"C'est la première fois que je me sens écoutée": une trentaine de détenues ont participé mardi à un grand débat à la maison d'arrêt de Versailles, évoquant avec Nicole Belloubet et Marlène Schiappa des sujets d'actualité allant de l'écologie au budget de la justice.
Dans une ambiance détendue, sous le regard d'une seule surveillante souriante, les détenues se sont écoutées, ont opposé leurs arguments, interrogé la ministre de la Justice et la secrétaire d’État à l’Égalité femmes-hommes.
Nicole Belloubet a participé jusqu'au bout à ce débat, qui s'est achevé mardi vers midi, alors qu'un détenu radicalisé s'était retranché avec sa compagne dans la prison de Condé-sur-Sarthe (Orne) après avoir poignardé deux surveillants. Seuls des mots chuchotés à l'oreille et échangés par écrit avec son cabinet et des responsables de l'administration pénitentiaire ont laissé soupçonner que quelque chose d'inhabituel avait lieu.
"Sur 1.000 euros de dépense publique, 4 euros vont à la justice. C'est trop peu, alors que les prisons sont surpeuplées", a démarré une jeune détenue, en basket et jean moulant. "Les juges ont l'air d'avoir de bons salaires, peut-être qu'on pourrait les baisser un peu pour donner plus d'argent à l'administration pénitentiaire", suggère l'une. "Non, il faut plus de juges pour juger plus vite", rétorque sa voisine.
"En France, il n'y a pas de justice. Quand on a de l'argent, on s'en sort très bien. (Jérôme) Cahuzac, (Alexandre) Benalla devraient être comme nous en prison", lance une détenue. La garde des Sceaux répond: "Alexandre Benalla n'est pas jugé". Et aussitôt, la réponse fuse: "Nous non plus on n'est pas jugées, mais on est en détention".
La ministre et les détenues sont d'accord pour dire qu'il y a trop de prisonniers en détention provisoire, en attente de jugement.
Dans la maison d'arrêt de Versailles, située à quelques centaines de mètres du château, qui servait déjà de prison pendant la Révolution, la grande majorité des 73 détenues sont des prévenues.
Les sujets s'enchaînent. "Il faudrait augmenter le budget de l'éducation nationale. C'est là qu'on se construit", lance une détenue. "Il faudrait mettre des amendes à ceux qui ne trient pas leurs déchets", "Il faut comptabiliser le vote blanc"; "Rendons le vote obligatoire", proposent certaines, qui feront tout pour voter aux élections européennes depuis la prison.
"C'est la première fois que je me sens écoutée", se félicite une détenue à la fin du débat. Une autre complète: "J'espère que nos idées vont remonter et vont bouger les choses!".