Ce mardi, Marc Ferracci, ministre délégué de l’Industrie, était l’invité de la matinale de Public Sénat. Alors que le projet de loi de finances sera présenté jeudi, le ministre est revenu sur la proposition de Michel Barnier d’augmenter les impôts des grandes entreprises. Il a par ailleurs admis que la suggestion de Gérald Darmanin de mettre fin aux 35 heures « n’était pas une priorité ».
Jean-Louis Debré : l’exécutif « avait un souhait, reporter les régionales après l’élection présidentielle »
Par Public Sénat
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Face à la situation sanitaire, on reparle d’un nouveau report des élections régionales et départementales, au-delà du mois de juin. En réalité, l’exécutif y pensait depuis un moment, avant même les interrogations des derniers jours. C’est ce qu’a confirmé Jean-Louis Debré, lors d’une audition au Sénat la semaine dernière, le 13 janvier. L’ancien président du Conseil constitutionnel était entendu en vue de l’examen par les sénateurs, le 26 janvier, du projet de loi sur le report des élections régionales et départementales, de mars à juin, en raison de l’épidémie de covid-19.
« Certains ne cachaient pas les conclusions auxquelles ils souhaitaient que j’arrive »
On le sait, le gouvernement avait missionné Jean-Louis Debré en octobre pour plancher sur ce report et consulter les forces politiques. Il en est ressorti, lors de la remise de son rapport en novembre 2020, un consensus politique pour le report des régionales en juin. Mais du côté de l’exécutif, on aurait bien vu un report après la présidentielle de 2022. Emmanuel Macron l’avait déjà évoqué en juin dernier, lors d’un déjeuner avec le président des Régions de France, Renaud Muselier, comme l’avait reporté la presse. Mais pas de prise de parole officielle.
En confiant la mission à l’ancien ministre chiraquien, l’Elysée et Matignon avaient visiblement toujours cette idée en tête. C’est Jean-Louis Debré lui-même qui l’affirme. « Lorsqu’on m’a demandé de réfléchir à la tenue des élections départementales et régionales, qui devaient avoir lieu en mars 2021, je me suis assez rapidement rendu compte qu’il y avait beaucoup d’arrière-pensées chez les uns et les autres. Ceux qui étaient à l’origine de cette réflexion avaient un souhait, que j’ai deviné, qui était de reporter ces élections départementales et régionales à beaucoup plus tard, après l’élection présidentielle. D’autres souhaitaient les reporter à une date autour de la rentrée de septembre prochain. Un troisième groupe de personnes était pour les maintiens à la date prévue » relate l’ancien président du Conseil constitutionnel (voir la vidéo), qui a finalement déconseillé l’option d’un report en 2022. « J’ai tout de suite exclu le report des élections départementales et régionales après l’élection présidentielle : on ne peut pas confiner ainsi l’expression de la démocratie sans créer des problèmes politiques insurmontables », a-t-il mis en garde (lire ici pour plus de détail).
En fin d’audition, Jean-Louis Debré va plus loin, affirmant qu’on a voulu lui dicter les conclusions de son rapport… « Au cours des auditions que j’ai faites, certains ne cachaient pas les conclusions auxquelles ils souhaitaient que j’arrive, c’est-à-dire le report. C’était maquillé par des arguments juridiques ou politiques. Mais c’était très clair : on a eu les élections municipales, maintenant, on file sur l’élection présidentielle et on dégage tout ! J’étais stupéfait quand on m’a demandé ça. On aurait dû me demander cela au lendemain même des élections municipales. Pourquoi avoir attendu ? En fait, on voulait que j’arrive à la conclusion qu’il fallait que l’on reporte tout après les présidentielles. Et dès le départ j’ai dit non. C’est pour cela qu’on ne me confiera pas de deuxième rapport… », lâche Jean-Louis Debré. Regardez :
Un récit qui ne colle pas tout à fait avec la version officielle. Dans sa lettre de mission datée du 23 octobre, les choses étaient plus ouvertes. « Compte tenu du contexte épidémiologique, […] le gouvernement a été saisi de propositions visant à reporter à une date ultérieure ces échéances prévues au mois de mars », dit la lettre à en-tête du premier ministre Jean Castex. Jean-Louis Debré avait « la mission d’étudier » le « report éventuel à une échéance à définir » précise le courrier. « Une telle décision mérite d’être concertée, éclairée et réfléchie » disait encore la lettre. L’exécutif s’est finalement rangé à l’option qui faisait consensus, à savoir juin.
« Le premier ministre dément catégoriquement avoir eu l’intention de reporter les régionales après la présidentielle »
Ces propos de Jean-Louis Debré ont été remarqués… Suite à la publication de notre article, Matignon a tenu à rectifier cette vision des choses. « Le premier ministre dément catégoriquement avoir eu, à un moment donné, l’intention de reporter les régionales après la présidentielle », fait savoir l’entourage de Jean Castex à publicsenat.fr. « Qu’on lui prête cette intention, ça ne lui plait pas. Il agit pour protéger les Français » ajoute-t-on. « Ce qui a préexisté à cette commande du premier ministre à M. Debré, c’était uniquement la volonté de gérer la question de la tenue de ces élections en période de crise sanitaire. Il n’y a jamais eu aucun autre motif qui a motivé la commande », assure l’entourage de Jean Castex, avant d’insister encore plus clairement :
Tout sous-entendu qui prêterait au premier ministre l’intention d’user du contexte sanitaire pour faire du tripatouillage électoral, c’est évidemment démenti et ce sont des propos assez graves.
Reste que les propos de Jean-Louis Debré sont clairs. « Ceux qui étaient à l’origine de cette réflexion » et qui lui ont « demandé de réfléchir » viennent bien de la tête de l’Etat : officiellement Matignon – la mission a été confiée à Jean-Louis Debré par le premier ministre – et plus largement l’exécutif, donc y compris Emmanuel Macron, qui a évidemment donné son accord à cette mission. « Ceux qui sont à l’origine de la commande de la mission, pour le coup c’est l’exécutif », reconnaît-on d’ailleurs à Matignon, formule qui inclut autant Matignon que l’Elysée, tout en soulignant qu’« honnêtement, la réflexion de reporter les élections a été soulevée par beaucoup de gens ». Autrement dit, Jean-Louis Debré ne viserait pas la tête de l’Etat dans ses propos…
Un report après 2022 n’arrangerait pas Xavier Bertrand
Si cette volonté première de reporter le scrutin à 2022 était confirmée, elle sera évidemment regardée de manière suspecte. Elle n’arrangerait pas les affaires d’une série de potentiels concurrents d’Emmanuel Macron pour 2022, à commencer par le président (ex-LR) des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, ou encore celle de l’Ile-de-France, Valérie Pécresse, ou même Laurent Wauquiez, en Auvergne-Rhône-Alpes. Certains seront tentés d’y voir une tentative de manœuvre ou de tripatouillage politique. Mais si tel était bien le cas, le covid-19 pourrait simplifier les choses et se charger de faire le travail…