PLFR 3 : « On a un désaccord sur le tempo du plan de relance », objecte le rapporteur général du budget au Sénat

PLFR 3 : « On a un désaccord sur le tempo du plan de relance », objecte le rapporteur général du budget au Sénat

Le sénateur (LR), Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances, considère que les dispositions du troisième budget d’urgence de 2020 ne posent « pas de difficultés » mais il s’inquiète vivement de l’absence de mesures de relances. Sa commission veut l’amorcer dès à présent.
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Et de trois. L’examen du projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2020 – le troisième en l’espace de quatre mois – vient de débuter au Sénat, après son adoption à l’Assemblée nationale le 9 juillet.

Ce troisième PLFR était au menu des travaux de la commission des finances ce 15 juillet. « Le texte ne pose pas de difficultés, mais il est insuffisant », reconnaît le rapporteur général de la commission, le sénateur LR Albéric de Montgolfier. « Il ne porte pas de mesures de relance. Le président de la République a annoncé un plan de relance de 100 milliards d’euros. Si la relance a lieu à l’occasion du prochain projet de finances, on sera en décalage avec nos voisins allemands […] On a un désaccord avec le gouvernement sur le tempo, sur le timing du plan de relance », résume le sénateur d’Eure-et-Loir.

Le nouveau projet de loi vient compléter ou prolonger les dispositions d’urgence votées en mars puis en avril, pour répondre à la crise économique historique provoquée par le coronavirus. Pour l’ensemble de ces trois budgets, le gouvernement revendique la mobilisation d’environ 460 milliards d’euros. L’essentiel (327 milliards d’euros) représente des prêts garantis par l’État, le reste étant des mesures de soutien à l’économie, une partie importante étant dédiée au financement du chômage partiel.

 « On va vers une espèce de spirale catastrophique »

En mars, le Sénat avait adopté le projet sans modification. Pour celui d’avril, les sénateurs étaient allés au bout de leurs modifications, mais un compromis s’était noué avec l’Assemblée nationale. Le troisième n’est pas à la hauteur de leurs espérances. Il y a urgence pour eux à passer d’un plan de soutien à un plan de relance, pour que l’économie reparte. Dès le mois de juin, le gouvernement n’a pas exclu la présentation d’un quatrième budget d’urgence à la rentrée. Mais le rapporteur général au Sénat redoute une perte de temps, dommageable pour les finances publiques, ce qui pèsera dans les années futures. Car les recettes s’effondrent bien plus vite que les dépenses ne s’envolent. « Si on ne relance pas l’économie, on aura moins de TVA, moins d’impôts sur les sociétés, on va vers une espèce de spirale catastrophique », met-il en garde.

Les prévisions macroéconomiques sont alarmantes. La récession devrait atteindre 11% de la richesse nationale, le déficit public se creuser à 11,5 % du PIB, et la dette atteindre près de 121 % du PIB. Pour limiter la casse économique et budgétaire, la commission des finances du Sénat introduira des amendements pour soutenir les commandes publiques, favoriser l’investissement des entreprises mais aussi « déconfiner l’épargne ».

Un système de chèques loisirs pour six millions de foyers modestes pour doper l’hôtellerie-restauration

Pour relancer la consommation, le rapporteur général propose d’introduire un dispositif « ciblé et ponctuel » de bons d’achat. Il viendrait soutenir la consommation des ménages les plus modestes et favoriser des secteurs les plus durement touchés par le plongeon de l’activité : les secteurs de la culture, du tourisme. La valeur de ces chèques loisirs, basés sur le modèle des « chèques énergie, serait modulée en fonction des revenus et de la composition des foyers. La commission des finances du Sénat vise un chèque moyen de 400 euros, qui serait distribué à six millions de foyers modestes, soit un coût total de 2,4 milliards d’euros.

