Covid-19 : le CSA va réunir les chaînes d’information pour tirer les « enseignements » de la couverture de la crise

Covid-19 : le CSA va réunir les chaînes d’information pour tirer les « enseignements » de la couverture de la crise

Le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel, Roch-Olivier Maistre, a été auditionné par les sénateurs, dans le cadre d’une audition habituelle annuelle. Plusieurs sénateurs ont mis en avant des problèmes identifiés sur les antennes des chaînes d’information en continu.
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Repoussée pour cause de renouvellement de la moitié du Sénat cet automne, la traditionnelle audition annuelle du président du Conseil supérieur de l’Audiovisuel (CSA) au Sénat s’est tenue ce 15 décembre, devant les membres de la commission de la Culture, de l’Education et la Communication du Sénat. Interrogé sur son bilan annuel, les grands chantiers en cours, les mutations du secteur, son président Roch-Olivier Maistre a également été très sollicité sur le comportement des chaînes d’information en continu, dont le rôle a été questionné dans le contexte de pandémie.

« On a vu ces derniers mois une certaine dérive de chaînes d’information qui se sont transformées en chaînes de débat, où opinion valait un fait, et où un fait était présenté comme une opinion. Des prises de parole se sont avérées désastreuses pour la santé publique », a ainsi reproché le sénateur EELV de Lyon Thomas Dossus. « Quels outils y a-t-il pour faire revenir un peu de raison sur ces chaînes d’information ? » Le centriste Michel Laugier a quant à lui rappelé le cas de deux professionnels de santé qui s’interrogeaient le 1er avril, sur LCI, sur l’opportunité de réaliser des essais cliniques en Afrique. La chaîne avait écopé d’un rappel à l’ordre. « Il y a eu beaucoup de saisines », se souvient Roch-Olivier Maistre.

« Chaque fois qu’un éditeur manquera à ses obligations, le CSA utilisera les outils qui sont à sa disposition »

Le président du CSA a indiqué aux sénateurs qu’il allait réunir l’ensemble des grandes chaînes de télévision (y compris les chaînes d’information en continu) avec les rédactions, pour « tirer les enseignements de cette année particulière ». Roch-Olivier Maistre, qui a d’ailleurs consulté le professeur Delfraissy (président du Conseil scientifique) pour avoir sa lecture sur la couverture médiatique de la crise sanitaire, a notamment souligné que la campagne de vaccination allait constituer un rendez-vous important l’an prochain. Il a rappelé que les chaînes étaient tenues de délivrer « une information honnête, avec des points de vue équilibre ». « Chaque fois qu’un éditeur manquera à ses obligations, le CSA utilisera les outils qui sont à sa disposition. »

Questionné longuement par le sénateur socialiste David Assouline sur l’efficacité de la réponse visant CNews, qui a relevé des « interventions à caractère racistes » d’Éric Zemmour, le président du CSA a affirmé que le régulateur était intervenu « sans ambiguïté », et ce, à plusieurs reprises, avec une mise en demeure dès 2019. « Nous avons été amenés à saisir le procureur de la République, une première pour le CSA », a insisté le Président de l’autorité. « Chaque fois qu’un manquement sera caractérisé, le CSA interviendra, avec gradation […] Ce propos vaut pour toutes les chaînes », a-t-il précisé.

En reconnaissant que les procédures pouvaient être perçues comme « lentes », le président du CSA a expliqué que son action s’inscrivait dans le champ des libertés publiques. « Il y a des précautions à prendre : respect du contradictoire, cadre procédural posé par la loi […] Nous sommes garants de la liberté de communication et de la liberté éditoriale des éditeurs. La loi, dans sa sagesse, a posé des limites », a-t-il rappelé.

L’écologiste Thomas Dossus a par ailleurs évoqué le cas de « multirediffusions » d’interviews politiques identiques à la suite, la nuit, pour rétablir un équilibre du temps de parole. Le site Arrêt sur Images avait notamment relevé neuf diffusions successives d’une intervention du Vert Yannick Jadot durant la nuit du 20 au 21 novembre. Attaché à la « diversité des points de vue », Roch-Olivier Maistre a rappelé que la loi posait le principe d’un « respect du pluralisme des courants de pensée et d’opinion ». Il a considéré que les émissions de débat, avec la présence d’éditorialistes, aux opinions très marquées, posaient un « sujet plus délicat ». « On est en droit de rappeler à ces chaînes, à ces éditeurs – et le CSA ne manquera pas de le faire – on doit retrouver une pluralité de points de vue », a-t-il prévenu.

Fini le « CSA de Papa »

Si le projet de loi de réforme de l’audiovisuel a disparu de l’agenda à cause de la crise sanitaire, les chantiers ne manquent pas pour le régulateur. Roch-Olivier Maistre note d’ailleurs que le cadre juridique du secteur sera amené à s’adapter, pour tenir compte des nouveaux enjeux actuels. « A nos yeux, d’autres évolutions de nature législative nous apparaissent indispensables, au regard des évolutions du paysage », a-t-il indiqué devant son auditoire composé de législateurs. Malgré ce retard dans la réforme tant attendue, l’autorité, qui a soufflé sa 30e bougie l’an dernier, continue d’accompagner les chantiers techniques (modernisation de la TNT et radio numérique) et installe de nouvelles missions. Il s’apprête par exemple, avec la transposition prochaine de la directive européenne SMA à étendre sur champ d’intervention sur les grandes plateformes vidéo étrangères.

La question des réseaux sociaux est aussi un champ d’intervention en pleine ascension. Depuis la loi 2018 contre les fake news, le CSA scrute par exemple les actions entreprises par les opérateurs pour lutter contre la propagation de fausses informations. L’une des rares dispositions de la loi Avia, qui n’ait pas été censurée par le Conseil constitutionnel, a aussi installé un observatoire de la haine en ligne. Il est installé auprès du CSA. Ces nouvelles formes de régulations « représentent une part très singulière » de l’activité du Conseil, selon Roch-Olivier Maistre. « Le régulateur continue sa mue. Ce n’est plus le CSA de Papa, des premières années. Il a épousé son époque », résume-t-il. Le CSA se tient également prêt, pour les conséquences du DSA (Digital Services Act) de la Commission européenne ou encore le projet de loi confortant les principes républicains, qui risquent de le concerner.

La naissance d’un régulateur « renforcé », avec la fusion du CSA et de la HADOPI, pour lutter contre le piratage, reste aussi l’un des grands enjeux des années à venir.

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