Olivia Grégoire demande aux fournisseurs d’énergie des « prix raisonnables » pour les PME

Olivia Grégoire demande aux fournisseurs d’énergie des « prix raisonnables » pour les PME

Face aux sénateurs, Olivia Grégoire a eu un nouvel aperçu du climat d’angoisse que vivent les petits chefs d’entreprise devant la perspective d’une flambée des factures d’énergie. À la veille d’un rendez-vous à Bercy, la ministre chargée des PME a appelé les énergéticiens à la modération, tout en ouvrant la voie à une extension du bouclier tarifaire pour de nouvelles catégories d’entreprises.
Guillaume Jacquot

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En l’espace de moins d’un an, l’explosion des prix de l’énergie s’est hissée comme l’un des principaux sujets de préoccupation des chefs d’entreprise, sinon comme le premier. Ces inquiétudes de plus en plus nourries ont irrigué les questions des sénateurs de la commission des affaires économiques et de la délégation aux entreprises, lors de l’audition de la ministre chargée des petites et moyennes entreprises (PME), du commerce, de l’artisanat, et du tourisme, Olivia Grégoire, ce 4 octobre 2022.

La ministre sera d’ailleurs une fois encore dans le vif du sujet dès ce mercredi matin, lorsqu’elle s’entretiendra, avec les autres ministres de Bercy, avec les fournisseurs, dans l’espoir de trouver des « mesures pouvant être mises en œuvre rapidement ». « On a une charte d’engagements, qui va être discutée, qui va être signée. Je pense qu’on peut obtenir quelques avancées. » Face à des sénateurs porteurs de l’inquiétude des entreprises de leurs circonscriptions, Olivia Grégoire a fait savoir qu’elle attendait un geste de la part des énergéticiens. « Nous attendons des prix raisonnables et raisonnés », a-t-elle résumé. Elle souhaite aussi de meilleurs échéanciers, pour étaler le paiement des factures renchéries par la crise énergétique. De quoi « donner un peu de souffle à nos TPE-PME ».

Sur le front des dispositifs gouvernementaux, la ministre chargée des PME s’est dite « attentive aux remontées du terrain », et prête, « le cas échéant » à « encore adapter » la réponse de l’État. Bercy planche actuellement sur un élargissement du bouclier tarifaire pour les professionnels. Actuellement, seules les plus petites entreprises, celles qui ont un chiffre d’affaires inférieur à 2 millions d’euros et qui ont moins de 10 salariés, sont protégées par les tarifs régulés de vente (TRV). Comme pour les ménages, la hausse sera donc contenue à 15 % l’an prochain.

À l’heure qu’il est, seulement 1,5 million de très petites entreprises sont concernées par ce filet de sécurité, quand la France compte près de 4 millions de PME. « Nous essayons de créer les conditions pour que davantage d’entreprises soient couvertes par un mécanisme analogue […] On se bat sur l’idée d’une extension ou d’un accompagnement plus large, de type TRV, qui pourrait aller jusqu’à nos PME », a détaillé la ministre. Selon elle, le gouvernement bataillera en faveur de cette idée lors du sommet européen des 6 et 7 octobre à Prague. « On va finir par trouver une solution. La détermination du gouvernement est totale sur ce sujet. »

« Les chefs d’entreprise attendent avec angoisse le moment où ils vont devoir renégocier leur contrat d’énergie »

Au sein du Sénat, les attentes en faveur d’un système plus large de protection des entreprises sont fortes. « Beaucoup d’entreprises passent à travers les mailles du filet », s’est inquiétée Martine Berthet (LR). « Pour l’ensemble de nos entreprises, la question du retour au tarif réglementé pour deux ou trois ans, pour passer la crise, est posée », a considéré le sénateur communiste Fabien Gay.

L’audition a aussi été l’occasion pour les sénateurs et la représentante du gouvernement de se pencher sur l’épineuse question des contrats d’électricité qui arrivent à échéance. « Je croise tous les jours des chefs d’entreprise qui attendent avec angoisse le moment où ils vont devoir renégocier leur contrat d’énergie avec leur fournisseur », a témoigné Olivia Grégoire. Alain Chatillon (LR) a ainsi pris l’exemple de deux entreprises implantées dans sa région, « menacées par EDF si elles ne signent pas d’ici une semaine un contrat, qui est grosso modo cinq fois le prix de l’année en cours ». Ces chiffres illustrent ce que le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire déplorait il y a quelques jours à savoir : certains énergéticiens « ne jouent pas suffisamment le jeu avec leurs clients, notamment les PME ».

Que faire dans cette situation ? Son collègue Daniel Laurent (LR) a affiché son scepticisme vis-à-vis du conseil adressé par le chef de l’État le 22 septembre au sujet des nouveaux contrats « à des prix fous ». « Ne les signez pas aujourd’hui », avait recommandé Emmanuel Macron au micro de BFMTV. « En pratique, c’est plus compliqué pour les PME qui ne font pas le poids pour peser », observe le sénateur. « La cacophonie gouvernementale ne facilite pas ce type de décision », a même ajouté le sénateur PS Serge Mérillou. « Emmanuelle Wargon, présidente de la Commission de régulation de l’énergie, s’est montrée moins catégorique en expliquant qu’en réalité certaines entreprises avaient tout intérêt à signer les contrats proposés, au risque de se retrouver sans contrat en janvier ! »

« Polyphonie »

« Je ne suis pas sûre que ce soit de la cacophonie. Il peut arriver dans ces moments qu’il y ait un peu de polyphonie », a concédé Olivia Grégoire, qui préconise une voie intermédiaire entre la parole présidentielle et les avertissements de la CRE d’Emmanuelle Wargon. Si le dossier n’est pas à trois jours près, la ministre a suggéré d’attendre les conclusions du sommet européen de vendredi, sur lequel la France « a beaucoup d’espoirs ». Et pour les situations d’urgence, elle a rappelé que le médiateur de l’énergie intervenait sur certaines renégociations, « pour vérifier le caractère non abusif des offres ». La ministre a même signifié que son cabinet pourrait apporter son aide sur certains dossiers, une offre que les parlementaires ne laissent généralement pas passer. « Ça n’est pas forcément un appel à me transférer toutes les TPE-PME de vos circonscriptions qui renégocient », a-t-elle souri.

Les préoccupations de certaines filières ont également été relayées. « Les boulangers, après avoir subi de nombreuses hausses de matières premières, subissent les cours de l’énergie. On sent vraiment de très grandes difficultés apparaître », a relayé le sénateur Franck Menonville (Les Indépendants). Cette problématique constitue un « vrai sujet », puisque certaines sont exclues des tarifs réglementés a reconnu la ministre, qui doit recevoir la profession le 18 octobre. « Il faut qu’on trouve des solutions pour celles qui sont le plus exposées. »

À l’approche de la saison hivernale, les parlementaires des régions montagneuses craignent aussi le pire pour les stations de ski et les remontées mécaniques, et indirectement, des conséquences en cascade sur le tissu économique local en cas de graves difficultés. « L’énergie pourrait représenter à la fin de la saison 20 % de leur coût, contre 2 à 5 % actuellement », a alerté Sylviane Noël, sénatrice centriste de Haute-Savoie. Olivia Grégoire a assuré que les stations étaient éligibles au plan résilience et qu’il restait à résoudre les structures gérées en régies, un sujet qui n’est « pas encore résolu ». « Je ne suis pas du genre à laisser la poussière sous le tapis », s’est engagée l’ancienne députée.

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