Lutte contre le harcèlement scolaire : un rapport du Sénat veut en faire la grande cause nationale de la rentrée prochaine

Lutte contre le harcèlement scolaire : un rapport du Sénat veut en faire la grande cause nationale de la rentrée prochaine

Après le suicide d’une lycéenne, victime de harcèlement scolaire, une marche blanche avait lieu ce week-end à Mulhouse. Au Sénat, une mission d’information a remis une trentaine de recommandations pour « lutter contre ce fléau », notamment un renforcement les obligations des réseaux sociaux.
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Mise en place au mois de mai dernier à l’initiative du groupe Les Indépendants-République et Territoires, la mission d’information du Sénat sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement avait présenté son rapport le 23 septembre. Quelques jours avant le suicide de Dinah, élève de seconde, victime d’un harcèlement opéré par des jeunes filles côtoyées au collège à qui elle avait fait part de son homosexualité.

25 % des collégiens déclarent avoir subi un cyberharcèlement

Le cas de Dinah est loin d’être isolé comme le soulignait le rapport du Sénat.

6 à 10 % des élèves subiraient une forme de harcèlement lors de leur scolarité. 800 000 à 1 million d’enfants en seraient victimes, chaque année. Des chiffres relativement stables lorsqu’on évoque le harcèlement scolaire dit classique, mais en hausse pour ce qui concerne le cyberharcèlement. Le nombre de victimes de vidéos, photos et rumeurs humiliantes était passé de 4,1 % en 2015 à 9 % en 2018 (9,9 % des filles et 8,1 % des garçons), selon les chiffres de la Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO). 25 % des collégiens déclarent avoir connu au moins une atteinte via les nouvelles technologies, et 14 % des lycéens disent avoir fait l’objet d’une attaque sur internet.

La rentrée scolaire 2021 en a d’ailleurs été l’illustration avec l’apparition sur les réseaux sociaux, de hashtags visant les nouveaux élèves de 6e nés en 2010.

Caractérisé par « la stigmatisation de la différence et trop souvent la diffusion de préjugés sexistes, sexuels ou raciaux », le harcèlement dans sa version cyber, crée « un continuum entre l’école et la sphère privée qui amplifie l’aspect de meute et ne laisse plus aucun répit à la victime », constate les sénateurs.

Cyberharcèlement : grande cause nationale de la rentrée 2022/2023

« Nous sommes confrontés à un fléau qui dans sa version cyber, porte atteinte à notre vivre ensemble. Il faut sonner la mobilisation générale », avait appelé la rapporteure de la mission, Colette Mélot (Les Indépendants). L’une de leur première préconisation consiste d’ailleurs à faire de la lutte contre le harcèlement et le cyberharcèlement, la grande cause nationale de la rentrée 2022/2023.

Caractérisé par « la stigmatisation de la différence et trop souvent la diffusion de préjugés sexistes, sexuels ou raciaux », le harcèlement dans sa version cyber, crée « un continuum entre l’école et la sphère privée qui amplifie l’aspect de meute et ne laisse plus aucun répit à la victime », constate les sénateurs.

La mission émet une série de préconisations afin de développer la prévention, comme une meilleure sensibilisation des élèves et des enseignants, mais ne propose pas de créer un délit spécifique de harcèlement scolaire. En effet, en matière de sanctions, le corpus législatif s’est étoffé ces dix dernières années. La loi de 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes fait du harcèlement un délit assorti de circonstances aggravantes, quand il s’opère sur des mineurs de moins de 15 ans et par le biais des réseaux sociaux. En 2018, la loi Schiappa a étendu l’incrimination à la participation en groupe, quand bien même les propos ou comportements ne seraient pas répétés par un seul et même individu. En 2019, la loi pour une école de la confiance, a rappelé et réaffirmé le droit à une scolarité sans harcèlement.

« Les outils existent mais sont peu connus et peu utilisés »

La mère de Dinah a reproché dimanche, au corps enseignant d’avoir « fermé les yeux » sur le drame vécu par sa fille, celle-ci avait reçu des messages comme « ne t’inquiète pas tu vas bientôt mourir », ou « on va t’envoyer des liens sur internet pour que tu puisses crever », après une première tentative de suicide en mars.

