Budget : « Le gouvernement devrait écouter un peu plus le Sénat »

Budget : « Le gouvernement devrait écouter un peu plus le Sénat »

Alors que débute l’examen du projet de loi de finances 2020 au Sénat, les sénateurs dénoncent « un budget de renoncement » et des baisses d’impôt « en trompe-l’œil ». Ils rappellent qu’ils avaient prévenu l’exécutif sur les risques liés à l’augmentation de la taxe sur le carburant.
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C’est le budget de mi-mandat. C’est aussi celui de l’après gilets jaunes. Les sénateurs ont entamé jeudi 21 novembre l’examen du projet de loi de finances (PLF) 2020. Adopté mardi en première lecture par les députés, l’examen est prévu pour près de trois semaines, d’ici le vote solennel.

Ce budget reprend en effet une partie des annonces post-grand débat, et en reprend d’autres déjà adoptées en décembre 2018 dans les mesures d’urgences. La mesure phare mise en avant par le gouvernement, ce sont les 5 milliards d’euros de baisse d’impôt sur le revenu, qui profite à 17 millions de Français. On retrouve aussi la « revalorisation de la prime d’activité, soit 100 euros en plus par mois », ou encore « la défiscalisation des heures supplémentaires » rappelle le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire. Ce PLF poursuit aussi la suppression de la taxe d'habitation. C’est pourquoi l’exécutif présente ce budget comme celui du pouvoir d’achat.

Un budget qui se tourne aussi vers l’entreprise. « L’intégralité des allègements de charges sera maintenue et est renforcée depuis octobre : il n’y a plus aucune cotisation patronale au niveau du Smic » se réjouit Bruno Le Maire, qui ajoute que « la baisse de l’impôt sur les sociétés se poursuivra. Le cap de 25% du taux de l’impôt sera atteint en 2022, comme le Président s’y était engagé ». Il ajoute : « La poursuite de la politique de l’offre a commencé à donner des résultats, avec la création d’un demi-million d’emplois ».

Bruno Le Maire : « 2,2% de déficit public, c’est le chiffre le plus bas depuis 20 ans. Les chiffres sont têtus »

Reste la question du déficit (2,2%) et de la dette (quasi stable à 98,7% du PIB), alors que la Commission européenne met en garde la France. « Certains diront, à juste titre, que nous ferons (la réduction du déficit) à un rythme plus lent que prévu. C’est vrai » reconnaît le ministre, mais il juge « raisonnable d’adapter » l’effort à « la conjoncture internationale » et « on ne peut pas faire comme s’il n’y avait pas eu de crise sociale majeure dans notre pays ». Reste que « 2,2% de déficit public, c’est le chiffre le plus bas depuis 20 ans. Les chiffres sont têtus » constate Bruno Le Maire. Emmanuel Macron, lui a affirmé il y a peu que la règle des 3% était d’un autre siècle…

Bruno Le Maire : « 2,2% de déficit public, c’est le chiffre le plus bas depuis 20 ans. Les chiffres sont têtus »
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Pour le rapporteur LR du budget au Sénat, Albéric de Montgolfier, au contraire, « le redressement des comptes publics est purement et simplement abandonné. La France vit à crédit et voit ses marges de manœuvre réduites ». « C’est un budget de renoncement » surenchérit Vincent Eblé, président PS de la commission des finances, « et il ne laisse aucune marge de manœuvre en cas de retournement » économique.

« Vous ne nous avez pas écoutés »

Au-delà des chiffres, Albéric de Montgolfier ne s’est pas privé de rappeler aux ministres présents – Le Maire et Darmanin – qu’ils auraient peut-être mieux fait d’écouter le Sénat. Il y a deux ans, lors des débats sur le budget 2018, le sénateur LR « Jean-François Husson avait alerté sur les risques de prévoir une augmentation de la fiscalité énergétique sans aucune compensation pour les Français. A l’époque, il avait parlé de bonnets rouges. Son seul tort, c’était de se tromper de couleur » rappelle le sénateur d’Eure-et-Loir (voir notre article sur le sujet).

« L’an dernier, le Sénat avait supprimé cette hausse. Vous ne nous avez pas écoutés. Et finalement dans la douleur, vous avez été conduits à accepter l’amendement du Sénat », rappelle le rapporteur du budget. Albéric de Montgolfier continue :

« Je formule un vœu : que vous écoutiez un peu plus le Sénat. On n’en serait pas là, si nos messages sur la CSG des retraités et le carburant, avaient été écoutés ».

« Greenwashing » et un « green-budgeting »

Cette année, le même Jean-François Husson a dénoncé un « greenwashing » et un « green-budgeting », pointant une politique de « Tartuffe sur le bonus-malus », l’écocontribution sur les billets d’avion ou la suppression de la traçabilité des recettes pour la transition écologique.

Côté collectivités, les sénateurs dénoncent une réforme de la taxe d’habitation « bâclée ». Le Sénat va repousser d’un an la mise en œuvre du système de compensation financière pour les collectivités, pour mieux en évaluer les effets.

La majorité sénatoriale, composée des LR et des centristes, n’est pas toujours exactement sur la même ligne pour le budget. « C’est l’humain qui doit guider nos actions et non le taux de PIB » lance Bernard Delcros, sénateur du Cantal et proche du Modem. Il dénonce « la baisse drastique des agents publics ». Et ajoute :

« Nous ne réussirons pas le redressement des finances publiques s’il ne s’accompagne pas d’une politique efficace de réduction des inégalités »

Claude Malhuret, président du groupe Les Indépendant – République et territoires, rappelle, à sa manière, le contexte sensible dans lequel ce budget est examiné. « Alors qu’à la veille du 5 décembre, il est plus difficile de trouver en France un esprit tranquille qu’un trèfle à quatre feuilles, le gouvernement doit composer avec une urgence encore plus grande que la réduction de la dette publique, (…) nous devons maintenant, et de toute urgence, réduire notre dette climatique » exhorte le sénateur de l’Allier, proche du gouvernement. « Vous avez pris le sujet à bras-le-corps » ajoute Claude Malhuret.

Un sénateur communiste cite le rappeur Kery James

A gauche, le PS proposera de rétablir l’ISF, mais en en relevant le seuil d’entrée à 1,8 million d’euros, contre 1,3 million avant, tout en cherchant à ce que les plus riches n’y échappent pas. Vincent Eblé dénonce aussi un budget où des efforts sont faits sur les politiques sociales : « Contrats aidés », « aides au logement ». « Seules les manifestations d’ampleur amènent le gouvernement à répondre aux demandes sociales, au cas par cas, comme on l’a vu sur le prétendu plan hôpital » ajoute le socialiste.

Pour les communistes, le sénateur PCF du Val-de-Marne, Pascal Savoldelli, a cité…. le rappeur Kery James, pour dénoncer la politique d’Emmanuel Macron sur les banlieues : « Incapable de voir loin, on ne veut pas le bien, quitte à détruire l’intérêt commun ». Il dénonce la baisse du budget de l’enseignement supérieur – contestée par Gérald Darmanin – et demande la baisse de la TVA sur les produits de première nécessité et l’énergie. Eric Bocquet, autre sénateur communiste et spécialiste de l’évasion fiscale, rappelle que « des dizaines de milliards d’euros échappent à la collectivité » à cause des pratiques d’évitement de l’impôt, « il y a des ressources abondantes » à récupérer. De quoi peut-être réduire le déficit.

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