4 décès et au moins « 4.500 » cas de Covid-19 parmi les personnels de l’AP-HP, selon Martin Hirsch

4 décès et au moins « 4.500 » cas de Covid-19 parmi les personnels de l’AP-HP, selon Martin Hirsch

L’Assistance publique - Hôpitaux de Paris a pris en charge « 14.000 patients atteints du Covid-19 » depuis le début de la crise, selon son directeur général, Martin Hirsch. « On a été dans des difficultés importantes mais elles ont été surmontées » assure Martin Hirsch. Il rend hommage aux soignants et personnels, nombreux à être contaminés, alors que les masques ont manqué.
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Ça a tenu, mais c’était limite. Après deux mois d’une intensité particulière pour les hôpitaux de l’AP-HP (Assistance publique - Hôpitaux de Paris), pris dans la tempête de l’épidémie de Covid-19, le directeur général de l’établissement public, Martin Hirsch, a fait le point devant la commission des affaires sociales du Sénat.

« On a été dans des difficultés importantes mais elles ont été surmontées »

Les 39 hôpitaux de l’AP-HP se sont retrouvés en première ligne. On compte près de 6.600 décès dus au Covid-19, tous hôpitaux confondus, en Ile-de-France. Ce qui en fait de loin la région la plus touchée par l’épidémie. A ce jour, l’AP-HP a « pris en charge 14.000 patients atteint de Covid-19, et parmi eux, environ 3.000 sont passés par nos unités de réanimation » selon Martin Hirsch. Soit « près de 40% de la prise en charge totale des patients en Ile-de-France ».

« Le moment où nous avons eu le plus de patients en réanimation, c’était à la fin de la première semaine d’avril ». C’est exactement « autour du 31 mars/1er avril », que tout aurait pu basculer. L’AP-HP a frôlé ses limites de capacité, déjà largement augmentées. Cependant, Martin Hirsch « ne pense pas que le nombre de lits de réanimation était un facteur significatif sur la mortalité dans notre région ». « Nous avons pu faire en sorte que notre capacité ne soit jamais dépassée » assure le directeur général, qui ajoute : « On a été dans des difficultés importantes mais elles ont été surmontées ».

Après l’atteinte du plateau, le nombre de patients a diminué doucement. Il reste actuellement « 469 patients encore en réanimation ». « C’est une réduction lente » souligne Martin Hirsch. En parallèle, environ 60.000 patients ont été suivis « à domicile », par télésurveillance, dans une action partagée entre hôpital et médecine de ville. « C’est novateur ».

Mobilisation « remarquable » des équipes

Mais alors que l’épidémie est arrivée dans un hôpital en crise et en grève, la situation a pu être traversée grâce à la mobilisation « remarquable » des équipes, mais aussi à des horaires à rallonge. Des renforts d’étudiants et de retraités sont venus compléter le dispositif.

Paradoxalement, « tout le monde considère que ce mode de fonctionnement était assez proche de l’idéal, avec une mobilisation de tous, avec des objectifs définis, très simples ». A l’avenir, le patron de l’AP-HP plaide pour plus de souplesse.

4 morts et au moins 4.500 cas de Covid-19 parmi les personnels de l’AP-HP

Les personnels de l’AP-HP, soignants mais pas seulement, ont été évidemment touchés par le virus. Les hôpitaux ont été aussi des lieux de contamination dans cette épidémie. Pour le moment, le bilan s’élève à « 4 décès » parmi les salariés de l’AP-HP et « 4.500 personnels » positifs au Covid-19, selon le directeur général, sur un total de 100.000 salariés (voir la première vidéo). Mais Martin Hirsch prévient : « La sérologie mettra en évidence que le nombre de personnes en contact avec le virus, sans être symptomatiques, sera beaucoup plus élevé », « on va trouver un nombre de personnes supérieur ».

Dans ces conditions, « la souffrance a existé chez tous ceux qui ont été au front » souligne Martin Hirsch. C’est pourquoi l’AP-HP « a mis en place une ligne d’écoute avec psychiatres et psychologues ». Le directeur général rend au passage « hommage aux équipes de psychologues qui sont allés dans les services pour apporter leur aide ».

Pour que le personnel puisse « se reposer quelques jours » au mieux, il « souhaite une dérogation pour qu’ils puissent faire plus de 100 km ».

