Ordre républicain : le « en même temps » présidentiel « a ses limites »

Ordre républicain : le « en même temps » présidentiel « a ses limites »

Dimanche soir, Emmanuel Macron a appelé au « soutien » et à la « reconnaissance de la Nation » pour les policiers et gendarmes. Un discours qui intervient une semaine après les annonces sur la déontologie des forces de l’ordre. Au Sénat on y voit un « message brouillé » qui « suit les fluctuations de l’actualité ».
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« Emmanuel Macron a dû se souvenir qu’un certain samedi après-midi, les gilets jaunes ont failli rentrer à l’Élysée et qu’il était à deux doigts d’être évacué en hélicoptère » s’agace le sénateur LR, François Grosdidier lorsqu’on l’interroge sur les mots prononcés, hier soir, par le chef de l’État à l’intention des forces de l’ordre.

Les policiers et gendarmes « méritent le soutien de la puissance publique et la reconnaissance de la Nation », a affirmé dimanche Emmanuel Macron avant d’ajouter : « sans ordre républicain, il n'y a ni sécurité, ni liberté (…) cet ordre ce sont les policiers et gendarmes sur notre sol qui l'assurent » (…) « Ils sont exposés à des risques quotidiens en notre nom ».

Emmanuel Macron rappelle « l’évidence »

« Le Président a rappelé ce qui est assez évident. Qu’un chef d’État explique que les policiers et gendarmes sont les garants de l’ordre républicain, c’est quand même le minimum vital » note le président du groupe centriste du Sénat, Hervé Marseille.

Sauf que les déclarations du chef de l’État interviennent dans un contexte marqué par des vagues de manifestations contre les violences et le racisme dans la police qui font écho à l’émotion suscitée par la mort de George Floyd aux États-Unis. L’ampleur des manifestations avait même poussé le ministre de l’Intérieur, la semaine dernière, a annoncé des mesures destinées à améliorer la déontologie des méthodes d’interpellation des forces de l'ordre. Laissant à penser qu’il s’agissait d’un début de mea culpa dans un pays qui, s’il n’est pas l’Amérique, est néanmoins marqué par des cas emblématiques de présomption de violences policières. Au premier desquels, la mort d’Adama Traoré en 2016, dont le comité de soutien est à l’origine des mobilisations parisiennes.

« Les policiers et gendarmes se fichent des mots »

Pour François Grosdider, co-auteur d’un rapport sur le malaise des forces de sécurité intérieures, « Comme toujours avec Emmanuel Macron, c’est une politique qui suit les fluctuations de l’actualité. Mais les policiers et gendarmes se fichent des mots. Des mots qui apparaissent insincères quand la veille, le ministre de l’Intérieur remet en cause des gestes techniques d’intervention. Quand les conditions d’exercice de leur métier ne sont pas rattrapées. 25 millions d’heures supplémentaires non-payées, un parc automobile de 7 ans de moyen d’âge et j’en passe. Le malaise des forces de sécurité est ancien et ne fait que s’aggraver ».

De l’autre côté de l’échiquier politique, la présidente du groupe CRCE (Communiste Républicain Citoyen et Ecologiste du Sénat), Éliane Assassi en convient. « Emmanuel Macron brouille le message de ce que doit être une police républicaine, à savoir respecter les lois de la République. Ce sont aussi des mots qui permettent de ne rien toucher. Comme par exemple une réforme de l’IGPN ».

Par ces mots, Emmanuel Macron semble surtout avoir entendu la colère des syndicats de policiers et gendarmes, provoquée par les annonces de Christophe Castaner. Vendredi dernier, les représentants des forces de l’ordre avaient, un temps, espéré être reçus par Emmanuel Macron pour lui dire, de soutenir, de respecter et de considérer sa police » (voir notre article). « Hier soir, Emmanuel Macron a pris à contre-pied son ministre de l’Intérieur qui voit ses jours comptés en cas de remaniement » analyse le président du groupe socialiste au Sénat, Patrick Kanner. « Christophe Castaner a rompu le fil du dialogue et de la confiance avec les forces de l’ordre. Le ‘en même temps’,  ça a quand même ses limites » note pour sa part Hervé Marseille.

« Un clin d’œil à l’extrême droite ».

Pour le sénateur  PS du Val d'Oise, Rachid Temal, le « en même temps » présidentiel a même viré à « l’amalgame ». Le chef de l’État a indiqué que le combat « noble » contre le racisme « est inacceptable lorsqu'il est récupéré par les séparatistes » et se « transforme en communautarisme ». « Quel est le rapport ? Moi, je m’appelle Rachid. Je subis le racisme depuis toujours. Je ne vois pas ce que ça à avoir avec le communautarisme et le séparatisme ou avec le déboulonnage des statues. Il laisse à penser que si on se bat contre le racisme on est contre les forces de l’ordre. C’est un discours très dangereux, un clin d’œil à l’extrême droite ».

« La République n’effacera aucune trace ni aucun nom de son Histoire. La République ne déboulonnera pas de statue » a assuré le Président hier soir, suite à la mise à bas dans plusieurs pays de statues de personnages en lien avec l’esclavage et la colonisation. « De tout temps, ceux qui sont opprimés s’en prennent à des symboles. Mais l’Histoire ce n’est pas quelque chose de binaire » rappelle Éliane Assassi.

« On ne peut pas réclamer d’une Histoire aseptisée. Et qui déciderait quel personnage est bon et celui qui ne l’est pas » ajoute Hervé Marseille. « Notre Histoire est composée d’ombre et de lumière. Si l’on devait déboulonner chaque personnage qui a sa part d’ombre, il ne resterait pas beaucoup de statues » convient Patrick Kanner. Sur cette phrase au moins, Emmanuel Macron a fait consensus.

 

 

 

 

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