« Ils ont essayé de monter les Français les uns contre les autres avec les régimes spéciaux et ça se retourne contre eux maintenant ». Voilà en substance, l’esprit de l’intervention qu’Alain Milon, le président LR de la commission des affaires sociales, prononcera dans quelques heures dans l’hémicycle à l’occasion du débat sur la réforme des retraites organisé cet après-midi au Sénat.
« Un petit caprice » d’Emmanuel Macron
Ce mardi, Édouard Philippe tente une nouvelle équation délicate. L’ouverture d’un un nouveau cycle de concertations avec les syndicats « sur beaucoup de sujets ». Mais ce matin sur RTL, le Premier ministre a réaffirmé sa détermination à mettre en place un système universel de retraites par points entraînant la suppression des régimes spéciaux. De part et d’autre de l’hémicycle, c’est bien là que le bât blesse. « C’est impossible. C’est une position purement idéologique. J’ai l’impression qu’Édouard Philippe agit sur commande : appliquer la promesse de campagne du candidat Macron, qui s’apparente désormais à un petit caprice. D’autant qu’ils ont déjà reculé devant certains corps de métiers. Au final, ceux qui se verront appliquer un pseudo-régime universel seront ceux qui n’ont pas la capacité de bloquer le pays » pressent la sénatrice socialiste, Monique Lubin, membre du conseil d’orientation des retraites.
« Ça ne tient pas la route »
« Je ne pense pas un seul instant que l’on puisse mettre en place un système universel de retraites, selon lequel un euro cotisé ouvre les mêmes droits. Ça ne tient pas la route » complète Alain Milon favorable au maintien des trois régimes de base (fonctionnaires, libéraux et salariés du privé).
Quant au coût de cette réforme qui en inquiète plus d’un au Palais du Luxembourg, Édouard Philippe a semblé faire un pas vers la CFDT en annonçant une discussion avec les partenaires sociaux vendredi, afin de préciser les modalités de la conférence de financement que Laurent Berger a demandé ce week-end. Le premier syndicat français reste opposé à l'instauration d'un âge pivot pour inciter les Français à travailler plus longtemps dès 2022. À la sortie du ministère du Travail, le secrétaire général de la CFDT a indiqué qu'il fallait au préalable que « l'âge pivot soit enlevé du projet de loi » afin de tenir cette conférence. Une piste vers laquelle ne semble pas se diriger l’exécutif.
« Il faut être honnête et dire aux Français qu’ils vont devoir travailler plus longtemps. Il y a une chose dont on ne parle jamais c’est le déficit du fonds de solidarité vieillesse (FSV) qui s’élève à 3,8 milliards d’euros et il pourrait s’aggraver si le gouvernement veut garantir les pensions minimales de 1000 euros net par mois » observe Alain Milon.
« Il n’y a aucune urgence »
« Personne ne s’interdit de réfléchir au financement du régime de retraite. Mais il n’y a aucune urgence. Il n’y a pas de déséquilibre pour l’instant. On peut aussi réfléchir à un nouveau mode de financement qui ne reposerait pas uniquement sur les salaires » objecte Monique Lubin favorable, pour sa part, à l’instauration de cotisations « sur le capital ».
L’exécutif est pourtant bien décidé à aller vite. Édouard Philippe a précisé le calendrier avec la présentation du texte en Conseil des ministres aura lieu dès le 24 janvier puis l’examen en séance publique à l’Assemblée nationale le 17 février pour une durée de deux semaines avant d’arriver au Sénat. Chose suffisamment rare pour être noté, le Premier ministre expliqué qu’une seconde lecture du texte pourrait avoir lieu au Parlement. Son gouvernement a, jusqu’ici, plutôt été friand des procédures accélérées (une seule lecture) pour faire passer ses réformes.
Les sénateurs vont jouer quant à eux les préliminaires avec un débat sur la réforme des retraites à partir de 17H.