Législatives : quelle est la valeur des chartes qu’imposent les partis à leurs candidats ?
Renaissance, les Insoumis ou encore les Républicains. Les candidats investis par ces partis ont une chose en commun. Ils ont dû souscrire à une séries d’engagements listés dans des chartes. Les spécialistes évoquent un « contrat moral » avec le parti, qui fait davantage peser des contraintes politiques que juridiques.

Législatives : quelle est la valeur des chartes qu’imposent les partis à leurs candidats ?

Renaissance, les Insoumis ou encore les Républicains. Les candidats investis par ces partis ont une chose en commun. Ils ont dû souscrire à une séries d’engagements listés dans des chartes. Les spécialistes évoquent un « contrat moral » avec le parti, qui fait davantage peser des contraintes politiques que juridiques.
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Dans une période marquée par la recomposition politique, les principaux partis veulent s’assurer de la loyauté et de l’exemplarité de leurs troupes. Plusieurs partis ont mis en place des chartes à destination des candidats investis aux législatives, avec un certain nombre d’engagements à respecter.

Plusieurs médias ont révélé ces dernières heures la charte des candidats d’Ensemble, la majorité présidentielle. En contrepartie de leur investiture, les candidats doivent respecter 12 engagements. Dès les premières lignes, le document précise par exemple que les personnes investies devront siéger dans l’un des groupes de la majorité présidentielle ou encore se rattacher à Ensemble, dans le cadre du financement de la vie publique. On retrouve ce type de consigne dans la charte de la France insoumise, publiée en novembre. Même mot d’ordre dans celle rédigée par les Républicains début mai. Les candidats LR promettent de siéger « au sein du groupe indépendant constitué par les Républicains à l’Assemblée nationale ».

Ce type de document pose également des engagements éthiques. « Ensemble ! » exige ainsi des appelés de s’abstenir de tout conflit d’intérêts, d’embaucher d’un membre de la famille comme assistant parlementaire ou encore d’occuper un logement social en n’y étant pas éligible. La charte de LFI requiert elle aussi un « comportement exemplaire », lequel passe par le rejet de « tous les propos, comportements et violences racistes, antisémites, LGBTIphobes, sexistes et sexuelles », le combat des « violences sexistes ». Les aspirants députés sont également contraints de « lutter contre toutes les dépenses somptuaires ».

« Respecter scrupuleusement »

Mais c’est essentiellement sur la ligne politique que les chartes ne lésinent pas. Ainsi, le code de bonne conduite des Républicains, au titre équivoque de « charte de clarté et d’indépendance », a pris les devants pour empêcher tout rapprochement d’un de ses futurs députés avec la Macronie. Alors que plusieurs candidats LR ont été approchés par la majorité, la droite trace un cordon sanitaire. Les candidats doivent s’engager « à ne pas candidater sous les couleurs du président de la République, ni à porter son projet de majorité législative ». Le document insiste : les cadres et les parlementaires de demain devront « respecter scrupuleusement » la position adoptée par LR. « Les Républicains sont indépendants et ne sont donc pas solubles dans la majorité présidentielle, ni bien sûr dans les extrêmes. »

La majorité présidentielle se montre également insistante dans sa charte, sur la discipline qu’elle attend de ses membres. Le premier principe donne la couleur : « Les candidats soutiendront l’ensemble des engagements pris par Emmanuel Macron devant les Françaises et les Français. » La charte rentre dans le détail, en citant « l’égalité et la laïcité », les « nouvelles mesures » proposées pendant la campagne, ou encore la transition écologique.

La France insoumise ne se montre pas moins directive. On peut y lire que chaque candidat s’engage à « respecter la discipline de vote du groupe lorsqu’une décision collective a été prise conformément au programme l’Avenir en commun et assurer ainsi la cohésion de groupe qui permet de renforcer la parole de notre mouvement ».

