Les élections sénatoriales approchent. Le scrutin du 27 septembre, où la moitié des 348 sièges est renouvelée, ne réserve pas un énorme suspense. La droite conservera le Sénat. « La majorité sénatoriale pourrait être consolidée, confortée en tout cas » affirmait sur publicsenat.fr, dès le lendemain des municipales, Bruno Retailleau, président du groupe LR du Sénat
« Il y a moins de divisions qu’en 2014 »
La droite a pourtant subi des défaites symboliques à Bordeaux et à Marseille. Or les conseillers municipaux représentent 96% du collège électoral des grands électeurs, qui élisent les sénateurs. Avec 79 sénateurs renouvelables sur les 143 que compte le groupe, « on a un fort renouvellement cette année. Ça aurait pu être compliqué. Et ça ne le sera pas » constatait pourtant le patron des sénateurs LR. Pourquoi ? Car « les conséquences des pertes symboliques sont extrêmement minimes ».
Pour la droite, la menace peut en réalité venir… d’elle-même. Ce sont en effet les divisions qui peuvent faire perdre à LR quelques plumes. Cela s’est déjà vu lors des scrutins sénatoriaux passés. Mais ce risque semble cette fois plus faible. « Il y a moins de divisions qu’en 2014, où il pouvait y avoir deux ou trois listes qui se tapent sur la tête. En 2011, j’ai un souvenir ému quand, dans le Morbihan, on a fini par avoir 0 siège car il y a eu tellement de dissensions. On aurait dû avoir 2 sièges, mais divisés en 4 listes, on n’a rien eu » se souvient le sénateur LR des Hauts-de-Seine, Roger Karoutchi, qui connaît bien la carte électorale. Celui qui est aussi vice-président de la commission nationale d’investiture (CNI) de LR ajoute :
Il y a un peu de divisions dans quelques départements, un peu de perte en ligne, mais pas énormément. Donc je joue la stabilité pour le groupe.
« C’est de la dentelle de cristal les sénatoriales »
Pour avoir une idée des chances, il faut vraiment regarder dans le détail. « C’est de la dentelle de cristal les sénatoriales. Chaque département est un cas particulier. Et le facteur personnel est considérable » rappelle-t-on au groupe. Et division ne veut pas toujours dire perte. « Si ceux qui divisent réussissent à faire leur siège et viennent au groupe LR quand même, au final, le solde est identique » remarque Roger Karoutchi. « Il y a un paquet d’endroits où ce sera d’une stabilité absolue. Dans pratiquement tous les départements à scrutin majoritaire, il n’y a pas de changement envisagé. Dans les départements à la proportionnelle, on avait quelques craintes, comme dans le Gard, l’Hérault, mais finalement on ne devrait pas perdre de siège ».
Au final, Roger Karoutchi voit un groupe LR « entre 138 et 146 sièges », après le 27 septembre. De quoi donc conserver la majorité avec les alliés du groupe Union centriste. LREM pourrait tenter d’attirer à lui quelques centristes Macron compatibles (lire ici), mais l’opération séduction ne devrait pas bouleverser la donne. « La majorité sénatoriale a réussi à trouver des accords partout » souligne Roger Karoutchi, « ça s’est bien passé avec les centristes, alors qu’en 2014, c’était un peu tendu parfois. Là, il n’y a pas de couac ».
Perte d’un siège probable en Gironde
Reste que le diable se niche toujours dans les détails. Dans le Rhône, le sortant LR, François-Noël Buffet, affronte la dissidence d’Etienne Blanc, premier vice-président de Laurent Wauquiez au conseil régional et ancienne tête de liste aux municipales à Lyon… En Gironde, alors que la droite et le centre étaient partis unis en 2014, la sortante LR Florence Lassarade fait face à la liste d’Yves d’Amécourt, soutenue par l’ancien maire LR de Bordeaux Hugues Martin. Et Nathalie Delattre, du Parti radical, mène sa liste alors qu’elle était en quatrième position de la liste d’union il y a 6 ans.
