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Sénatoriales : près de 15 listes dans le Nord, une dispersion qui pourrait profiter au RN

Les onze sièges de sénateurs renouvelables dans le Nord suscitent les convoitises et les listes se multiplient. « On en est à 15 », selon le sénateur PS Patrick Kanner, qui se représente et devra peut-être faire face à une dissidence PS. A droite et au centre, on compte cinq listes, sans compter deux listes de la majorité présidentielle… Le RN pourrait profiter de la dispersion des voix.
François Vignal

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Une équipe de foot. Le Nord, gros département avec 2,6 millions de personnes, compte pas moins de 11 sénateurs. Ils sont tous renouvelables lors des sénatoriales du 24 septembre prochain, où la moitié des sièges du Sénat est en jeu. A quatre mois du scrutin, les choses se précisent… et se compliquent. Car les listes bourgeonnent de partout. Le printemps sûrement.

« Il y aura une grande dispersion des listes, encore plus importante que lors du scrutin de 2017. On est à 15 voire 16 listes aujourd’hui », avance Patrick Kanner, sénateur PS sortant et président du groupe socialiste du Sénat. Il se représente et mènera la liste. « La gauche devrait être stable en nombre de listes, par contre à droite, c’est le feu d’artifice ! » lance l’ancien ministre des Sports. Reste à voir « si ça ira au bout. C’est bien d’annoncer une liste, c’est mieux de la faire ».

La sortante PS Martine Filleul pourrait lancer une liste dissidente

La gauche n’est cependant pas à l’abri de divisions. La liste qui est sortie du chapeau socialiste local a exclu l’autre sortante PS, Martine Filleul, qui souhaitait pourtant se représenter. Car derrière Patrick Kanner, la numéro 2 sur la liste sera Audrey Linkenheld, première adjointe de Martine Aubry à la mairie de Lille, un soutien de poids. Députée de 2012 à 2017, Audrey Linkenheld a soutenu Olivier Faure lors du congrès du PS. Or c’est la motion du premier secrétaire qui est arrivée en tête dans la fédération du Nord. Les nouveaux équilibres du congrès n’ont pas été sans effet sur la liste.

En conséquence, Martine Filleul menace de lancer sa propre liste dissidente, d’après plusieurs sources locales. Au point de faire perdre un siège à la gauche ? C’est parfois le risque de la division. Contactée, Martine Filleul, préfère pour l’heure temporiser. « Il est trop tôt pour que je vous réponde. J’ai besoin d’un peu de temps. Ce n’est pas oui, ce n’est pas non. Le moment venu, je m’exprimerai », se borne simplement à répondre la sénatrice socialiste. Mais on sent que la décision de l’évincer lui reste au travers de la gorge.

Deux sièges PCF, « un challenge à relever, mais c’est possible », assure Eric Bocquet

Du côté communiste, on compte deux sortants : Eric Bocquet et Michelle Gréaume. Ils se représentent. Le Parti communiste a quelques communes, comme Raismes ou Saint-Amand-les-Eaux, « avec mon frère Alain comme maire », rappelle Eric Bocquet. Mais lors des municipales de 2020, « on a perdu Seclin, c’est 12/13.000 habitants et 13 grands électeurs, et Waziers. Mais nous avons à nouveau des élus à Lille. Ça peut compenser. On a fait les comptes, la marge d’incertitude est plus large qu’avant. Dans les conseils municipaux, il y a un fort renouvellement et il est difficile de situer politiquement les uns et les autres », explique Eric Bocquet, qui mènera la liste.

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Celui qui s’est fait connaître par son travail au Sénat sur l’évasion fiscale rappelle que « pour le deuxième siège dans le Nord, il a toujours fallu le gagner. Il n’est pas acquis d’emblée. C’est le cas depuis trois décennies. C’est un challenge à relever. Mais c’est possible », croit le sénateur PCF, qui « circule depuis plusieurs semaines. On prend des rendez-vous, on a des petites réunions publiques. Mardi soir, j’étais dans une petite commune du valenciennois avec une trentaine d’élus ». Eric Bocquet résume :

 C’est de la dentelle qu’il faut faire. 

