Qu’est-ce qu’un PLFRSS, piste du gouvernement pour mettre en œuvre la réforme des retraites ?
Alors que le gouvernement semblait pencher jusqu’ici pour un amendement au budget de la Sécu pour réformer les retraites, il réfléchit à une autre solution : recourir à un projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale, examiné début 2023. Très rare, le recours au PLFRSS aurait certains avantages pour l’exécutif.

Qu’est-ce qu’un PLFRSS, piste du gouvernement pour mettre en œuvre la réforme des retraites ?

Alors que le gouvernement semblait pencher jusqu’ici pour un amendement au budget de la Sécu pour réformer les retraites, il réfléchit à une autre solution : recourir à un projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale, examiné début 2023. Très rare, le recours au PLFRSS aurait certains avantages pour l’exécutif.
François Vignal

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C’est la troisième voie, sortie du chapeau de l’Elysée, pour faire la réforme des retraites. Ni amendement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), ni texte spécifique, mais un projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale (PLFRSS pour les intimes), selon BFMTV et Le Canard enchaîné.

La première option est qualifiée de passage en force par une partie de l’opposition et jusqu’au sein de la majorité, par le patron du Modem François Bayou. La seconde risque de faire trop durer les débats, aux yeux de l’exécutif. La troisième présenterait quelques avantages : laisser un peu plus de temps aux échanges avant l’examen du texte, qui se ferait début 2023, ce qui pourrait satisfaire l’allié du Modem, sans pour autant faire trainer les débats. Mais qu’est-ce qu’un projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale ?

Un recours au PLFRSS très rare mais possible

De la même manière qu’un projet de loi de finances rectificative (ou collectif budgétaire) permet d’ajuster le budget de l’année en cours, le gouvernement peut revoir ou ajouter certaines dispositions liées aux comptes de la Sécurité sociale, via un PLFRSS. Mais à la différence du PLFR, qui a lieu chaque année, le PLFRSS est extrêmement rare. De mémoire des spécialistes du Parlement, on n’en compte que deux : en 2011 et 2014. Cette rareté s’explique. Si les crédits adoptés pour le budget de l’Etat sont fixes, ceux du PLFSS ne sont pas limitatifs. Il n’y a pas de blocage pour dépenser plus durant l’année. On peut attendre le budget de la Sécu suivant pour adopter les éléments rectificatifs.

Lire aussi » La réforme des retraites va-t-elle se transformer en « piège » pour les LR ?

Le PLFRSS de 2011 avait permis de mettre en place une prime de partage du profit, dans les sociétés de plus de 50 salariés. Celui de 2014 révisait le régime de la C3S (contribution sociale de solidarité des sociétés) et concernait aussi… les retraites. Une mesure prévoyait le gel des prestations sociales, qui n’étaient plus indexées sur l’inflation, sauf pour les petites retraites inférieures à 1.200 euros.

Les retraites peuvent être réformées via un PLFRSS, mais sous l’angle financier

Question importante : concernant les retraites, sur quoi peut porter un PLFRSS ? Il peut aborder tous les sujets, à condition qu’ils soient liés aux recettes ou aux dépenses du régime de base de la Sécurité sociale, dont la branche vieillesse fait partie. Nous sommes dans un texte financier, ses dispositions doivent donc être financières, logique. Tout ce qui est financier, mais rien que ça. Concrètement, une mesure sur l’âge légal de départ à la retraite, la durée de cotisation ou les retraites minimales ont parfaitement leur place dans un PLFRSS. Et les régimes spéciaux ? « Ce sont des régimes obligatoires de base de la Sécurité sociale, donc théoriquement oui », selon un spécialiste du droit parlementaire. La pénibilité aurait sa place, à condition, là aussi, qu’elle soit abordée sous un angle financier.

Un examen limité dans le temps

De la même manière que le PLF ou le PLFSS, un PLFRSS voit sa durée d’examen limitée dans le temps. Pour un texte de financement de la Sécu, le Parlement a 50 jours pour se prononcer (70 jours quand il s’agit d’un projet de loi de finances) entre le dépôt du texte sur le bureau de l’Assemblée et l’adoption définitive par le Parlement. Avantage pour le gouvernement : permettre d’éviter d’avoir un examen qui s’enlise et laisser la contestation s’installer.

Recours possible au 49.3 sur le PLFRSS, sans « griller le joker » sur un autre texte

Le recours à un PLFRSS permet au gouvernement, comme sur tout texte financier, de recourir à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, le fameux 49.3. Le gouvernement engage alors sa responsabilité sur le vote du texte. Il est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure est adoptée. C’est le passage en force par excellence, l’arme nucléaire législative.

Ce point est important, étant donné la majorité relative à l’Assemblée. L’usage du 49.3 est limité à un texte par session ordinaire, ainsi qu’au PLF et au PLFSS, comme expliqué plus haut. L’exécutif risque d’en avoir besoin sur un autre projet de loi, comme celui sur les énergies renouvelables peut-être. Faire adopter la réforme des retraites via un PLFRSS « ne brûle pas le joker », explique-t-on. Un détail qui n’a pas échappé à l’exécutif.

A noter que dans l’hypothèse d’un PLFRSS, le gouvernement devrait faire une étude d’impact, qui est rendue publique. Il est aussi tenu de demander l’avis du Conseil d’Etat, qu’il n’est pas obligé de publier. Le sujet du PLFRSS sera à n’en pas douter au menu du dîner prévu ce mercredi soir, à l’Elysée, sur la réforme des retraites.

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