamais pu échanger sur les causes de ce terrible échec qui est le nôtre. Bruno Retailleau, qui a été très engagé aux côtés de François Fillon, le sait mieux que quiconque. On a poursuivi dans une voie sans issue dans une forme d’obstination. On n’a pas pu en parler ».

Sans surprise, cette division du groupe ne plaît pas à tous les sénateurs LR. La sénatrice du Val-de-Marne, Catherine Procaccia, ne compte « absolument pas » rejoindre le futur groupe. « En tant que Républicains, je suis au Sénat depuis 12 ans, et j’ai voté pour ou contre des mesures proposées par des gouvernements de droite ou de gauche. (…) Etre constructif, ce n’est pas s’appeler, c’est le traduire dans les actes » fait valoir la sénatrice, interrogé sur l’antenne de Public Sénat. Regardez :

Catherine Procaccia ne compte "absolument pas" rejoindre un groupe des Constructifs au Sénat
01:41

Certains préfèrent rester au groupe LR

Reste que l’initiative ne semble pas faire l’unanimité non plus chez tous les sénateurs qui ont soutenu Alain Juppé. François Grosdidier, certes renouvelable et donc confronté à la grogne des élus locaux contre le gouvernement, ne suivra pas. « Je ne suis pas dans le fractionnisme. Je ne comprends pas ce choix. Je resterai au groupe LR, dans le groupe de Gérard Larcher. Il y a un vrai pluralisme, une liberté d’expression et même de vote au sein du groupe », affirme le sénateur de la Moselle à publicsenat.fr.

« Nous sommes nécessairement constructifs par nature constitutionnelle et aussi par culture. Je ne comprends pas que des collègues envisagent de former un groupe » affirme François Grosdidier, « aux dernières réunions auxquelles j’ai participé en juillet, il n’était pas question de scission ».

« Ce n’est pas parce qu’on ne va pas à la messe qu’on n’est plus catholique »

Le sénateur LR de l’Hérault, Jean-Pierre Grand, juppéiste tendance électron libre, ne compte pas non plus suivre l’aventure. « Je ne sens pas bien ce truc » dit-il. Et demande : « Aujourd’hui, à quoi sert de faire un groupe ? Quel intérêt, si ce n’est pour deux ou trois personnes qui veulent essayer de rentrer dans un prochain gouvernement ? » Selon Jean-Pierre Grand, « le groupe Constructif de l’Assemblée ne pèse plus rien, c’est fini. Le gouvernement sait qu’il est complètement avec lui ». Il préfère chercher à défendre ses idées à l’intérieur des LR. Il se dit lui-même « constructif » et « vote quand c’est bien ». « Ce n’est pas parce qu’on ne va pas à la messe qu’on n’est plus catholique » sourit le sénateur de l’Hérault.

Fabienne Keller reconnaît que certains collègues sont « prudents ou ne sont pas dans la démarche ». Mais s’il s’agit « d’assumer clairement la volonté que le gouvernement d’Edouard Philippe réussisse, en sortant des postures », « on garde notre liberté de propositions et de critiques, comme sur les collectivités locales ». Si les Constructifs du Sénat vont jusqu’au bout, ils affaibliront le groupe LR actuel. Mais ils pourraient aussi compliquer le jeu du président du groupe LREM du Sénat, François Patriat, qui rêve d’élargir son groupe en accueillant des sénateurs de centre-droit après les sénatoriales.

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