Le Sénat adopte le budget 2023, après trois semaines de débats et de nombreuses modifications

Le Sénat adopte le budget 2023, après trois semaines de débats et de nombreuses modifications

Les sénateurs ont adopté ce 6 décembre une version sensiblement modifiée du projet de loi de finances pour 2023. Le budget remodelé a toutefois peu convaincu en dehors de la droite et du centre. Beaucoup de sénateurs se sont également interrogés sur le devenir de leurs amendements, en cas de recours probable au 49.3 à l’Assemblée nationale.
Guillaume Jacquot

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Fin du marathon budgétaire au Sénat. À l’issue de trois semaines intenses de discussions, et d’un nombre record de plus de 2 500 amendements examinés en hémicycle, la haute assemblée a adopté le projet de loi de finances, par 197 voix contre 108 (42 abstentions). Les séances, marquées par l’inflation et la crise énergétique, ont cumulé 160 heures de débats, soit la plus longue durée depuis 1995 selon le président du Sénat Gérard Larcher.

Le projet de loi modifié a été approuvé par l’essentiel des membres de la majorité sénatoriale, à savoir les groupes Les Républicains et l’Union centriste. Une majorité de sénateurs du groupe RDSE (Rassemblement démocratique, social et européen) a également eu un vote favorable. Les groupes de gauche (socialistes, écologistes et communistes) ont refusé de soutenir les orientations du budget, mécontents des orientations de la majorité sénatoriale comme de celles du gouvernement. Une partie du Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI), les sénateurs de la majorité présidentielle, et les sénateurs du groupe Les Indépendants (membres d’Horizons notamment) ont pour la plupart choisi l’abstention.

Un texte « largement remanié » par Les Républicains

Dans un communiqué, le groupe LR, majoritaire au Sénat, a estimé que le texte avait été « largement remanié » par ses soins. La droite présidée par Bruno Retailleau se félicite d’avoir « pris en compte les difficultés croissantes des collectivités et des entreprises face à l’inflation », mais également d’avoir proposé 4,5 milliards d’économies. Le groupe prévient toutefois que si les dispositions du Sénat ne sont pas reprises par le gouvernement, il rejettera « tout accord en commission mixte paritaire », ce soir.

Les rares alliés du gouvernement au Sénat n’ont pas apprécié le rejet en séance des budgets de certaines missions, comme sur l’agriculture, le logement ou encore l’immigration.  « À l’issue de son examen au Sénat, le projet de loi de finances pour 2023 est dénaturé », a déploré Didier Rambaud (Renaissance). S’il s’est réjoui de la baisse du déficit lors de la lecture au Sénat, Emmanuel Capus (Horizons) a tenu à rappeler que cette réduction était « en trompe-l’œil ». « Notre budget est amputé de certaines missions. Rejeter ces missions, c’est convenir qu’il y a un problème, mais ça ne dit rien de la solution souhaitée », a-t-il reproché. « Ce n’est pas des toquades que nous aurions. Ce sont des secteurs pour lesquels ce ne sont pas les crédits qui manquent, c’est la réforme, c’est le courage », a défendu le sénateur (LR) Jérôme Bascher.

La gauche dénonce « l’injustice » des orientations du budget

À gauche, les critiques ont été virulentes en direction de la majorité sénatoriale, comme du gouvernement. Le groupe socialiste récuse ce soir un « budget injuste, dogmatique et sans ambition ». Le sénateur Rémi Féraud a estimé que le projet de loi traduisait une volonté de « concentrer les baisses d’impôts sur les entreprises et les Français les plus fortunés ». L’écologiste Daniel Breuiller a, lui, vitupéré contre les choix budgétaires, considérant que les baisses d’impôts étaient privilégiées aux « urgences sociales et écologiques ». Mêmes regrets sur les choix fiscaux, chez les communistes. « Le projet de loi sort du Sénat comme il est arrivé, en matière de taxation du capital », s’est écrié Éric Bocquet, dénonçant « l’union sacrée » de la droite et du gouvernement.

