« Affaiblie » après les législatives, Elisabeth Borne peut-elle rester à Matignon ?

« Affaiblie » après les législatives, Elisabeth Borne peut-elle rester à Matignon ?

Après les mauvais résultats de la majorité aux législatives, la question du maintien de la première ministre à Matignon « se pose », au sein de la majorité, au profit d’un profil plus politique. Mais après sa victoire aux législatives, d’autres la jugent « légitime ». D’autant que la présidence du groupe à l’Assemblée et le perchoir sont des « enjeux plus forts » et plus urgents pour Emmanuel Macron.
François Vignal

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Au lendemain du second tour des législatives, la question du maintien d’Elisabeth Borne à Matignon est posée. Emmanuel Macron n’a qu’une majorité très relative et se retrouve contraint de négocier avec les oppositions, s’il espère encore faire adopter certaines réformes.

Dans l’opposition, justement, certains demandent sans surprise la tête de la première ministre, notamment les députés LFI. Ils comptent même déposer une motion de censure. Si elle est adoptée par une majorité, cela ferait tomber le gouvernement Borne. Mais les LR, qui entendent incarner une opposition constructive, ne sont pas prêts à aller jusque-là. « Qu’est-ce que c’est cette idée de la chasse à l’homme ou la chasse à la femme ? Je n’ai aucune sympathie politique pour Élisabeth Borne, mais ce n’est pas pour autant que je vais aller fricoter avec les Insoumis, avec lesquels je ne me sens rien de commun », a estimé sur France Info Aurélien Pradié, secrétaire général des LR.

« Nous sommes collectivement affaiblis. Mais ce n’est pas la responsabilité d’Elisabeth Borne »

Alors que le prochain Conseil des ministres est annulé, au sein de la majorité, on défend la première ministre, qui a réussi à être élue – certes de peu – dans le Calvados. « Au moment où je parle, la question ne s’est pas posée. On verra dans les prochaines heures » a évacué lundi matin sur France Inter Olvia Grégoire, porte-parole du gouvernement. On fait mieux comme soutien. « On ne peut pas dire qu’Elisabeth Borne ait démérité », affirme pour sa part François Patriat, président du groupe RDPI (LREM) du Sénat, « Elisabeth Borne a toutes les compétences, elle est autant technique que politique ». Le sénateur de la Côte-d’Or pense qu’elle peut légitimement « être reconduite », mais il rappelle que « la décision appartient au chef de l’Etat ».

« Elisabeth Borne est très solide et courageuse. Elle correspond bien à ce type de situation », disait d’elle une ministre de premier plan dans l’entre-deux tours. Mais le contexte politique issu du second tour rebat les cartes. « C’est sûr que nous sommes collectivement affaiblis. Mais ce n’est pas la responsabilité d’Elisabeth Borne. Elle est en capacité de gérer », soutient Marie Lebec, réélue députée Renaissance dans les Yvelines. Celle qui était jusque-là vice-présidente du groupe LREM ajoute qu’« elle a aussi la confiance du Président. C’est une bonne technicienne et elle a toutes les compétences pour être une bonne première ministre. Elle a aussi les qualités humaines pour être le leader de la majorité. Et c’est une très bonne négociatrice. Elle a été à la tête de grands ministères et a fait des négociations avec des partenaires qui sont aussi difficiles que ceux qu’on aura à l’Assemblée… », ajoute Marie Lebec.

« Est-ce qu’elle a le poids pour rester ? »

D’autres reconnaissent néanmoins qu’il y a un sujet. « Légitimement, la question se pose », dit l’un, avant d’ajouter qu’« elle est légitime pour rester. Elle a remporté son élection. Elle n’est peut-être pas la plus charismatique, elle a un profil discret, mais elle n’a pas démérité ». « Est-ce qu’elle a le poids pour rester ? Elle sort affaiblie », reconnaît un conseiller de l’exécutif, qui évoque à la place « un casting de droite » pour « donner quelque chose au LR, pour essayer d’avoir une majorité sur les textes ». Mais difficile de se séparer car « c’est une femme ». Une chose est sûre : « L’équation est très compliquée ». D’autant qu’une nouvelle fois, « le plus grand défaut de la Macronie, c’est le banc de touche », rappelle un connaisseur de la majorité.