Eric Bocquet, sénateur PCF

Les écologistes vont aussi lancer leur liste. Céline Scavennec, membre d’EELV, mènera la liste écologiste dans le Nord. « EELV a un potentiel de voix d’à peu plus de 200 grands électeurs. Pas de quoi faire un siège », selon Patrick Kanner, qui ajoute qu’« on verra si LFI fait sa liste, mais ce serait pour témoigner ». A cela s’ajoute « l’ancien président des maires ruraux, Luc Waymel, qui se présente aussi. Il est plutôt divers gauche », selon le socialiste.

« Tout le monde a fait son petit calcul dans son coin »

Pour rappel, aux sénatoriales, ce sont les grands électeurs, composés à 95% des conseillers municipaux et de leurs délégués, qui élisent les sénateurs. On compte environ 5700 grands électeurs dans le Nord. « Il faut 430 voix, grosso modo, pour faire un siège. Mais le quotient va tomber peut-être à 360 ou 350 voix. Tout dépend du nombre de listes », décrypte le président du groupe PS. Le ticket d’entrée est donc bon marché. « Le quotient va tomber bas. C’est très ouvert », soutient Patrick Kanner. Ce qui explique les nombreuses velléités pour monter des listes.

« Tout le monde a fait son petit calcul dans son coin et tout le monde est persuadé que celui qui est tête de liste aura plus de chance d’être élu. C’est un calcul théorique », ajoute un élu d’un autre camp, « mais c’est à la fin de la foire qu’on compte les bouses. Je ne sais pas combien il y aura de listes déposées en septembre ». Pour l’heure, c’est un festival. Mais pas de star ni de croisette dans celui-là. Mais plutôt des élus locaux, qui n’ont que les mots « dotation » ou « responsabilités des élus » à la bouche.

Trois listes UDI et une liste LR

A droite et au centre, on se bouscule, avec un total de 7 listes, en comptant celle de la majorité présidentielle. Rien que pour l’UDI, trois listes sont pour l’heure sur les rangs… Pour les LR, le sortant Marc-Philippe Daubresse rempile. Il est tête de liste, suivi de l’autre sortante, Brigitte Lherbier, une proche d’un certain Gérald Darmanin. Elle était sur sa liste aux municipales à Tourcoing. Il imagine faire deux sièges sans trop de problème, quand certains – des concurrents – voient les LR difficilement faire élire deux sénateurs. « La dernière fois, on a fait deux sièges de justesse. Là, on est nettement au-dessus. On apparaît comme un ilot de stabilité dans un centre divisé », soutient Marc-Philippe Daubresse.

Chez les centristes, Valérie Létard a fait le choix de ne pas se représenter, contrairement à l’autre sortant UDI, Olivier Henno, qui mènera sa liste. Mais « elle ne soutient pas Olivier Henno, à notre grande surprise, mais Guislain Cambier (l’un des vice-présidents de Xavier Bertrand à la région, ndlr), et fait campagne », soutient Marc-Philippe Daubresse. Contactée, Valérie Létard n’a pas pu être jointe.

« On est tous un peu cousins dans cette affaire »

Vient de s’ajouter une toute dernière candidature, celle de Marie-Hélène Quatrebœufs, une conseillère départementale UDI soutenue par un LR, Thierry Lazaro, ancien député et ex-responsable de la fédération du temps de l’UMP. « On se dispute potentiellement entre 7 et 9 sièges de droite et du centre et indépendants. C’est un peu le marais », sourit un des candidats.

Malgré cette profusion au centre, Olivier Henno se montre confiant. S’il regrette la liste Cambier, celui qui est aussi secrétaire général de l’UDI souligne que « la concurrence est autant pour Marc-Philippe Daubresse, Dany Wattebled (autre sortant, voir plus loin, ndlr), car en réalité, on est tous un peu cousins dans cette affaire. Marc-Philippe Daubresse a été UDF. Wattebled a été Modem et UDI. Franchement, ça ne veut plus dire grand-chose ». Si Olivier Henno reconnaît que certains ont eu des « doutes » au départ pour lui, « la solidité de ma liste a purgé le doute. On peut faire au moins un siège, voire deux », soutient le sénateur UDI.