Pour le Rhône, Roger Karoutchi remarque que « si Etienne Blanc réussit à faire son siège, il viendra au groupe LR. Au total, on ne devrait pas trop perdre. Là, entre la division et un peu de secousses localement, on devrait perdre un siège ». Même chose du côté de Bordeaux : « Je crains qu’on perde un siège en Gironde car la perte de Bordeaux était plus inattendue ».
Dans les Bouches-du-Rhône, « la perte de Marseille ne devrait pas modifier l’équilibre »
Mais le vice-président de la CNI a aussi de quoi se rassurer : « On a fait de très bons scores dans les Alpes-Maritimes, où on pense faire quatre sièges ». Quant aux Bouches-du-Rhône, « la perte de Marseille ne devrait pas modifier l’équilibre car nous n’avions pas fait de bons scores la dernière fois. La liste Gaudin avait fait 3 sièges car la liste Guérini avait pris des voix à droite. Là, on a perdu la ville mais pas énormément de conseillers et on espère même faire 4 sièges car on a gagné Arles et des petites communes ».
Ces petites communes dont parle Roger Karoutchi, c’est la botte secrète de la droite. Ou plutôt son assurance vie. « Près de 50% des communes de plus de 9000 habitants sont LR ou proche de nous » note-t-on au groupe. De quoi assurer un matelas confortable de grands électeurs. Mieux : le mode d’élection donne un coup de pouce à la droite. Les villes de moins de 10 000 habitants, qui représentent 50,3 % de la population, comptent 69 % des délégués sénatoriaux qui iront voter pour les sénatoriales (plus de détails ici sur les grands électeurs). Les petites communes, où la droite est bien implantée, sont donc surreprésentées, renforçant ainsi l’assise de LR.
Dans les Côtes d’Armor, le président du département et son premier vice-président s’opposent
Quand on regarde les candidatures dans le détail, on observe cependant d’autres départements avec deux ou trois listes de droite, comme dans l’Aisne, les Ardennes, l’Ardèche, la Haute-Garonne, ou encore les Côtes d’Armor, où la liste LR officielle de Thibaut Guignard, premier vice-président Conseil départemental, fait face à celle d’Alain Cadec, qui n’est autre que le président du département et président de la fédération LR départementale…
Autre division : dans l’Eure, le ministre Sébastien Lecornu a sur sa liste LREM les sortants LR Nicole Duranton et Ladislas Poniatowski. Edouard Philippe va venir le soutenir le 23 septembre lors d’une réunion publique avec les grands électeurs. Le ministre des Outre-Mer fait face au centriste et sortant Hervé Maurey, qui a le soutien de Gérard Larcher, président LR du Sénat.
Les « fausses dissidences » pour contourner la parité
Pour compliquer la lecture, il y a aussi ce qu’on appelle pudiquement chez les LR les « fausses dissidences ». A savoir deux listes séparées, non pas par division, mais pour contourner la parité sur les listes à la proportionnelle, et ainsi assurer la réélection de deux hommes sortants… Ce qui s’est déjà vu à plusieurs reprises. Mais là aussi, Roger Karoutchi minimise. « J’ai davantage connu ça en 2014. Ça peut exister dans les départements à la proportionnelle, où on n’aura pas plus de deux sièges, et les deux hommes sortants sont candidats. Mais ça ne s’est pas trop produit cette fois. Et aujourd’hui, on a un certain nombre de femmes sortantes, qui sont légitimes » souligne l’ancien ministre.
Dans la Sarthe, exemple type : les deux sortants LR, Jean-Pierre Vogel et Louis-Jean de Nicolaÿ, ont présenté chacun leur liste, « mais c’est voulu par les élus » glisse-t-on. Dans le Bas-Rhin, la situation pourrait faire penser, au premier abord, à ce genre de répartition. D’un côté, la liste investie par LR et l’UDI, avec en tête le sortant Claude Kern (groupe Union centriste) et Guy-Dominique Kennel (LR) en trois. Et de l’autre, André Reichardt, lui aussi sortant et LR, mène sa propre liste. Mais dans ce département, la question de la place de l’Alsace dans la région explique davantage ces deux listes. Aux sénatoriales, chaque département est une élection à part entière.