Mélanie Vogel, nouvelle sénatrice écolo : « C’est un fait politique que je sois une jeune femme lesbienne »

Mélanie Vogel, nouvelle sénatrice écolo : « C’est un fait politique que je sois une jeune femme lesbienne »

Elue sénatrice EELV des Français établis hors de France en septembre, Mélanie Vogel fait ses premiers pas au Sénat, non sans quelques surprises. Celle qui est plus habituée au Parlement européen entend bousculer un peu la Haute assemblée. Elle compte porter les sujets « de lutte contre les discriminations, des libertés publiques » et « des institutions ».
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« C’était très bouleversant », mais sur le coup, elle n’a « rien ressenti ». Quand Mélanie Vogel a été élue sénatrice des Français établis hors de France, le 26 septembre dernier, après une « campagne stressante » et « très intense émotionnellement », elle avoue n’avoir pas vraiment réalisé. Depuis, la nouvelle sénatrice Europe Ecologie-Les Verts (EELV) a « réalisé un peu, mais toujours pas totalement. Ce sont les autres qui me font réaliser ».

« Les moyens pour le sénateur sont beaucoup plus faibles qu’au Parlement européen »

Pas forcément facile de rentrer dans le costume de sénatrice, à 36 ans. Plus habituée du Parlement européen, à Bruxelles, où elle réside toujours, Mélanie Vogel découvre la Chambre haute. « C’est quand même assez impressionnant ». Mais en arrivant sous les ors du Palais de Marie de Médicis, elle perçoit une forme de décalage.

« Au Parlement européen, ce sont des moquettes grises et des murs vitrés. Là, on sent tout de suite que la symbolique est très chargée », dit la jeune femme originaire de Marseille. Une chose l’a « marquée », en arrivant au Sénat : « Il y a beaucoup de grandiloquence, de protocole, des dorures, le restaurant. Ça renvoie au fait qu’on est dans un lieu important. Mais le nerf de la guerre, c’est d’avoir des équipes. Et là, les moyens pour le sénateur sont beaucoup plus faibles qu’au Parlement européen, trois à quatre fois moins. Ça en dit beaucoup sur les moyens et la place du Parlement en France ».

« Au Sénat, il y a aussi très peu de personnes racisées et très peu de personnes issues de catégories défavorisées »

Certains voient en elle un vent de fraîcheur qui arrive sur le Palais. Et ce n’est pas parce qu’elle dit « truc », mais plutôt pour ses combats et ce qu’elle est : une jeune femme ouvertement lesbienne. Quand Mélanie Vogel l’emporte, sa compagne, l’eurodéputée verte allemande, Terry Reintke, salue sa victoire d’un « je t’aime, Madame la sénatrice ». Un message simple et touchant, une franchise et un ton peu habituel en politique.

« Ce qu’on me renvoie tout le temps, c’est jeune femme, lesbienne », fait mine de s’étonner aujourd’hui Mélanie Vogel. Mais elle assume parfaitement, au point d’en faire un étendard politique. « Dans un contexte où les lieux de pouvoir sont structurellement dominés par certains groupes, qui sont tout à fait légitimes, mais pas légitime à être ultra-dominant, c’est un fait politique que je sois une jeune femme lesbienne. Et c’est pour ça que je le dis », explique la sénatrice EELV. Si elle ne « prétend pas », à elle « toute seule, ouvrir le Sénat », elle « espère que ça peut envoyer un message à tous ceux qui ne se sentent pas représentés ». Elle espère « donner envie à des personnes qui ont l’impression que le Sénat, ce n’est pas pour elles. Il y a aussi très peu de personnes racisées et très peu de personnes issues de catégories défavorisées ».

« C’est nouveau, au Sénat, certainement. Mais ça ne devrait pas être nouveau. Je trouve ça à la fois normal et très bien qu’elle s’assume totalement », corrobore Guillaume Gontard, président du groupe écologiste du Sénat. A noter qu’en réalité, avant elle, l’écologiste Corinne Bouchoux, élue de 2011 à 2017, a été la première sénatrice ouvertement lesbienne. Guillaume Gontard ajoute :

Par rapport à l’image qu’on peut se faire du Sénat, et que beaucoup se font, c’est sûr que ça tranche une femme à la fois jeune et lesbienne.

Bien que déjà rajeuni, la moyenne d’âge de la Haute assemblée est actuellement de 60 ans. Après le renouvellement de 2020, sur 348 sénateurs, on compte 33 % de femmes. Le chiffre est lui aussi en progrès, mais on est encore loin de la parité.