Entre Renaissance et Horizons « il y a des négociations », souligne Frédéric Marchand

Du côté de la majorité présidentielle, le sortant Frédéric Marchand se présente à nouveau. Cet ancien socialiste, membre de Renaissance, se dit « déterminé. L’objectif c’est de confirmer voire d’améliorer le score de 2017. J’avais été élu un peu par surprise. Aujourd’hui, il faut transformer l’essai ». Il entend « être au service des élus et de droite, et de gauche », ajoute Frédéric Marchand. Le nombre d’élus estampillés majorité présidentielle n’étant « pas suffisant du tout », reconnaît-il, « il faut aller au-delà ». « C’est comme au foot, le match est terminé au coup de sifflet final », lance le sénateur macroniste.

Mais pour compliquer la situation, la majorité présidentielle se divise, comme dans plusieurs départements pour ces sénatoriales. Franck Dhersin, qui soutient Edouard Philippe, veut se lancer. Maire de Téteghem, vice-président à la région chargé des transports, c’est aussi l’ancien chef de cabinet de Marc-Philippe Daubresse quand il était ministre du Logement. « Il y a un candidat Horizons, mais qui s’est auto investit Horizons. Il y a des négociations qui existent entre partis de la majorité présidentielle », soutient Frédéric Marchand, qui assure qu’il y aura sur sa liste « des Modem, des Horizons ». Il ajoute :

 Aujourd’hui, tout le monde s’excite, il y a des listes partout. Il serait dommageable de multiplier les petits pains pour le plaisir et imaginer qu’on sera tous élu sénateur. 

Frédéric Marchand, sénateur Renaissance

Les grands électeurs devront faire des choix, car sur ce terrain du centre droit, on trouvera aussi Dany Wattebled. Sénateur sortant, il est membre du groupe Les Indépendant. Il n’est pas à Horizons, contrairement à son président de groupe, Claude Malhuret. Jean-Pierre Decool, l’autre sortant du groupe Les Indépendants, ne se représentant pas, la seconde de liste sera Marie-Claude Lermytte, maire de Brouckerque. « Je fais suffisamment confiance à l’intelligence des élus locaux pour savoir qui est venu sur le terrain, qui a fait le boulot », avance Dany Wattebled, pour qui « un élu est un élu, qu’il soit de gauche ou de droite. Il n’y a que des maires et des élus locaux à servir ».

Le RN se dit « en mesure de faire un siège »

Et si le parti qui tirerait son épingle du jeu de cette profusion de listes serait le Rassemblement national ? Les principaux espoirs du parti d’extrême droite se situent à côté, dans le Pas-de-Calais, et dans le Nord, avec la candidature de Joshua Hochart, élu d’opposition à Denain. Il est collaborateur à la région du député RN Sébastien Chenu et secrétaire général du groupe RN à la région. « Les élections sénatoriales ont toujours été une élection qui ne nous ont jamais été favorables. Mais depuis 2022 et l’élection des députés, on a un vent différent qui souffle sur notre parti. J’ai commencé ma tournée de rendez-vous avec les maires. Et la candidate de 2017 me disait qu’elle avait beaucoup de mal à les avoir. Aujourd’hui, je n’ai aucune difficulté », assure le candidat du RN.

Joshua Hochart se dit « en mesure de faire un siège ». « En 2017, on partait avec 100 grands électeurs. On a fait 248 voix au final », rappelle-t-il, misant aujourd’hui sur une base de « 150/200 grands électeurs ». Pour aller chercher les 400 voix nécessaires, il « mise sur « des élus divers droite ou non politisés. Avec nos députés maintenant, certains me disent qu’ils ne sont pas forcément RN, mais quand ils voient le boulot, ils disent pourquoi pas ».

On le voit, tout n’est pas joué dans le Nord. Marc-Philippe Daubresse y va de son petit « pronostic » : « Nous les LR, on fait deux sièges, Kanner fait deux sièges, Wattebled fait deux sièges. Le PCF ne fera plus deux mais un siège. Après, vous avez Horizons qui fait de justesse un siège, Renaissance un siège de justesse. Un siège centriste. Et il reste un siège qui se balade, qui ira au RN ou sur une autre liste ». Avec une part d’incertitude liée à la composition des équipes municipales, moins politisées, comme le souligne le sénateur LR : « Il y a six ans, le maire avait tendance à dire pour qui on vote, et c’est comme ça. Ce coup-ci, il y a plus de dispersion dans les voix entre adjoints. Et ça se passe comme ça dans toute la France ».

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