Gestion de la Covid-19 : quelles leçons tirer de Taïwan et de la Corée du Sud ?
La gestion de l’épidémie de Covid-19 par la Corée du Sud et Taïwan a permis à ces deux pays d’endiguer drastiquement le nombre d’hospitalisations et de décès. Auditionnés par la commission d’enquête du Sénat sur la gestion de la pandémie, les représentants des deux pays reviennent sur les différences de méthode.

Gestion de la Covid-19 : quelles leçons tirer de Taïwan et de la Corée du Sud ?

La gestion de l’épidémie de Covid-19 par la Corée du Sud et Taïwan a permis à ces deux pays d’endiguer drastiquement le nombre d’hospitalisations et de décès. Auditionnés par la commission d’enquête du Sénat sur la gestion de la pandémie, les représentants des deux pays reviennent sur les différences de méthode.
Public Sénat

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Quelles leçons tirer de la gestion de la pandémie par la communauté internationale ? C’est la question que s’est posée, ce mercredi, la commission d’enquête d’évaluation des politiques publiques face aux pandémies, en se penchant particulièrement sur la situation en Corée du Sud et à Taïwan. Présidée par René-Paul Savary (en l’absence d’Alain Milon), la commission d’enquête a auditionné tour à tour les représentants français et ressortissants de ces deux Etats, pour tenter d’établir la feuille de route suivie par ces derniers, et la différence de méthode avec la France. Car, huit mois après le début de la pandémie de Covid-19, la Corée du Sud et Taïwan présentent tous deux un bilan du nombre de morts et de personnes placées en service de réanimation du fait de l’épidémie bien moins élevé que la France.

« Le premier cas confirmé a été rapporté au mois de janvier en Corée du Sud, mais la situation s’est dégradée fin février, avant que nous ne devenions le deuxième pays le plus contaminé après la Chine », relate l’ambassadeur de Corée du Sud en France Jong Moon Choi. « Le bilan s’élève aujourd’hui à 21 500 cas confirmés, et 342 décès dans un pays qui compte 50 millions d’habitants. » « Pour Taïwan, qui compte 24 millions d’habitants, le bilan en termes de morts s’élève à 7 personnes, et les hospitalisations à 13 », soutient, pour sa part, le représentant de Taïwan à la commission d’enquête Wu Chih-Chung. En France, les derniers chiffres Santé Publique France, ce mardi 8 septembre, comptabilisaient un total de 30 764 décès, et 2088 nouvelles hospitalisations sur les sept derniers jours, dont 358 en réanimation. Et, contrairement à la France, ni la Corée du Sud, ni Taïwan n’ont eu recours au confinement généralisé.

Une réaction rapide et l’absence de pénurie de masques

Covid-19: comment la Corée du Sud gère l'épidémie?
04:30

 

Une différence de bilan qui s’explique par plusieurs éléments. D’abord, comme le précisent les intervenants, la Corée du Sud et Taïwan sont des pays qui ont déjà dû faire face, à plusieurs reprises, à des épidémies de grande ampleur depuis les années 2000, avec le SRAS en 2003, ou le virus H1N1 en 2009. « Un des atouts de la Corée du Sud a été l’existence antérieure d’une véritable structure d’état-major activée au moment de la crise, avec un plan d’escalade pré établi à cette occasion », analyse l’ambassadeur de France en République de Corée Philippe Lefort. « C’est un modèle militaire qui repose sur le renseignement, l’analyse, le commandement et les chefs d’exécution ». 430 personnes étaient mobilisées dans le cadre de cette procédure exceptionnelle, en période de pandémie. Un effectif plutôt réduit, mais suffisant selon les représentants coréens. « C’est ici une organisation, plus qu’une accumulation de moyens qui a prouvé son efficacité », résume Philippe Lefort.

À Taïwan, le constat est sensiblement le même. « Les leçons tirées des épidémies auxquelles nous avons eu à faire face dans le passé nous ont permis d’être efficaces, en activant le centre commandement central des épidémies dès le 20 janvier 2020, avec toutes les ressources du gouvernement, y compris la possibilité de mobiliser l’armée », résume Wu Chih-Chung. Autre atout de la République de Corée et de Taïwan : l’absence de pénurie de masques sur leur territoire pendant la crise sanitaire. « Nous avons acquis une indépendance rapide dans la production de masques, en réquisitionnant et supervisant dès le 31 janvier l’installation de 92 chaînes de production supplémentaires, pour passer d’une production quotidienne de 2 à 23 millions de masques », détaille Wu Chih-Chung.