« A 17 ans, après mon bac, je me suis barrée. J’ai beaucoup bougé »

A Marseille, Mélanie Vogel grandit dans une famille « plutôt populaire » et « pas du tout politisée ». Elle dit : « Je suis un OVNI dans ma famille de ce point de vue ». Son père n’a pas le bac et travaille dans l’entreprise de son père, un magasin qui vendait des articles de plongée sous-marine. Sa mère fait des études, mais restera femme au foyer. Douée, Mélanie Vogel a un an d’avance. Ce qui n’assure pas de savoir ce qu’on veut dans la vie. « A 17 ans, après mon bac, je me suis barrée. J’ai beaucoup bougé », lance-t-elle, comme une carte d’identité.

Après une inscription à la fac d’éco d’Aix-en-Provence, elle arrête rapidement, travaille un peu et pars « en Inde », dit-elle aujourd’hui avec le sourire. « J’ai eu une année de flou, un grand questionnement », confie la sénatrice écologiste, « je voulais sauver le monde, mais je ne savais pas comment faire ». Elle rentre au pays et « finit par (se) dire que c’était bien de faire Sciences Po ». Les valeurs sûres. Direction Sciences Po Toulouse. Mélanie Vogel a encore la bougeotte. Alors elle repart, cette fois pour le Chili, puis au Canada, pour ses études. Après un master à Sciences Po Paris cette fois, elle suit les cours du Collège d’Europe, à Bruges, car elle voulait se « spécialiser sur les questions européennes. C’est vraiment ma culture politique ». Petit à petit, on se trouve.

Mélanie Vogel entend porter l’écologie à sa « façon »

Les autres pages sont une suite logique : stage au Parlement européen, assistante parlementaire. En 2014, elle dirige la campagne des européennes pour EELV en Ile-de-France, puis travaille avec Pascal Durand à Bruxelles, avant d’être recrutée par le groupe écologiste du Parlement européen comme conseillère politique sur les questions institutionnelles. Enfin, elle se retrouve en 2019 à la direction du parti vert européen.

Au Sénat, Mélanie Vogel entend porter l’écologie à sa « façon ». « J’ai travaillé depuis très longtemps sur les questions de droit humain, de lutte contre les discriminations, les libertés publiques, la démocratie, la réforme des institutions. J’ai envie de m’occuper de tout ça » dit-elle. L’élue se verrait bien à la commission des lois, l’une des plus importantes, et qui touche ses domaines de compétence.

« Ce pourrait être avant-gardiste de demander comment on souhaite être appelé, quel que soit votre genre à l’état civil »

Mais son groupe écologiste se heurte à une difficulté. Il dispose de deux sénateurs à la commission des lois, dont Esther Benbassa. Or cette dernière a été exclue du groupe en septembre, à la suite d’accusations de harcèlement moral par d’anciens assistants. Problème : les places dévolues aux groupes sont rattachées au sénateur et sont arrêtées tous les trois ans, après chaque élection sénatoriale. Mélanie Vogel ne peut donc pas, selon le règlement, récupérer la place d’Esther Benbassa, sauf si cette dernière acceptait de changer de commission. Des discussions sont en cours entre le groupe écolo et le président du Sénat, Gérard Larcher, pour tenter de trouver une solution. Le groupe LR pourrait par exemple laisser une place… Pas évident.

En attendant, Mélanie Vogel tente d’apprivoiser l’institution. Elle a peu apprécié avoir reçu un courrier où on l’appelait « Madame le sénateur », et l’a fait savoir vertement…

En réalité, elle « ne savait pas qu’on pouvait choisir ». Les sénatrices ont en effet le choix d’être appelé « le sénateur » ou « la sénatrice », mais « le problème, c’est que par défaut, on masculinise le titre ». « Lorsqu’on arrive, on s’enregistre et la première chose, c’est qu’on s’aperçoit que sur l’onglet Monsieur, il n’y a pas le choix. On ne peut pas choisir de s’appeler Madame la sénatrice », si on est de sexe masculin. Mélanie Vogel a déjà son idée : « Ce pourrait être avant-gardiste de demander comment on souhaite être appelé, quel que soit votre genre à l’état civil ». On le voit, Mélanie Vogel est prête à bousculer un peu la Haute assemblée. Mais pas au point de demander de la moquette grise Salle des conférences.

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