Le deuxième rapport du comité d’évaluation des réformes de la fiscalité, publié ce 8 octobre, est sans appel. Les réformes du début du quinquennat sur la fiscalité du capital ont eu comme corollaire un enrichissement très marqué des 0,1% les plus fortunés du pays. Réalisé sous l’égide de France stratégie, organe de prospective rattaché au Premier ministre, le rapport note que les dividendes ont augmenté « fortement », de 60% en 2018, pour atteindre en volume 23,2 milliards d’euros. La tendance haussière se poursuit en 2019. « Les 0,1 % de Français les plus aisés sont un quart de fois plus riches que les 0,1 % de 2017 », constate l’étude. « Ce rapport souligne de façon caractérisée et solide : pour les très hauts revenus, le gain est considérable », note le sénateur socialiste Vincent Eblé, ex-président de la commission des finances au Sénat. « Les chiffres sont absolument hallucinants. En une seule année, l’inflexion est énorme. C’est un changement de nature démentiel. »
En 2017, le Parlement avait adopté une suppression de l’ISF (impôt de solidarité sur la fortune) pour le remplacer par un IFI (impôt sur fortune immobilière), centré seulement sur l’immobilier, et avait instauré une « flat tax » ou prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30% sur les revenus du capital, pour se rapprocher des niveaux d’autres pays, et encourager les investissements dans les entreprises.
« Macron est devenu le président des très très riches »
Le comité d’évaluation note de plus, dans son rapport que la concentration de ces revenus tirés du capital est de plus en plus marquée. Si en 2017 0,1% des foyers fiscaux (38 000 personnes) percevait la moitié du total, la part du même groupe est passée aux deux tiers en 2018. Quant aux 0,01% de foyers les plus fortunés (3 800 personnes), leur part est passée dans le même temps d’un cinquième à un tiers. « Macron est devenu le président des très très riches, c’est confirmé », analyse le sénateur communiste Éric Bocquet, membre de la commission des finances du Sénat.
L’élu du Nord s’inquiète de voir l’écart des richesses « continuer à se creuser ». « Une enquête du Secours populaire nous apprend qu’il y a de plus en plus de monde à solliciter l’aide alimentaire, les départements sont assaillis de nouvelles demandes de RSA. La pauvreté s’enkyste dans la société et quelques jours plus tard, on apprend que les riches deviennent encore plus riches », s’indigne-t-il. « C’est une distorsion assez lourde », constate également Vincent Éblé.
« Cela confirme tout à fait ce que nous disions il y a un an »
Comme dans le précédent rapport, le comité se dit « incapable de répondre par oui ou par non à la question de savoir si la réforme de 2018 a eu un impact positif sur l’économie ». Mais il donne déjà des éléments avec l'étude d'une réforme qui allait dans le sens inverse, en 2013, impulsée sous le quinquennat de François Hollande. Celle-ci avait accru l'imposition des revenus du capital, pour les aligner sur le barème de l’impôt sur le revenu. Or, le rapport note que cette réforme n’a pas eu d’effet sur l’investissement vers les entreprises. « Cela confirme tout à fait ce que nous disions il y a un an, c’est même pire que ça », s’exclame le sénateur Vincent Éblé, auteur d’un rapport avec l’ancien rapporteur général du budget au Sénat, le sénateur LR Albéric de Montgolfier. Selon le sénateur de Seine-Marne, la réforme de 2013 s’est traduite par un fléchissement dans la distribution de dividendes, ce qui a amélioré les fonds propres des entreprises.
« Il faut s’emparer de ça pour enfoncer le clou »
À l’approche du débat budgétaire du projet de loi de finances pour 2021, les deux sénateurs de gauche ne comptent pas en rester là, et devraient reposer la question sur la table, comme à chaque PLF. « On va évidemment utiliser ça politiquement », annonce Vincent Éblé. « Le sujet est considérable ». Le groupe socialiste au Sénat pourrait très vite se saisir de cette information pour une prochaine question au gouvernement, dont Vincent Éblé égratigne « une vision absolument idéologique, contredite par les faits. »
« Il faut s’emparer de ça pour enfoncer le clou », estime à son tour le sénateur Éric Bocquet, promettant que son groupe portera encore des amendements pour réintroduire un ISF. « Ce n’est pas un combat d’arrière-garde, c’est une des mesures de nature à donner des moyens pour s’attaquer à la pauvreté. La théorie du ruissellement qu’on nous revend depuis trois ans ne tient pas. »