 

Covid-19: "Taïwan ne s'est jamais confinée"
06:27

Autre aspect souligné : l’importante collaboration entre gouvernement et collectivités territoriales. « Dans cette crise, rien n’aurait été possible sans la collaboration des citoyens, et des collectivités territoriales », soutient Jong Moon Choi. Une collaboration conditionnée, selon lui, à une transparence de la part du gouvernement coréen. « Dans la lutte contre le virus, le mot-clé a été la transparence, qui a libéré la population. Les Coréens étaient informés au jour le jour par le gouvernement des dernières évolutions de l’épidémie », précise le diplomate.

Une politique de traçage et des confinements individuels sanctionnés en cas de non-respect

Mais l’un des principaux éléments de la gestion de crise des deux pays est le traçage, pour remonter la chaîne de contamination. « Une loi, votée en 2015, a permis de mettre en place un protocole d’urgence articulé autour des 3 T : Test, Traçage et Traitement », détaille Jong Moon Choi. « Nous avons d’abord facilité l’accès aux tests de dépistage, en mobilisant 600 centres privés pour permettre la tenue de 40 000 tests par jour. Les cas confirmés étaient ensuite étroitement suivis par le centre coréen de contrôle, qui avait accès à leurs déplacements, au moyen d’outils numériques variés, avec notamment un traçage GPS par les téléphones et cartes bancaires. » Des mesures largement soutenues par les Coréens, selon l’ambassadeur, qui précise que les informations étaient détruites après leur utilisation.

À Taïwan, une politique de traçage similaire a été mise en place, et les personnes contaminées par le virus se voyaient forcée d’effectuer une quatorzaine à l’isolement complet (sans possibilité de voir leur famille) et surveillées par un système de traçage GPS, sous peine de six mois de prison ferme assortis d’une amende de 30 000 euros. « Le bilan de Taïwan tient avant tout à l’anticipation. Traumatisée par l’épidémie de SRAS de 2003, la population était totalement confiante envers le gouvernement et s’est pliée aux règles », analyse le diplomate Jean-François Casabonne-Masonnave.

 

Partager cet article

Dans la même thématique

Capture
5min

Politique

Un accord de libre-échange entre la Chine et l'Union européenne serait "extrêmement dangereux" pour cette eurodéputée

Scandale Shein, restrictions sur les terres rares, déferlement d'exportations sur le Continent : ces dernières semaines ont fourni aux européens de nombreux motifs d'inquiétude dans leur relation avec Pékin. Alors que Donald Trump a scellé un accord d'un an avec le président Xi Jin Ping, l'UE semble sur le banc de touche. Un sursaut est-il possible ? Ou bien sommes-nous condamnés à rester à la remorque de la Chine ? Débat dans "Ici l'Europe" avec les eurodéputés Sandro Gozi (Renew, France) et Estelle Ceulemans (S&D, Belgique).

Le

Photo Cazeneuve
11min

Politique

Attentats du 13 novembre 2015, le récit de Bernard Cazeneuve : « Très vite, on a conscience que nous sommes confrontés à une attaque de grande ampleur »

ENTRETIEN - Dix ans après les attentats de Paris et de Seine-Saint-Denis, qui ont coûté la vie à 130 personnes, l'ancien ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, revient auprès de Public Sénat sur cette nuit de terreur, et la gestion de crise aux côtés du Président de la République et du Premier ministre.

Le

Gestion de la Covid-19 : quelles leçons tirer de Taïwan et de la Corée du Sud ?
3min

Politique

« Il n’y a aucune délinquance dans les écoles de musique », affirme le chef d’orchestre Jean-Claude Casadesus

Il est sans conteste le maestro français le plus célèbre de sa génération. A 92 ans, Jean-Claude Casadesus continue de remplir les plus belles salles du monde sans jamais renier son attachement à la région du Nord. Lui qui a créé puis dirigé l’orchestre national de Lille, s’est engagé toute sa vie pour rendre la musique classique accessible à tous. Invitée de Rebecca Fitoussi dans Un monde, Un regard, Il revient sur son immense carrière marquée par la passion et le partage.

Le

Paris: Senate pension debat
6min

Politique

Retraites : la gauche du Sénat désunie sur la suspension de la réforme

A partir du 19 novembre, le Sénat examinera en séance publique le projet de loi de financement de la Sécurité sociale et sa mesure phare : la suspension de la réforme des retraites. Une concession du gouvernement faite au PS qui n’a aucune chance d’être adoptée à la haute assemblée à majorité de droite. Les socialistes ne devraient également ne pas être suivis par les communistes et écologistes sur le vote de cette mesure.

Le