Les centristes, groupe pivot au Sénat, ont rappelé qu’ils souhaitaient, en parallèle d’une limitation du déficit et de l’endettement, trouver de nouvelles recettes. Leur proposition de taxation exceptionnelles sur les plus grands groupes a été rejetée, comme cet été. « À un moment où on demande beaucoup aux Français, comment expliquer que les très grandes entreprises qui accumulent des profits, parfois en raison de la crise actuelle, ne contribuent pas davantage à la solidarité nationale ? » s’est demandé Bernard Delcros (Union centriste).

« Il y aura un 49.3, nul ici ne l’ignore »

Si l’unanimité était très loin d’être atteinte sur la fiscalité, les sénateurs, quelle que soient leurs tendances, se sont retrouvés dans la défense des collectivités locales. Ce n’est que l’ADN de la chambre des territoires. Bernard Delcros a notamment insisté sur l’assouplissement du filet de sécurité, un dispositif d’aide aux collectivités sur le front de l’énergie, qui excluait initialement 40 % d’entre elles. Le Sénat a largement fait tomber les modalités restrictives. « Il semble important que vous conserviez un dispositif simplifié et suffisamment ouvert », a plaidé Bernard Delcros. Le mécanisme d’encadrement des dépenses des collectivités – le « pacte de confiance » – est passé à la trappe.

L’examen au Sénat a également été marqué par un autre coup d’éclat : l’annulation de la suppression d’impôts de production, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Favorable à l’allègement de la fiscalité pesant sur les entreprises, la droite a cependant estimé que les conditions de compensation aux collectivités étaient à revoir.

Lors des explications de vote, rares ont été les groupes à ne pas s’interroger sur la suite de la navette parlementaire, qui se déroulera cette année dans des conditions particulières. « Il y aura un 49.3, nul ici ne l’ignore. Nous ne sommes pas des lapins de Garenne de six semaines », a rappelé Jérôme Bascher. D’où cette question : « Que va-t-il subsister des nombreuses modifications » a par exemple demandé Jean-Claude Requier, le président du groupe RDSE.

Gabriel Attal salue le Sénat pour la tenue des débats et se dit prêt à retenir certains amendements

Gabriel Attal, le ministre des comptes publics, a donné quelques éléments de réponse. « Je crois profondément qu’il restera la marque du Sénat dans le texte qui sera adopté à l’issue de la navette parlementaire. Il y a des amendements très concrets, très importants pour la vie quotidienne des Français », s’est-il engagé. Pour le filet de sécurité par exemple, le gouvernement a entendu le message et se dit prêt à intégrer davantage de communes. Peut-être pas autant que ce souhaitait le Sénat, mais le seuil sera plus haut que le texte initial.

Pour son premier projet de loi de finances, le ministre a tenu à remercier le Sénat pour « sa très grande courtoisie républicaine » et la « très grande écoute mutuelle » qui a caractérisé les dizaines d’heures de séance. « Ça fait du bien », a reconnu le ministre, visiblement apaisé par la différence de décibels d’une chambre à l’autre du Parlement.

Mais après ces quelques compliments, la politique a vite repris le dessus. Gabriel Attal a annoncé que le gouvernement proposerait un rétablissement de la suppression de la CVAE. Rejetée également à l’Assemblée nationale, le communiste Bocquet a estimé que son retour signerait un « casus belli ». Pour autant, Gabriel Attal a promis d’être plus « convaincant » sur les modalités de compensation aux communes, et s’est dit prêt à travailler dans ce sens.

À quelques heures d’une commission mixte paritaire avec les députés, où les chances d’un accord sont très minimes, le rapporteur général Jean-François Husson a souligné que dans le contexte actuel il fallait « prendre garde » et « faire en sorte que le Parlement continue d’être écouté, entendu ». « Notre responsabilité collectivité est importante. On s’apprête, à mon avis, à connaître des temps plus difficiles. Nous devons être aux côtés des Français », a prévenu le sénateur qui, il y a quatre ans, avait vu émerger les prémices du mouvement des Gilets jaunes.

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