« On constate un désarroi du monde éducatif. Deux tiers des enseignants se déclarent démunis face à ce phénomène. Les outils existent mais sont peu connus et peu utilisés. C’est la prise en charge du dernier kilomètre qui fait défaut, en ce qui concerne le suivi des victimes et les sanctions éducatives pour les harceleurs », avait insisté Colette Mélot.

Les numéros dédiés le 3018 et le 3020

Afin de mieux cerner le problème, la mission souhaite que soit mesurer précisément l’ampleur du harcèlement par cycle scolaire et par régions. Un point sur la qualité du climat scolaire devra être fait chaque année, dans chaque académie. Les sénateurs demandent surtout à que les faits de harcèlement remontent systématiquement au niveau de l’académie. « Nous voulons sortir les faits de harcèlement des critères de classement des établissements. Afin de ne pas décourager les remontés d’information », indique Sabine Van Heghe, présidente PS de la mission d’information.

La mission entend « accélérer la prise de conscience » par des recommandations faciles et efficaces à mettre en œuvre. Les numéros dédiés le 3018 et le 3020 doivent être plus visibles dans les établissements et figurer sur les carnets de correspondance. Pour mieux sensibiliser les parents, un « flyer » d’information rappelant le droit existant, les numéros d’appel, ainsi que les sanctions encourues doit être largement diffusé à chaque rentrée.

Les sénateurs souhaitent à tout prix éviter que les victimes de harcèlement soient amenées à quitter l’établissement et préconisent pour les enfants harceleurs des travaux d’intérêt général et des stages de citoyenneté.

En guise de prévention, le ministre de l’Education estime pourtant ne pas être à la traîne, avec la généralisation, à la rentrée 2021 le programme « pHARE » dans tous les établissements. Il conduit à la formation des professeurs et la mise en place de référent anti-harcèlement. « De même, nous responsabilisons les élèves avec des ambassadeurs contre le harcèlement dans tous les établissements, avec des formations pour ces élèves », a-t-il rappelé, en septembre aux questions d’actualité au gouvernement du Sénat.

» Lire notre article. Cyberharcèlement : Jean-Michel Blanquer recevra « l’ensemble des responsables des réseaux sociaux » lundi prochain

Le ministre a néanmoins concédé « une limite » de son action en ce qui concerne la lutte contre le cyberharcèlement.

La mission d’information a auditionné les « représentants des principaux réseaux sociaux au mois de juin (Facebook, Instagram Snapchat, TikTok, Twitter ayant refusé d’y participer). « Les standards de la communauté définissent ce qui est autorisé et ce qui n’est pas. Le harcèlement est interdit sur nos plateformes. « Au premier trimestre 2021, sur les contenus de cyberharcèlement, nous avons supprimé 8,8 millions de contenus sur Facebook, 5,5 millions sur Instagram », avait expliqué Capucine Tuffier, directrice des politiques publiques d’Instagram France.

« Former à une éthique et un code de bonne conduite du numérique »

Les représentants des réseaux sociaux s’étaient montrés peu favorables à une interdiction de l’anonymat des utilisateurs, préférant, eux aussi, miser sur la prévention. « Au-delà de la levée de l’anonymat, l’étape numéro 1, c’est d’abord d’éduquer, il faut former à une éthique et un code de bonne conduite du numérique », avait lancé Jean Gonié directeur des politiques publiques de Snapchat Europe.

C’est la voie que suivent les sénateurs dans leurs préconisations, en obligeant les réseaux sociaux « à présenter de manière explicite et compréhensible des extraits des principales conditions d’utilisation, relatives au cyberharcèlement ». De même, les plateformes devraient présenter périodiquement à leurs utilisateurs, « une courte vidéo de sensibilisation sur les bons usages du numérique ».

>> Lire notre article. Fin de l’anonymat sur les réseaux : Facebook, Instagram, Snapchat et TikTok ne likent pas… devant les sénateurs

« Stress-tests » pour vérifier les protocoles de cyberharcèlement

Afin de prendre la mesure de leurs actions contre le cyberharcèlement, les sénateurs leur demandent aussi de réaliser « des stress-tests » pour vérifier leur protocole. En cas de refus, « l’instauration du name and shame » incitera les réseaux sociaux à être véritablement moteurs dans la lutte contre le cyberharcèlement scolaire », estiment les sénateurs.

Jean-Michel Blanquer a déjà indiqué qu’il porterait une attention particulière aux travaux du Sénat.

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