Cabinets de conseil : « Les propos d’Emmanuel Macron traduisent une grande fébrilité », note le président de la commission d’enquête

Cabinets de conseil : « Les propos d’Emmanuel Macron traduisent une grande fébrilité », note le président de la commission d’enquête

En déplacement à Dijon, Emmanuel Macron a réagi à la polémique qui monte suite aux conclusions de la commission d’enquête du Sénat sur le recours aux cabinets de conseil. Le chef de l’Etat estime que la majorité des dépenses sont liées à la cybersécurité. Une affirmation démentie par le président de la commission d’enquête.
Public Sénat

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

« Ce n’est pas moi qui signe les contrats. Je vous invite à regarder le code des marchés publics. Le président de la République n’autorise aucune dépense ». En déplacement à Dijon sur les terres d’un de ses soutiens, l’ancien socialiste, François Rebsamen, Emmanuel Macron a dû s’expliquer longuement sur le rapport accablant de la commission d’enquête du Sénat sur les cabinets de conseils.

Pour mémoire, la Haute assemblée a chiffré les dépenses de conseil de l’État au sens large (en incluant certains opérateurs) à plus d’un milliard d’euros. La co-rapporteure de la commission, Éliane Assassi avait relevé « des pans entiers des politiques publiques délégués à des consultants, qui n’ont toutefois aucune légitimité démocratique ». « Une intrusion en profondeur du secteur privé dans la sphère publique », avait-elle relevé.

« On a dit beaucoup de bêtises ces derniers jours »

Plus embarrassant encore, le Sénat a saisi, vendredi, la justice, pour suspicion de faux témoignage d’un dirigeant d’une filiale française de McKinsey qui avait assuré, sous serment devant la commission, que son cabinet payait bien ses impôts en France. Or, l’enquête du Sénat atteste que le cabinet McKinsey n’a pas payé d’impôts sur les sociétés en France depuis au moins 10 ans.

Le président de la République s’est voulu didactique devant la presse. « On a dit beaucoup de bêtises ces derniers jours. On a parlé du milliard. Je vous invite à regarder le détail. Les trois quarts, même plus, ce sont des recours à des prestataires informatiques et à des entreprises pour financer le cyber et l’évolution aux nouveaux risques. L’Etat a parfois besoin d’avoir des compétences extérieures », explique-t-il.

« L’argument du chef de l’Etat est fallacieux »

« L’argument du chef de l’Etat est fallacieux », conteste Arnaud Bazin, le président LR de la commission d’enquête du Sénat. Contacté par publicsenat.fr, le sénateur revient sur ce chiffrage. « Il faut d’abord rappeler que le milliard d’euros que nous avons identifié ne regroupe qu’une partie seulement des dépenses de conseils. C’est une estimation minimale. Nous n’avons évalué que les dépenses des ministères et celles de 44 agences de l’Etat (Pôle emploi, Caisse des dépôts et consignations, etc.), soit seulement 10 % des opérateurs ». En ce qui concerne l’argument « cybersécurité » mis en avant par Emmanuel Macron pour justifier la grande majorité des dépenses en cabinet de conseil, là encore Arnaud Bazin s’inscrit en faux. « Sur 893 millions de dépenses en conseil effectuées par les ministères en 2021, 445 millions sont des conseils en stratégie et en organisation. 448 millions sont des conseils en informatique, soit la moitié (et non les trois quarts). Ils avaient aussi une dimension stratégique mais moindre ».

« Je ne suis pas débiteur d’un chef d’entreprise qui vient parler devant le Sénat »

Sur la défensive, Emmanuel Macron affirme qu’il n’allait pas « justifier de chaque contrat ». « Il faut poser la question aux ministres qui les ont passés. Je ne suis pas débiteur d’un chef d’entreprise qui vient parler devant le Sénat ». Le chef de l’Etat assure également qu’en matière de conseil, ce quinquennat, « a beaucoup moins dépensé qu’il y a 10 ans ». « Sur la tendance, il y a eu une augmentation (liée) au covid parce qu’il y en avait besoin et parce qu’on a augmenté l’équipement cyber », souligne-t-il.

« Nous avons identifié 41 millions d’euros liés à la crise soit 5 % de la dépense annuelle »

Pourtant, dans son rapport, la commission d’enquête note que le marché du conseil au secteur public a progressé de 188 millions d’euros entre 2000 et 2018, soit une hausse supérieure à 40 % pour atteindre 657 millions en 2018. Pour Arnaud Bazin, les propos d’Emmanuel Macron « traduisent une grande fébrilité sur cette question ». « Ce n’est pas le covid qui a fait bondir les dépenses jusqu’à 1 milliard en 2021. Nous avons identifié 41 millions d’euros liés à la crise soit 5 % de la dépense annuelle. Il y a des prestations qui auraient pu être réalisées par l’administration de l’Etat comme ce guide du télétravail (rédigé par Alixio, sous-traitant de McKinsey pour 235 620 euros) ; relève l’élu.

Et si le chef de l’Etat considère que le gouvernement français ne doit pas « se priver de la compétence que d’autres gouvernements peuvent acquérir », le Sénat plaide quant à, lui pour une « doctrine » et « de la transparence » dans le recours aux cabinets de conseil.

Dans la même thématique

PARIS: Soiree electorale des elections europeennes avec Francois-Xavier Bellamy au siege de Les Republicains
3min

Politique

Parlement européen : François-Xavier Bellamy porte plainte contre Rima Hassan

François-Xavier Bellamy porte plainte contre Rima Hassan pour des menaces qu’elle aurait proférées à son égard. Cette plainte fait suite au blocage par le député européen de la candidature de Rima Hassan à la vice-présidence de la sous-commission des droits de l’Homme. L’élection du poste de vice-présidente que briguait la députée européenne a été reportée en septembre.

Le

Paris: Designation Bureau Assemblee Nationale
6min

Politique

Ingérences étrangères : quelles sont les règles qui s’appliquent aux élus ?

Les élus sont souvent une cible privilégiée pour les ingérences étrangères. Si les atteintes à la probité existent, les formes d’influences sont diverses et se renouvellent. Après l’adoption de la loi sur les ingérences étrangères le 5 juin dernier, retour sur les règles s’appliquant aux élus pour prévenir les ingérences.

Le

France Europe Election
5min

Politique

Au Parlement européen, Jordan Bardella peine à se « normaliser »  

A la tête des Patriotes, le troisième groupe le plus important numériquement au Parlement européen et désormais membre de la prestigieuse commission des affaires étrangères, Jordan Bardella entend poursuivre à Strasbourg sa stratégie de « normalisation ». Une stratégie compromise cependant par le « cordon sanitaire » des partis pro-européens contre l’extrême-droite et par certaines personnalités embarrassantes au sein de son camp.

Le