Inquiets des conditions dans lesquelles les jeunes diplômés arriveront sur le marché du travail, les sénateurs en commission se sont montrés favorables à l’instauration d’un dispositif d’aide à l’embauche de jeunes pour les entreprises. L’enjeu est simple : éviter le phénomène d’une « génération sacrifiée ». Un amendement du rapporteur général prévoit une prime versée pour toute embauche en CDI ou en CDD de plus de six mois, qui pourrait s’élever à 4000 euros sur deux ans (voire 6000 s’il s’agit d’un jeune de moins de 26 ans en sortie d’études). Devant l’Assemblée nationale, le Premier ministre Jean Castex a annoncé dans son discours de politique générale un montant similaire. Il a également précisé que l’aide concernerait des salariés de moins de 25 ans jusqu’à 1,6 Smic. Les sénateurs proposent la même limite pour ce dispositif qui serait étalé sur trois ans.

De nouvelles bouées de sauvetage pour les transports

En commission, les sénateurs ont également estimé que les transports constituaient un « gros sujet », après la chute du versement mobilité (prélevé sur la masse salariale des entreprises), et surtout la baisse de la fréquentation chez les usagers. Pour l’heure, l’État va s’engager à verser 425 millions d’euros à Île-de-France Mobilités, l’autorité qui gère les transports de la région parisienne. Une somme insuffisante pour sa présidente Valérie Pécresse, qui menace de suspendre provisoirement les paiements à la RATP et à la SNCF. La commission des finances du Sénat propose de compenser les recettes tarifaires perdues par 800 millions d’euros d’avances remboursables, et de faire passer la compensation pour la perte du versement mobilité de 425 à 920 millions d’euros.

Pour encourager les compagnies aériennes basées en France à renouveler leurs flottes sous le prisme de la transition écologique, un mécanisme de suramortissement fiscal sera défendu par la commission. Il s’agit d’encourager leurs investissements, en gonfler leur valeur, ce qui réduira la base des bénéfices imposables à l’impôt sur les sociétés. Même schéma avec les compagnies maritimes et l’achat de navires qui utilisent des énergies propres.

Au chapitre de l’investissement public, la commission des Finances entend accélérer le déploiement du plan « France très haut débit », en y allouant 30 millions d’euros supplémentaires. La dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) serait, elle, renforcée de 50 millions d’euros.

Stimuler les investissements des particuliers pour redonner de l’air aux PME

Flécher différemment l’épargne accumulée pendant le confinement est l’une des autres ambitions de la commission des finances du Sénat. Le rapporteur général veut inciter les particuliers à investir dans les fonds propres des jeunes PME, en renforçant la réduction d’impôt « Madelin ». Le taux et les limites de versement annuelles seraient doublés temporairement. Il souhaite également exonérer de prélèvements sociaux les investissements en fonds propres réalisés dans le cadre d’un plan d’épargne en actions PME entre le 15 juillet 2020 et le 30 juin 2021. La commission des finances du Sénat veut encore activer le levier de la rénovation énergétique en élargissant le bénéfice du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) aux propriétaires bailleurs. Autant de mesures ciblées qui auront un « effet booster », en est convaincu le rapporteur général.

En attendant le débat en séance publique du 16 au 19 juillet, la commission des finances a fait les comptes et minimise les engagements promis par le gouvernement. Un plan de relance d’une quarantaine de milliards d’euros est déjà sur les rails pour trois secteurs : la filière automobile, le secteur automobile et le secteur du tourisme. La commission des finances note que l’essentiel du troisième projet de loi de finances rectificative ne traduit pas encore ces engagements. Seulement trois milliards d’euros sont effectivement inscrits pour l’année 2020, selon son rapport.

« Anticiper » : c’est la ligne de conduite que le gouvernement devrait adopter, presse le rapporteur général du Sénat. Celui-ci constate que de récentes idées imaginées par le Conseil d’analyse économique (un cercle de réflexion rattaché à Matignon) ressemblent à des propositions déjà défendues par le Sénat. « À chaque fois, on a une espèce de décalage », regrette Albéric de Montgolfier, convaincu que l’exécutif se montrera d’accord sur le fond avec plusieurs de ses propositions. Pour le sénateur, tout porte à croire qu’une partie du calendrier dépend de motivations politiques. « Il y a un peu de mise en scène pour avoir un tempo qui corresponde à la rentrée. »

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