« Les chiffres sont absolument hallucinants » : la gauche du Sénat s’empare d’un nouveau rapport sur la suppression de l’ISF
Le comité d’évaluation des réformes de la fiscalité a remis son second rapport. Il fait état d’une explosion de la progression des dividendes chez les 0,1 % les plus fortunés, après la suppression de l’ISF et l’abaissement de la fiscalité sur le capital. Deux sénateurs, socialistes et communistes, entendent se servir de ses conclusions, à l’heure du débat sur le budget 2021 et de la progression de la pauvreté.

« Les chiffres sont absolument hallucinants » : la gauche du Sénat s’empare d’un nouveau rapport sur la suppression de l’ISF

Le comité d’évaluation des réformes de la fiscalité a remis son second rapport. Il fait état d’une explosion de la progression des dividendes chez les 0,1 % les plus fortunés, après la suppression de l’ISF et l’abaissement de la fiscalité sur le capital. Deux sénateurs, socialistes et communistes, entendent se servir de ses conclusions, à l’heure du débat sur le budget 2021 et de la progression de la pauvreté.
Public Sénat

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

Le deuxième rapport du comité d’évaluation des réformes de la fiscalité, publié ce 8 octobre, est sans appel. Les réformes du début du quinquennat sur la fiscalité du capital ont eu comme corollaire un enrichissement très marqué des 0,1% les plus fortunés du pays. Réalisé sous l’égide de France stratégie, organe de prospective rattaché au Premier ministre, le rapport note que les dividendes ont augmenté « fortement », de 60% en 2018, pour atteindre en volume 23,2 milliards d’euros. La tendance haussière se poursuit en 2019. « Les 0,1 % de Français les plus aisés sont un quart de fois plus riches que les 0,1 % de 2017 », constate l’étude. « Ce rapport souligne de façon caractérisée et solide : pour les très hauts revenus, le gain est considérable », note le sénateur socialiste Vincent Eblé, ex-président de la commission des finances au Sénat. « Les chiffres sont absolument hallucinants. En une seule année, l’inflexion est énorme. C’est un changement de nature démentiel. »

En 2017, le Parlement avait adopté une suppression de l’ISF (impôt de solidarité sur la fortune) pour le remplacer par un IFI (impôt sur fortune immobilière), centré seulement sur l’immobilier, et avait instauré une « flat tax » ou prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30% sur les revenus du capital, pour se rapprocher des niveaux d’autres pays, et encourager les investissements dans les entreprises.

« Macron est devenu le président des très très riches »

Le comité d’évaluation note de plus, dans son rapport que la concentration de ces revenus tirés du capital est de plus en plus marquée. Si en 2017 0,1% des foyers fiscaux (38 000 personnes) percevait la moitié du total, la part du même groupe est passée aux deux tiers en 2018. Quant aux 0,01% de foyers les plus fortunés (3 800 personnes), leur part est passée dans le même temps d’un cinquième à un tiers. « Macron est devenu le président des très très riches, c’est confirmé », analyse le sénateur communiste Éric Bocquet, membre de la commission des finances du Sénat.

L’élu du Nord s’inquiète de voir l’écart des richesses « continuer à se creuser ». « Une enquête du Secours populaire nous apprend qu’il y a de plus en plus de monde à solliciter l’aide alimentaire, les départements sont assaillis de nouvelles demandes de RSA. La pauvreté s’enkyste dans la société et quelques jours plus tard, on apprend que les riches deviennent encore plus riches », s’indigne-t-il. « C’est une distorsion assez lourde », constate également Vincent Éblé.

« Cela confirme tout à fait ce que nous disions il y a un an »

Comme dans le précédent rapport, le comité se dit « incapable de répondre par oui ou par non à la question de savoir si la réforme de 2018 a eu un impact positif sur l’économie ». Mais il donne déjà des éléments avec l'étude d'une réforme qui allait dans le sens inverse, en 2013, impulsée sous le quinquennat de François Hollande. Celle-ci avait accru l'imposition des revenus du capital, pour les aligner sur le barème de l’impôt sur le revenu. Or, le rapport note que cette réforme n’a pas eu d’effet sur l’investissement vers les entreprises. « Cela confirme tout à fait ce que nous disions il y a un an, c’est même pire que ça », s’exclame le sénateur Vincent Éblé, auteur d’un rapport avec l’ancien rapporteur général du budget au Sénat, le sénateur LR Albéric de Montgolfier. Selon le sénateur de Seine-Marne, la réforme de 2013 s’est traduite par un fléchissement dans la distribution de dividendes, ce qui a amélioré les fonds propres des entreprises.

« Il faut s’emparer de ça pour enfoncer le clou »

À l’approche du débat budgétaire du projet de loi de finances pour 2021, les deux sénateurs de gauche ne comptent pas en rester là, et devraient reposer la question sur la table, comme à chaque PLF. « On va évidemment utiliser ça politiquement », annonce Vincent Éblé. « Le sujet est considérable ». Le groupe socialiste au Sénat pourrait très vite se saisir de cette information pour une prochaine question au gouvernement, dont Vincent Éblé égratigne « une vision absolument idéologique, contredite par les faits. »

« Il faut s’emparer de ça pour enfoncer le clou », estime à son tour le sénateur Éric Bocquet, promettant que son groupe portera encore des amendements pour réintroduire un ISF. « Ce n’est pas un combat d’arrière-garde, c’est une des mesures de nature à donner des moyens pour s’attaquer à la pauvreté. La théorie du ruissellement qu’on nous revend depuis trois ans ne tient pas. »

Partager cet article

Dans la même thématique

SIPA_01129335_000011
6min

Politique

ZFE, ZAN : les sénateurs LR demandent « à être pris au sérieux » sur l’écologie

A l’Assemblée, « le socle commun » se fracture autour du projet de loi de simplification adopté de justesse cet après-midi. Après la suppression des zones à faibles émissions (ZFE) obtenue par LR et le RN, les députés macronistes avaient annoncé qu’ils ne voteraient pas le texte. Au Sénat, la majorité LR dénonce la méthode du gouvernement en matière de transition écologique qui consiste, selon eux, à rajouter « encore plus de contraintes » aux Français.

Le

Francois Fillon tribute to Joel Le Theule, December 11, 2022
2min

Politique

Affaire des emplois fictifs : François Fillon condamné en appel à quatre ans de prison avec sursis et cinq ans d’inéligibilité

La cour d’appel de Paris a revu sa condamnation à la baisse. Après l’avoir condamné en mai 2022 à quatre ans de prison dont un an ferme dans l’affaire des emplois fictifs de son épouse, la Cour de cassation avait estimé que la peine de prison ferme à l’encontre de François Fillon n’était pas suffisamment motivée. Ce mardi, la peine de prison ferme a été soustraite.

Le