« Les victoires sont collectives, les défaites sont solitaires. Il faut que je prenne mes responsabilités : (...) je vais prendre du recul. Je me retire de mes fonctions de président des Républicains » a annoncé le président de la région Auvergne Rhône-Alpes, sur TF1. Une demi-surprise tant la pression en interne en faveur de son départ était forte depuis une semaine. Lors d’un bureau politique organisé en urgence au lendemain du scrutin, le président de LR avait éludé la question d’un départ et mis en garde contre « des solutions simplistes » qui ne résolvaient rien avant d’annoncer « des états généraux » à la rentrée destinée « à tout remettre à plat » : à savoir « les valeurs, le projet, le fonctionnement et la stratégie d'alliance » de LR. Un contre-feu rapidement éteint, notamment par le président du Sénat, Gérard Larcher, qui, quelques heures plus tard, annonçait qu’il allait s’investir personnellement pour rassembler la droite et le centre, en commençant par les présidents de groupes parlementaires, les présidents des trois grandes associations d'élus et les maires. Qualifié de « mort qui continue de parler » par le sénateur de Paris Pierre Charon, Laurent Wauquiez n’avait plus d’autres choix que de « prendre du recul » (voir notre article). « Une décision qui l’honore » pour Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat, « une sage décision » pour la présidente de la région Ile de France, Valérie Pécresse ou une décision d’une « grande dignité » pour le député LR, Éric Woerth
Le « chantier de la reconstruction » initié par Gérard Larcher
Laurent Wauquiez parti, Les Républicains se retrouvent face à deux défis : une ligne politique à reconstruire et un leader pour l’incarner. C’est à la première tâche que vont s’atteler, dès mardi, les participants de la réunion « chantier de la reconstruction » de la droite et du centre, initiée par Gérard Larcher 48H après les Européennes. Coincé entre La République en Marche et le Rassemblement National, le couloir de la droite dite « traditionnelle » semble de plus en plus étroit. En deux ans, Les Républicains n’ont pas réussi à arrêter l’hémorragie de leurs électeurs. De 20% des électeurs ayant voté pour François Fillon à la présidentielle, ils ne sont plus que 8,5% à avoir donné leurs voix à François-Xavier Bellamy. Et en ce qui concerne les thèmes régaliens comme l’immigration ou l’autorité de l’État, le Rassemblement National, semble, ici, avoir une longueur d’avance. « Il y a une forme de droite qui estime qu'Édouard Philippe, ou Gérald Darmanin, les représentent bien et que la majorité a eu la capacité à mener les réformes, notamment celle sur la SNCF. Dès lors, il y a eu une dévalorisation de ce qui pouvait être une forme de droite traditionnelle et, donc, oui, il y a un donc vrai péril pour LR » observe Jean-Daniel Lévy, directeur du département Politique et opinion d'Harris Interactive, interrogé par l’AFP.
« Il faut sortir de cet étau entre LREM et RN »
« François Fillon a fait 20% à la présidentielle mais n’oublions pas qu’il y avait encore Alain Juppé, Xavier Bertrand, Jean-Pierre Raffarin, l’actuel Premier ministre… À l’exception des municipales, la question est de savoir si nous sommes encore capables de faire plus de 10% à une élection nationale ? On est confronté à une situation politique qui va au-delà des questions de telles ou telles personnalités. Il faut sortir de cet étau entre LREM et RN. Sinon, on restera un parti à la marge » s’inquiète l’ancien ministre de la Coopération, Alain Joyandet.
« Il faut reconstruire un projet de A à Z » abonde le sénateur LR de Seine-Saint-Denis, Philippe Dallier. « Il faut retrouver une manière de s’adresser aux Français. Ne plus se rétrécir à un noyau dur, faire des propositions en matière de justice sociale » énumère-t-il.
Xavier Bertrand « observe avec bienveillance » l’initiative de Gérard Larcher
« Dans notre ADN, on est libéraux, européens et décentralisateurs » résume à son tour, Marc-Philippe Daubresse, sénateur du Nord pour qui l’initiative de Gérard Larcher « fédère la plupart des parlementaires et des élus LR ». Et si le président de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand, sera, lui, absent de la réunion de demain, Marc-Philippe Daubresse assure qu’il « observe tout ça avec bienveillance ». Effectivement, à neuf mois des élections municipales, la question des départs d’élus locaux est un enjeu qui s’ajoute à de nombreux autres. Le maire LR de Quimper, Ludovic Jolivet, a annoncé vendredi qu'il quittait le parti, dont il estime qu'il s'est placé « dans le sillage des populistes », et qu'il rejoignait la formation de centre droit pro-Macron Agir. Éric Berdoati, maire LR de Saint-Cloud, ne souhaite plus prendre part « aux vaines querelles du parti » et sera désormais sans étiquette.
Vers une nouvelle guerre des chefs ?
Parallèlement à l’initiative de Gérard Larcher, 11 « jeunes » députés LR, menés par l’élu du Lot, Aurélien Pradié, appellent à la création d’un « comité du renouvellement ». « Un outil d’émancipation d’une génération de droite qui doit pouvoir porter des valeurs ancrées dans la modernité » proposent-ils. « Laurent Wauquiez et la plupart des porte-parole qu’il a mis en place n’étaient pas des vieux. Si nos problèmes ne se résumaient qu’à une question de générations, autant ne pas se réunir demain » répond Alain Joyandet. En attendant, de nouvelles élections qui pourraient avoir lieu à la rentrée, c’est Jean Leonetti, premier vice-président, qui assure l’intérim à la tête du parti. Certains d’ailleurs comme Éric Woerth ou Marc-Philippe Daubresse militent pour direction collégiale jusqu’aux municipales. « Une direction collégiale ne nous mettra pas à l’abri d’une guerre des chefs » réplique, encore une fois, Alain Joyandet. Certains comme l’eurodéputé, Brice Hortefeux, susurrent le nom de Nicolas Sarkozy, le dernier à avoir fait gagner la droite à une élection. Valérie Pécresse ? Gérard Larcher ? François Baroin… ? Personne, dans la liste des possibles prétendants au poste, ne s’impose naturellement. Et pour le président du Sénat, « il a un rôle institutionnel tellement lourd qu’on ne le voit pas président d’un parti politique » rappelle Roger Karoutchi. L’ancien ministre des Relations avec le Parlement et actuel sénateur des Hauts-de-Seine, n’exclut d’ailleurs pas de briguer la tête de LR. « Non pas parce que je me prends pour ce que je ne suis pas. Mais quand la famille politique est aussi basse… Moi, je n’ai pas d’ambition présidentielle pour 2022. Donc si on peut rendre service… »
Roger Karoutchi: "Gérard Larcher a un rôle institutionnel tellement lourd qu’on ne le voit pas président d’un parti politique"