Le Sénat est allé au bout du budget cette année. Il l’a même profondément modifié (voir notre article pour le détail et ci-dessous le sujet de Clément Perrouault). Après quasiment trois semaines de marathon budgétaire, à coups de séance de nuit ou le week-end, la majorité sénatoriale LR-UDI a adopté sa version du projet de loi de finances (PLF) 2018, le premier de l’ère Macron. L’année dernière, le Sénat n’avait pas rendu sa copie aux députés, jugeant le PLF insincère. L’arrivée de la présidentielle et la primaire qui divisait la droite y étaient peut-être aussi pour quelque chose.
Budget 2018 : les principales modifications adoptées par le Sénat
Le texte a été adopté par 181 voix contre 122, avec 40 abstentions. Les groupes LR et UDI ont voté pour, le groupe PS a voté contre, tout comme le groupe LREM. Le groupe des Indépendants, équivalent des Constructifs de l’Assemblée, s’est abstenu. Une majorité du groupe RDSE (qui rassemble notamment les radicaux de gauche et de droite) s’est abstenue, une minorité a voté contre. Le groupe CRCE (communiste) a voté contre.
Après l’échec plus que probable de la commission mixte paritaire, entre députés et sénateurs, le texte va faire son retour devant l’Assemblée nationale où les députés – et en réalité le gouvernement, qui peut s’appuyer sur sa majorité pléthorique – auront le dernier mot. Ils pourront revenir sur les modifications adoptées par les sénateurs.
Moins de prise que face à la gauche
Contrairement à l’année dernière, les sénateurs ont salué des prévisions budgétaires plus justes. Mais face à un Emmanuel Macron qui sur le plan économique réalise peu ou prou ce que défend la droite depuis des années – le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, et celui des Compte publics, Gérarld Darmanin, étaient d’ailleurs encore membres des LR il y a peu – la droite sénatoriale se retrouve avec moins d’angles d’attaque que face à la gauche.
Reste une solution : aller plus loin. C’est ce qu’elle a fait sur l’Impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Les sénateurs ont totalement supprimé l’ISF, déjà en grande partie abrogé par le gouvernement. Elle a en revanche conservé la « flat tax », c'est-à-dire le prélèvement forfaitaire unique sur les revenus du capital.
« La majorité sénatoriale a corrigé le tir »
Le budget « comporte des avancées pour les entrepreneurs » a souligné pour le groupe LR, le sénateur Philippe Dallier, lors des explications de vote. Les 7 milliards d’euros de baisse d’impôt, « certes, ce n’est pas rien, mais cela manque d’audace » a ajouté le vice-président du Sénat. C’est pourquoi « la majorité sénatoriale a corrigé le tir ». Le président du groupe Union centriste, Hervé Marseille, a pointé pour sa part « le flou qui persiste » sur les compensations pour les communes sur la taxe d’habitation.
« Ce budget posait les bonnes questions » pour le président du groupe des Indépendant, l’ex-LR Claude Malhuret, en dépit d’un « goût d’inachevé » sur certains points. Le groupe RDSE, « qui soutient globalement la politique du gouvernement » a rappelé son président Jean-Claude Requier, ne pouvait « souscrire aux profondes modifications apportées par la majorité sénatoriales ». Pour le groupe LREM, le sénateur Julien Bargeton a défendu le budget de l’exécutif. « C’est quand l’horizon est dégagé qu’il faut mettre le paquet pour transformer le pays » a-t-il lancé.
Le groupe PS a « doublement voté contre le texte »
Après les modifications de la droite sénatoriales, le groupe PS a « doublement voté contre le texte » a affirmé le sénateur Claude Raynal. Et de dénoncer les trois jours de carence pour les fonctionnaires et la suppression de l’ISF, alors qu’« aucune règle ne garantit que les sommes ainsi rendues ne seront réinvesties dans les entreprises ».
Selon le sénateur PCF Eric Bocquet, « ce PLF s’inscrit dans un système idéologique et non pas, comme cela est claironné depuis des mois, dans un pragmatisme hors sol, ni de droite ni de gauche. (…) Ça fait plus de 30 ans (…) que les gouvernements successifs ont voulu réduire les cotisations, ou « alléger les charges », pour reprendre l’expression de la pensée unique ». Pour le sénateur communiste, c’est « un retour en arrière aux pires années du giscardisme ».
Quotient familial relevé de 200 euros
Parmi les nombreuses modifications adoptées, la majorité sénatoriale a institué trois jours de carence pour les fonctionnaires en cas d’arrêt maladie et a relevé le quotient familial de 200 euros.
Sujet important pour le Sénat, qui représente aussi les collectivités locales : la suppression de la taxe d’habitation pour 80% des Français, source de financement des communes. Les sénateurs sont revenus sur cette promesse d’Emmanuel Macron. Ils préfèrent la reporter d’un an pour lancer une réflexion d’ampleur sur la fiscalité locale. Devant le congrès des maires de France, le Président a maintenu la mise en application dès 2018.
Airbnb : les revenus supérieurs à 3.000 euros taxés
Toujours côté fiscalité, ils ont rétabli la réserve parlementaire en la concentrant sur les communes de moins de 2.000 habitants. Ils ont aussi adopté une augmentation de 40% des rémunérations pour les maires des villes de plus de 500.000 habitants et les présidents de département ou de régions, mais à budget constant.
Les sénateurs se sont largement penchés sur la baisse des loyers dans les HLM, conséquence de la baisse des APL. Ils ont rejeté les budgets de l’immigration, de la sécurité mais ont adopté celui de la défense.
Ils ont adopté un amendement pour taxer les revenus supérieurs à 3.000 euros issus des plateformes comme Airbnb et ont aussi fait adopter une mesure pour imposer les bénéfices des géants du numérique, les Gafas.
Pour plus de détails sur les modifications adoptées par le Sénat, lire notre article.