« Tensions » sur les masques, les blouses et les visières pendant l’épidémie 

La contamination des soignants s’explique d’autant plus par le manque de matériels de protection dans les premières semaines de la crise. On pense bien sûr aux masques, mais pas seulement. Au moment où l’épidémie a pris de l’ampleur, l’AP-HP était armée d’« à peu près 2,5 millions de masques disponibles, entre les chirurgicaux et les FFP2 ». D’une consommation habituelle de « 10 à 15.000 masques par jour, nous sommes passés à un rythme de consommation de 190.000 masques chirurgicaux par jour et 45.000 FFP2 par jour ». Or « nous avons été confrontés à des stocks qui diminuaient, car nos approvisionnements traditionnels se tarissaient », au point « de se retrouver à craindre d’être en difficulté ». L’AP-HP a dû « avoir une prescription stricte du masque », alors que son usage était censé augmenter…

« Tensions » sur les masques, les blouses et les visières à l'AP-HP pendant l’épidémie de Covid-19, rappelle Martin Hirsch
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Et le masque n’était pas le seul problème. « Il y a beaucoup de sujets où nous avons pu avoir des tensions », comme « sur les blouses, les visières ». Des imprimantes 3D ont cependant permis de faire « des milliers d’objets » nécessaires aux hôpitaux. Côté médicaments, c’était très tendu aussi. « Il nous est arrivé d’être à deux ou trois jours de stocks mais jamais à zéro stock » précise le directeur général.

« Les hôpitaux doivent avoir la responsabilité des stocks de masques »

Concernant les masques, que pense Martin Hirsch dû changement de doctrine opéré en 2011 puis 2013, qui a entraîné une différence entre stocks stratégiques, conservés par l’Etat, et stocks tactiques, à la charge des hôpitaux, dont les finances sont limitées ? C’est ce choix qui a conduit la France à affronter l’épidémie avec très peu de masques en réserve.

Si Martin Hirsch pense « qu’il faut avoir une discussion plus générale sur l’avenir des stocks stratégiques et qui fait quoi », le directeur général de l’AP-HP ne semble pas remettre ce choix en cause pour les hôpitaux. « Je ne pense pas que les hôpitaux doivent être responsables des stocks grand public. Mais les hôpitaux doivent avoir la responsabilité des stocks pour les professionnels et ne pas dépendre de circuits compliqués » estime-t-il.

Couac sur l’essai du Tocilizumab : Martin Hirsch renvoie la responsabilité sur les « scientifiques »

Plusieurs sénateurs ont interrogé le patron de l’AP-HP sur un épisode dont il se serait certainement bien passé. Le 30 avril dernier, le comité scientifique indépendant chargé de suivre un essai clinique sur le Tocilizumab a démissionné en bloc – du jamais vu – après la publication d’un communiqué trop précoce sur les résultats, dénonçant aussi des changements de critères en cours de route. Le communiqué de l’AP-HP affirmait que le médicament « améliorait significativement le pronostic des patients » sévèrement atteints par le Covid.

Martin Hirsch, qui avait lui-même évoqué ces résultats, explique que « face à des résultats prometteurs, il y a eu un dilemme chez les scientifiques ». Fallait-il attendre ou pas pour en parler ? « Ce n’est pas moi qui ai pris l’initiative » de communiquer, assure-t-il, « les scientifiques ont tranché entre eux ». Mais le comité « était de l’autre côté de la balance », autrement dit, il ne souhaitait pas de communication, « et en a tiré les conséquences en démissionnant ». Depuis, un nouveau comité a été « reconstitué », ouvert « à des étrangers, en raison des querelles franco françaises »… Pour la prochaine communication, l’AP-HP attendra que les résultats soient plus sûrs et validés, « pour ne pas reproduire ce type de réaction ou de colère ».

Cette communication avait particulièrement étonné dans le milieu. Un médecin, cité par le Canard enchaîné qui a révélé l’affaire, s’étonnait pour le moins. « Le Tocilizumab est un médicament du laboratoire Roche vendu plus de 800 euros la dose. On ne peut pas se permettre de communiquer avant d’avoir des résultats solides », estimait ce praticien dans l’hebdomadaire. Un autre, toujours dans le Canard Enchaîné, voit dans cet épisode une « course à l’échalote » qui a poussé « Hirsch et les mandarins qui conduisent l’essai » à « dégainer les premiers et rester dans l’Histoire comme ceux qui ont trouvé le traitement ». Toute ressemblance avec l’hydroxychloroquine serait, bien sûr, purement fortuite...

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