« Gilets jaunes » au Sénat : « Macron et son monde, on n’en veut plus »

« Gilets jaunes » au Sénat : « Macron et son monde, on n’en veut plus »

Une dizaine de « gilets jaunes » étaient invités au Sénat à l’initiative de deux sénateurs du groupe communiste, Guillaume Gontard et Esther Benbassa. Pouvoir d’achat, réforme des institutions, violences policières, crise de la représentation et surtout rejet violent d’Emmanuel Macron sont ressortis des échanges.
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À peine arrivée au Palais du Luxembourg, la dizaine de « gilets jaunes » est immédiatement confrontée aux codes des assemblées parlementaires. Ils sont priés par les huissiers de la haute assemblée de laisser leurs gilets à l’entrée. « Il y en a qui finiront dans la honte de la trahison » grince Christophe sous ses lunettes Ray Ban et qui prédit un « bain de sang » pour samedi prochain.

C’est la sénatrice écologiste, rattachée au groupe CRCE ( à majorité communiste), Esther Benbassa à l’origine de l’invitation qui se charge de l’accueil de ses hôtes de l’après-midi. « Ne craignez rien, vous êtes avec moi ».

C’est le samedi 1er décembre, lors de la manifestation que la sénatrice a convié 11 personnes, homme et femmes (étudiant, infirmière, retraité, graphiste….) à venir échanger le temps d’une demi-journée avec les élus. « J’étais avec des potes et elle a déboulé. On a discuté et elle m’a invité à venir » raconte Valérie une graphiste de Seine-Saint-Denis.

« On peut refuser que BFM soit là ? »

Esther Benbassa, accompagnée d’un autre sénateur de son groupe Guillaume Gontard, les conduit dans une salle de la commission des lois pour commencer les échanges. Sur le chemin, une femme s’agace. « On peut refuser que BFM soit là ? Ils vont encore déformer nos propos ». Dans les couloirs, les administrateurs sont attentifs à ce qu’aucun ne s’égare.

Une table ronde prend forme dans la salle. « Gilets jaunes », sénateurs, collaborateurs parlementaires, et mêmes journalistes, chacun est prié de se présenter avant que les discussions ne débutent. Parmi les autres élus présents, Marie-Pierre de la Gontrie (PS), Eric Kerrouche (PS), Sophie Taillé-Polian (Génération.s), Ronan Dantec (écologiste), Éliane Assassi (communiste), Céline Brulin (communiste) ou encore Sophie Joissains (centriste).

« Ce petit banquier gouverne mal »

« La condition de votre venue était que vous enleviez vos gilets, mais moi je vous vois avec vos gilets » précise Esther Benbassa en guise d’introduction. Chez les gilets jaunes, certains ont préparé un texte, d’autres évoquent leurs difficultés au quotidien et d’autres encore racontent leur expérience du mouvement qui ne fait que prendre de l’ampleur depuis presque quatre semaines. Une chose ressort chez tous, le rejet viscéral du chef de l’État. « Macron et son monde on n’en veut pas. On n’en veut plus. Ce petit banquier gouverne mal ».

« Je serais plus riche si je touchais le RSA »

Le pouvoir d’achat occupe une grande partie des débats. Sophie a quarante ans, mère célibataire et « a offert 200 heures supplémentaires à l’État ». « C’est pour ça que j’ai fait le choix de partir dans le privé ». Eric, 31 ans de Melun, est maraîcher au chômage et gagne 670 euros par mois. « Heureusement que je vis chez mes parents qui sacrifient beaucoup de leur salaire pour m’entretenir ». Gwenola, aide maternelle, est mère de cinq enfants dont 4 à charge. « Je serais plus riche si je touchais le RSA et restais à la maison mais je ne veux pas donner cet exemple à mes enfants ».

« Les pompiers sont venus à condition qu’on enlève nos gilets »

Loin d’être démobilisée en vue de samedi prochain, la délégation de gilets jaunes a toutefois été très choquée par les violences policières des précédentes semaines. « On se croirait en Libye » compare Tiphaine. « Samedi dernier, j’ai vu un homme avec le crâne fendu. Je lui ai appliqué un pansement compressif. Mais quand j’ai appelé les pompiers et dit qui nous étions et où nous étions, ils ont dit qu’ils ne pouvaient pas venir. Un pharmacien les a appelés pour nous et cette fois-ci les pompiers ont dit d’accord. À condition qu’on enlève nos gilets jaunes. »

Eric, qui se dit d’extrême gauche a trouvé « très beau de pouvoir se retrouver avec l’extrême droite ». Même si on n’est pas d’accord sur tout ». « Quand je vois des jeunes de cités brûler des sapins et piller des magasins de luxe. Je dis que c’est tant mieux. Parce que c’est une fête mercantile ».

« Le Sénat ça sert surtout à recaser ceux qui ont été battus aux législatives »

Les institutions en prennent aussi pour leur grade. La plupart sont pour une VIe République. Ils veulent le droit de vote des étrangers qui travaillent en France à toutes les élections. Fabien, un étudiant de Sciences Po, originaire du Pas-de-Calais qui a voté Jean-Luc Mélenchon au premier tour, voudrait que le Sénat soit composé pour moitié de personnes tirées au sort. « Parce qu’actuellement, ça sert surtout à recaser ceux qui ont été battus aux législatives ». Il s’oppose aussi farouchement à la hausse des droits d’inscription des étudiants étrangers.

Et les sénateurs dans tout ça, que peuvent-ils faire ? « Demain, il y a un débat au Sénat en présence du Premier ministre, nous pouvons reprendre, à notre manière, certaines de vos doléances » propose Sophie Taillé-Polian. « Toutes les bonnes idées, tout ce qui se passe de bien sur le territoire se fait à côté de l’État » se désole le sénateur Guillaume Gontard. Valérie, la graphiste, accuse les parlementaires de gauche de ne pas vouloir voter la motion de censure du gouvernement « Ce serait déjà un signe quand même ». « Attention aux fake news » la reprend Marie-Pierre de la Gontrie avant d’ajouter : « Je sais qu’on a une image de merde mais on est sincère dans notre engagement ». « Il y a une réforme institutionnelle qui arrive et nous allons nous opposer aux renforcements des pouvoirs du chef de l’État » propose à son tour Eric Kerrouche.

« Nous sommes minoritaires ici (au Sénat) et à part quelques amendements, je n’ai pas eu l’impression d’avoir pu changer les choses. Je suis désespérée comme vous. J’aimerais que le Sénat soit la chambre de la population. Votre lutte mérite d’être dans les institutions » conclut Esther Benbassa

 

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