« Un engagement politique et moral », mais la Constitution prime, selon le professeur Jean-Philippe Derosier

Certains internautes se sont interrogés sur la validité de ces chartes, puisque « tout mandat impératif est nul », selon l’article 27 de la Constitution. « C’est un engagement politique et moral, vis-à-vis du parti. Mais évidemment, la règle de l’article 27 reste en vigueur et prime, quel que soit le contenu de la charte. Elles ne peuvent pas s’imposer de manière impérative à un parlementaire, une fois qu’il est élu », met au clair le constitutionnaliste Jean-Philippe Derosier. Ces chartes s’inscrivent donc dans un « registre plus politique que juridique », selon lui. « C’est un outil d’abord aux mains des partis politiques, pour mettre en avant la ligne qu’ils entendent porter. » Spécialiste de la discipline partisane au Parlement, l’enseignant-chercheur Damien Lecomte parle, lui, d’un « contrat moral ».

Cette pratique des chartes n’est pas nouvelle, et la discipline de vote est parfois évoquée dans les statuts des groupes politiques. La France insoumise a déjà expérimenté une charte pour ses candidats en 2017, le jeune mouvement d’Emmanuel Macron aussi. Un mois avant le premier tour des législatives, les candidats ont dû signer un formulaire. Dans cette attestation sur l’honneur, le parlementaire s’engageait à « mettre [ses] compétences et [son] énergie au service de la défense des six grands chantiers dont Emmanuel Macron a fait une priorité dans son Contrat avec la nation ». Juste avant l’espace réservé à la signature, il était précisé que le non-respect de ces règles « pourrait entraîner le retrait » de l’investiture, « voire l’exclusion du mouvement ».

On retrouve une trace de ce type d’exigence dès les débuts de la Ve République. Les députés de l’UNR (Union pour une Nouvelle République) ont été invités à signer en 1958 un « engagement de fidélité », débutant comme suit : « Élu UNR, je confirme solennellement mon adhésion à l’UNR et à son groupe parlementaire. Respectueux du mandat que m’ont confié les électeurs, je m’interdis pendant toute la durée de la législature de m’inscrire à tout autre groupe. Je m’engage à rester fidèle aux objectifs de l’UNR, à soutenir au Parlement et dans ma circonscription l’action du général de Gaulle, à accepter la discipline de vote décidée par la majorité du groupe pour les questions importantes touchant à la vie de la Nation et de la Communauté française, afin de maintenir la cohésion de notre groupe et l’esprit de notre mouvement. »

« Pour LREM, on a une charte assez inédite pour un parti qui se positionne comme centriste », selon le chercheur Damien Lecomte

Damien Lecomte note que les différentes familles politiques n’ont pas exactement la même approche. « Contrairement à ce qu’on pourrait penser, les règles d’unité de vote sont beaucoup plus strictes à gauche que dans les groupes issus du gaullisme et chez les centristes », détaille l’enseignant-chercheur en sciences politiques à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. « Traditionnellement, les partis centristes revendiquent plus souvent cette liberté de vote. Pour LREM, on a une charte très centralisée, assez inédite pour un parti qui se positionne comme centriste. Il y a une dimension très personnalisée, presque une allégeance au président de la République. »

Inversement, le chercheur note que la charte de LFI est « assez cohérente avec la culture de gauche radicale. Dans le mouvement des partis ouvriers, il y a cette notion de règle collective, d’idée que l’on doit être discipliné pour défendre un projet collectif. »

Quelles sont les conséquences pour un député qui ne respecterait pas sa charte ? « Les partis et les groupes politiques n’ont pas tant de moyens disciplinaires que cela. Le maximum qu’ils puissent faire, à part supprimer un temps de parole, l’accès à des rapports et aux postes du Parlement, c’est l’exclure ou l’interdire de toute investiture pour la prochaine élection », explique Damien Lecomte. L’exclusion est « relativement rare ». « Elle n’est presque jamais utilisée pour des raisons politiques, mais pour des raisons de probité et de morale. Exclure quelqu’un, c’est se priver d’un parlementaire qui est désormais à l’extérieur et qui peut faire ce qu’il veut. » S’agissant du groupe LREM dans la mandature qui s’est écoulée, Libération rappelle sur les 48 départs (15 % des effectifs de la majorité), seulement quatre ont été exclus sur décision du parti, « en raison de graves manquements ou divergences insurmontables ». Les autres ont rejoint un autre groupe ou les non-inscrits de leur propre initiative.

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