Relations Richard Ferrand/Gérard Larcher : ça passe ou ça casse ?

Relations Richard Ferrand/Gérard Larcher : ça passe ou ça casse ?

Richard Ferrand est attendu sur sa relation avec Gérard Larcher et le Sénat pour tenter de trouver un accord sur la réforme constitutionnelle. Si les deux hommes s’entendent plutôt bien, certains sénateurs craignent que le député manque de hauteur. D’autres parlementaires pointent son fort caractère.
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Désigné candidat de La République En Marche pour la présidence de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand sera forcément élu mercredi. En passant des bancs du groupe LREM, qu’il présidait, au fauteuil du perchoir, le député du Finistère va se retrouver aux premières loges pour discuter avec Gérard Larcher, président LR du Sénat, de la réforme institutionnelle et constitutionnelle. Après un sérieux coup d’arrêt lors de l’affaire Benalla, l’exécutif veut en rependre l’examen cet hiver.

Richard Ferrand sera-t-il l’homme de la situation et saura-t-il endosser ses nouveaux habits de président de l’Assemblée ? Interrogé la semaine dernière par publicsenat.fr, lors de sa conférence de presse de rentrée, Gérard Larcher accueille avec une certaine bienveillance son futur homologue. Il garde un bon souvenir de leurs échanges sur la réforme institutionnelle, dont l’ex-président du groupe LREM était le rapporteur principal au Palais bourbon. « Richard Ferrand et Marc Fesneau (président du groupe Modem de l’Assemblée, ndlr) ont été attentifs à nos travaux. Ils n’avaient pas considéré les travaux du groupe du Sénat (et ses 40 propositions, ndlr) comme quelque chose qu’il ne fallait pas prendre en compte » se souvient le sénateur des Yvelines. « On s’est plutôt pas mal entendu avec Richard Ferrand » glisse encore Gérard Larcher. Il attend du nouveau président de l’Assemblée qu’il soit « bicamériste », « très attentif aux droits du Parlement » et qu’il « assure l’autonomie de l’institution ». Regardez :

Larcher adresse un conseil au futur président de l’Assemblée nationale et se dit « totalement disponible » pour la révision constitutionnelle
03:12

« Il a plusieurs cordes à son arc »

C’est l’un des enjeux pour ce très proche d’Emmanuel Macron. Comment se défaire de l’image d’homme du Président, alors qu’il a été élu candidat de son groupe au perchoir avec l’aval de l’Élysée ? Pour Le président du groupe LREM du Sénat, François Patriat, qui le connaît bien pour partager avec lui les petits-déjeuners de la majorité à Matignon, c’est au contraire un de ses atouts. « Il avait été rapporteur de la loi Macron. Puis il a été un compagnon d’arme pendant la campagne. Il a toute la légitimité d’être président de l’Assemblée de par sa proximité avec le Président, son travail » affirme le sénateur de Côte-d’Or. « Il a une autorité naturelle et une souplesse. Il a beaucoup d’humour, c’est un fin technicien, un fin politique » ajoute François Patriat, qui « croi(t) qu’il a plusieurs cordes à son arc » et saura être un interlocuteur pour Gérard Larcher. « Ils se sont rencontrés à deux reprises je crois. Il est suffisamment ouvert pour avoir un dialogue » pense le sénateur. « Si la discussion repart, il sera immédiatement dans une posture de recherche de compromis et d’accord avec Gérard Larcher » assure un député proche de Richard Ferrand.

Selon un autre député de la majorité présidentielle, qui a suivi de près les débats sur la réforme, l’arrivée de Richard Ferrand au perchoir jouera surtout en faveur de l’Assemblée :

« Ce sera une relation plus équilibrée. Gérard Larcher est trop malin. C’est bien d’avoir quelqu’un également trop malin en face… »

Le même égratigne sérieusement au passage l’ancien occupant du poste : « François de Rugy n’était pas à la hauteur des discussions sur la réforme de la Constitution. Gérard Larcher avait une feuille de route. Nous, on défendait quoi à l’Assemblée ? »

« Il ne faut pas l’emmerder »

Reste que sous couvert d’anonymat, on décrit un homme moins affable qu’il n’y paraît. Un caractère bien trempé. De quoi peut-être tendre les discussions avec le Sénat, quand il faudra avancer concrètement. « Il peut être vindicatif. Il ne faut pas l’emmerder. Il peut vite être en colère et il a des rancunes » affirme un parlementaire à publicsenat.fr, « il dit franchement ce qu’il pense ». Au point que « Richard Ferrand peut dire au Président « tu déconnes » » selon un autre parlementaire de la majorité, qui le décrit comme « un type très secret, très solitaire aussi. Il donne assez difficilement sa confiance ». L’affaire des Mutuelles de Bretagne qui pèse sur lui n’a certainement rien arrangé.

