Invités à débattre du budget 2025 sur Parlement hebdo, le rapporteur LR de la commission des finances du Sénat, Jean-François Husson, et le député PS Arthur Delaporte, s’opposent sur le sujet. « Il faudra bien faire des efforts », défend le sénateur LR, quand le socialiste dénonce « un effort incommensurable ».
« Donner des signaux d’alerte au plus haut niveau de l’État, ce n’est pas toujours facile », confie Delfraissy
Par Public Sénat
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Voici maintenant six mois, depuis son installation dans l’urgence le 11 mars 2020, que le conseil scientifique est sous les feux de la rampe. Et parfois sous le feu des critiques. La venue de son président, Jean-François Delfraissy, au Sénat ce 15 septembre, marque l’un des grands temps forts de la commission d’enquête d’évaluation des politiques publiques face aux pandémies, à l’heure où la situation épidémique en France s’aggrave. Dès le début de son intervention, le professeur Delfraissy a tenu à réaffirmer le rôle du comité qu’il préside. « Il n’y a absolument pas de troisième pouvoir médical […] Nous ne décidons rien. On est là pour éclairer. Je revois le débat partir, c’est un truc de médias, ce n’est pas un truc de gens sérieux. »
Durant les presque trois heures qui opposeront les sénateurs aux membres du conseil scientifique, ce sont les divergences dans la réponse à l’épidémie qui mobilisent une partie des échanges. Le sénateur Roger Karoutchi (LR) a estimé que l’exécutif et le conseil scientifique auraient dû « donner le sentiment » qu’ils travaillaient « ensemble et de pair ». « Le conseil scientifique émet des avis mais s’empresse de dire que le politique conserve la décision et n’est pas tenu de suivre les avis. On a souvent louvoyé, et souvent donné le sentiment à l’opinion publique qu’on ne savait pas où on allait. »
« Rendre responsable le conseil scientifique de ce désordre, de ce qui est un vrai barnum, c’est une forme de raccourci », selon un membre du comité scientifique
À plusieurs reprises, le conseil scientifique a été questionné sur les conséquences des controverses scientifiques et des débats médiatiques sur les méthodes de traitement ou de prévention, qui créent du trouble dans la population. Pour Jean-François Delfraissy, il s’agit là d’un problème de « régulation ». Mais cette régulation, dont ils appellent de leurs vœux, est difficile à mettre en œuvre. « Rendre responsable le conseil scientifique de ce désordre, de ce qui est un vrai barnum, c’est une forme de raccourci, qu’à titre personnel, je trouve audacieux et un peu injustice », a répondu Daniel Bénamouzig, un autre membre du comité qui accompagnait le professeur Delfraissy.
Ce dernier a considéré que, depuis le début de la crise, les relations avec les plus hautes autorités se sont déroulées « dans un climat de confiance », malgré des « positions divergentes » sur la reprise de l’école en juin, ou encore sur la place à accorder aux comités citoyens dans la gestion de crise. « On pourrait l’envisager au niveau des territoires », a-t-il proposé, au lendemain d’un nouveau tour de vis sanitaire en Gironde, en Guadeloupe ou dans les Bouches-du-Rhône. Autre grief : un décret controversé du 29 août, qui restreint la liste des maladies chroniques ouvrant la voie au chômage partiel en cas d'impossibilité de télétravail. Le président du conseil scientifique a indiqué que ce texte pris par le gouvernement « tombait très mal, compte tenu d’une certaine forme de reprise de l’épidémie » (lire notre article).
Au moment où les membres du conseil s’interrogent sur leur avenir – il a été renouvelé jusqu’au 30 octobre – Jean-François Delfraissy a souligné l’intérêt de sa structure, même si les différentes agences de santé ont repris du galon depuis le pic épidémique. « On est capable de donner des informations et de donner des signaux d’alerte. Donner des signaux d’alerte au plus haut niveau de l’État, ce n’est pas toujours facile non plus », lâche-t-il. Le commentaire est accueilli avec surprise par le corapporteur Bernard Jomier (apparenté PS), qui demande alors « pourquoi ? ». « Il peut y avoir des nuances et les enjeux par exemple maintenant sur la crise actuelle ne sont pas seulement sanitaires, ils sont également sociétaux et économiques et on en a pleinement conscience », a développé le professeur.