C’est peut-être pourquoi, dans l’immédiat du moins, Emmanuel Macron pourrait la garder. « Elle est légitime pour rester à Matignon, il n’y a pas de sujet », pense un nouveau député. Un autre parlementaire ne trouve pas idéal de « changer de premier ministre comme ça, un mois après l’avoir nommé… On verra à l’usage ». 

Roland Lescure pour la présidence du groupe ?

Pour compliquer les choses, avant la question du gouvernement, Emmanuel Macron doit d’abord gérer « les bouleversements » à l’Assemblée. « Le gouvernement, c’est très important, mais la priorité stratégique, là où les enjeux sont les plus forts, c’est à l’Assemblée », soutient un député LREM. Avec déjà la question de la présidence du groupe Renaissance (LREM), pour remplacer Christophe Castaner.

Le nom du député Roland Lescure, porte-parole de LREM, revient avec insistance. On évoque aussi celui d’Aurore Bergé, venue de la droite. « Roland Lescure en a très envie », selon un parlementaire. Un autre plaide pour qu’Emmanuel Macron fasse acte d’autorité et décide de tout à l’avance. « Ça va être le bordel à l’Assemblée, mais que ça ne vienne pas de chez nous », espère un député LREM, « pas question d’avoir un groupe qui est faible ».

Barbara Pompili « réfléchit » à la présidence de l’Assemblée, le nom d’Olivier Véran évoqué aussi

Autre question : le perchoir. Pour la présidence de l’Assemblée nationale, l’ex-ministre Barbara Pompili devrait être sur les rangs, alors que jamais une femme n’a occupé ce poste prestigieux. « Je suis en train d’y réfléchir, plutôt pour la présidence de l’Assemblée nationale. Mais vu les circonstances, il faut que chacun trouve la place où il sera utile. Et moi, je veux être utile », annonce à publicsenat.fr Barbara Pompili, qui se dit prête à discuter avec « le groupe LR », « les différents groupes de la Nupes » et « peut-être » même le RN pour trouver des majorités de circonstance.

D’autres noms circulent pour prendre le perchoir. On évoque Olivier Véran, nouveau ministre des Relations avec le Parlement. L’utilisation de la « cartouche Véran », selon les mots d’un conseiller de l’exécutif, « c’est une option ». On sait aussi que la ministre des Outre-Mer, Yaël Braun-Pivet, réélue dans les Yvelines, ne cachait pas en privé, avant son entrée au gouvernement, avoir des visées sur la présidence de l’Assemblée. Ou pourquoi pas regarder du côté des alliés, comme Horizons, le parti d’Edouard Philippe ? Un membre de la majorité « n’exclut aucune possibilité ». Un conseiller résume le profil nécessaire pour le perchoir : « Pour être à la tête de l’Assemblée, il faut soit quelqu’un d’extrêmement consensuel, soit d’extrêmement politique ou soit d’extrêmement en capacité à ramener des voix. C’est le mouton à cinq pattes ! C’est ça qui est en train d’être discuté en haute sphère ».

Un seul groupe pour Ensemble ?

Dans ce brainstorming de la majorité, on évoque aussi « la volonté de faire potentiellement un seul groupe Ensemble »… Autrement dit, Renaissance, le Modem et Horizons formeraient dans ce cas un seul groupe, et non trois, comme prévu à la base. Une manière « de donner plus de lisibilité, comme l’Assemblée sera dans l’obstruction et le blocage ».

Emmanuel Macron entend malgré tout rester le « maître des horloges », comme le rappelle un député. Le Président aurait surtout besoin d’une machine à remonter dans le temps, pour retrouver la situation de 2017, où il avait une majorité absolue.

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