Richard Ferrand peut aussi se faire provocant. Les sénateurs en ont fait l’expérience quand en avril dernier, il proposait que le Sénat soit élu à la proportionnelle intégrale et par région. Hors de question pour Gérard Larcher. « S’il maintient ça, ce n’est plus une provocation, c’est un casus belli. Ça, c’est niet » prévient Patrick Kanner, président du groupe PS du Sénat, qui lui « déconseille fortement de reprendre cette proposition ». « La proportionnelle, c’était pour faire ch*** Larcher » tempère un député de la majorité. Un propos de président de groupe, qui serait à oublier. « Il fallait faire monter les enchères pour faire peur au Sénat » décrypte Philippe Dallier, sénateur LR de Seine-Saint-Denis.

« Pas besoin d’un président de l’Assemblée aux ordres de La République En Marche »

Mais c’est justement ce passé de président de groupe – et ce profil – qui inquiète certains sénateurs de la majorité sénatoriale. « Pas sûr que Ferrand au perchoir ce soit un signe d’ouverture et de dialogue. Quant à trouver maintenant un accord AN/Sénat sur la réforme constitutionnelle, ce n’est pas fait » tweetait la semaine dernière Roger Karoutchi, sénateur LR des Hauts-de-Seine.

Même sentiment chez son collègue Philippe Dallier. « Ce qui m’inquiète un peu, c’est que dans ce poste là, on imagine quelqu’un avec une indépendance d’esprit large pour préserver le dialogue avec l’autre assemblée. Si Richard Ferrand se comporte comme le chef de la majorité qu’il était, ce n’est pas le bon profil pour ce poste » estime le sénateur LR. Le vice-président du Sénat ajoute : « Pas besoin d’un président de l’Assemblée aux ordres de La République En Marche. Ce sera un contresens absolu. Maintenant, à lui de démontrer que ces craintes sont infondées. Parfois, l’habit fait le moine ! »

« Il faut tout recommencer car ce sont deux personnalités différentes »

Patrick Kanner, qui avait croisé Richard Ferrand en lui passant le flambeau au ministère de la Ville, souligne que Gérard Larcher et son homologue vont surtout devoir apprendre à mieux se connaître. « Il faut tout recommencer car ce sont deux personnalités différentes, et deux parcours différents, même s’ils sont issus de l’ancien monde historiquement. Mais Richard Ferrand est un homme aguerri. Il a son caractère, mais il a une forme de disponibilité » estime le sénateur PS du Nord.

Les sénateurs attendent avant tout de voir sur pièces. C'est-à-dire en pratique. C’est l’état d’esprit du président du groupe Union centriste, le sénateur Hervé Marseille. Il ne dresse pas de procès d’intention à Richard Ferrand et exprime même une certaine clémence à son égard. « Président de l’Assemblée, ça suppose qu’il dégage une autre hauteur de vue. Il a le profil pour faire avancer les choses. Il a l’oreille du Président, de l’influence sur le groupe majoritaire. Ça fera un interlocuteur avec qui on pourra travailler » croit le sénateur UDI des Hauts-de-Seine, dont le groupe pèse 51 sénateurs. Tout dépendra de la volonté de chacun, comme le souligne Hervé Marseille : « Gérard Larcher dit qu’il est disponible et ouvert. Nous le sommes aussi et le gouvernement a envie que cette réforme aboutisse. Je ne vais pas reprendre un slogan de campagne présidentielle, mais ensemble, tout est possible ! On doit pouvoir y arriver, si tout le monde y met du sien ». Les premiers pas de Richard Ferrand seront, à n’en pas douter, scrutés depuis le Palais du Luxembourg.

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