« Les services de réanimation à 90-95 % dédiés au Covid, c’est impossible maintenant »
Conscient d’ailleurs des conséquences dramatiques d’un engorgement des services de santé lié au Covid-19, le président du conseil scientifique anticipe des capacités d’accueil beaucoup plus faibles en cas d’aggravation sur le plan sanitaire, afin de pouvoir prendre en charge d’autres pathologies. « Les services de réanimation qui ont été utilisés au mois de mars et qui étaient à 90-95 % dédiés au Covid, c’est impossible maintenant. Marseille, Bordeaux, on fera des choix de peut-être 30 % liés au Covid parce que sinon on aurait une surmorbidité liée au non-Covid. »
L’audition a été également l’occasion pour l’homme qui incarne le comité scientifique d’exprimer des regrets, dans leur « aide à la gestion de crise ». « S’il y avait une reprise du virus dans les semaines ou dans les mois qui viennent, qu’on ne recommence pas ce qu’il s’est passé au sein d’Ehpad et que tout soit prêt ». « Protéger nos aînés ne veut pas dire les isoler, rompre la relation avec leur famille », a ajouté par la suite, l’expert infectiologue, Denis Malvy, un autre membre du comité scientifique.
Globalement, le professeur Delfraissy a résumé ainsi les choses : « le système de santé publique et de vision de santé publique français n’était pas prêt à une réponse et à un tsunami de ce type. »
L’hôpital aura du mal à faire face une deuxième fois, s’inquiète Jean-François Delfraissy
Dans les autres leçons tirées de la crise, notamment dans la prise en charge des patients, le professeur Delfraissy a notamment salué les progrès réalisés par les réanimateurs, afin de retarder la ventilation par intubation. Il a souligné par ailleurs que les sociétés savantes de différentes professions médicales émettaient désormais des recommandations de prises en charge « uniformes et relativement homogènes » pour les patients atteints de formes sévères.
Sollicité également sur la vaste politique nationale des tests, le président du conseil scientifique a concédé que « la stratégie peut être très vite dépassée », qualifiant le traçage de « maillon un peu faible ». La mise en place de tests salivaires marque cependant une avancée réelle, selon lui, dans la rapidité de la réponse. « Ils seront mis en place très probablement mis en place d’ici la fin septembre, début octobre », a-t-il avancé.
La commission d’enquête n’a pas éludé non plus l’évolution dans la doctrine d’emploi des masques. La sénatrice RDSE Véronique Guillotin et le sénateur Les Indépendants Emmanuel Capus ont ainsi demandé au professeur Delfraissy si les avis du conseil scientifique avaient été motivés par la pénurie du stock national ou le discours scientifique. « C’est une double chose, on a vu nous-même notre évolution » sur la question, a indiqué le président. « Nos propositions ont tenu compte de la réalité en effet de la capacité à avoir les masques. En le disant », a-t-il insisté. Avant d’ajouter qu’une « évolution scientifique » s’était produite sur « l’intérêt du port du masque » comme outil de protection.
Après les mois de crise de mars et d’avril, d’autres enseignements sont plus alarmistes. Le professeur Delfraissy a ainsi alerté sur la fatigue qu’ont accumulée les professionnels de santé. « Les soignants français ont une capacité à répondre. Ils l'ont fait une fois, je ne suis pas sûr qu'ils puissent le faire une deuxième fois. Il y a une fatigue générale, une lassitude. Les services de réanimation nous indiquent tous qu’ils ont du mal à recruter […] Il y aurait une grande difficulté, si on avait besoin de revenir à des choses difficiles, à ce que le modèle hospitalier réponde de la même façon. C’est pour ça qu’on dit : prévenons, ne nous retrouvons pas dans le même type de situation », a-t-il mis en garde.
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