Municipales : le Sénat réintroduit un vote par correspondance et facilite les procurations

Municipales : le Sénat réintroduit un vote par correspondance et facilite les procurations

Les sénateurs ont adopté ce 2 juin une proposition de loi de la droite, afin de faciliter le vote des Français au second tour des municipales du 28 juin. Il s’agit d’assouplir le régime des procurations et de permettre un vote postal, avec des garanties. Partageant l’objectif de lutte contre l’abstention, le gouvernement ne s’est toutefois pas montré favorable au texte.
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Il reste moins de quatre semaines avant le deuxième tour des élections municipales du 28 juin. 16 millions d’électeurs – soit un tiers des inscrits – sont appelés aux urnes pour choisir leur conseil municipal, dans un contexte où l’éventualité d’une résurgence de l’épidémie de Covid-19 inquiète. La répétition de l’abstention record enregistrée au premier tour du 15 mars (55,3%, soit 19 points de plus par rapport à 2014) est une autre appréhension des parlementaires. Ce 2 juin, le Sénat a adopté une proposition de loi de Cédric Perrin (LR) visant à faciliter certaines opérations de vote à distance, et donc favoriser la participation. L’adoption s’est faite contre l’avis du gouvernement, même si ce dernier en partageait les « préoccupations ».

Largement remanié en commission des Lois, puis dans l’hémicycle, le texte adopté propose, pour le seul scrutin du 28 juin, de lever des freins qui limitent les recours à des procurations, mais aussi de remettre au jour un système de vote par correspondance, que la France a abandonné en 1975. « Il n’y a aucune disposition permanente », a expliqué le président de la commission des Lois, Philippe Bas (LR). Dans leur réécriture du texte déposé en octobre 2019, la majorité de droite et du centre a repris en grande partie les dispositions prévues par une autre proposition de loi. Signée par Philippe Bas et les présidents des groupes Les Républicains et Union centriste, elle avait été déposée trop tardivement pour être examinée à temps. Dans le jargon parlementaire, le texte de Cédric Perrin a donc servi de « véhicule législatif » aux réponses urgentes que souhaitaient apporter les sénateurs.

Autoriser un mandataire en dehors de la commune, s’il fait partie du cercle familial proche

Le texte du Sénat propose d’accélérer une disposition de la loi « Engagement et proximité », assouplissant les conditions dans lesquelles peuvent s’établir les procurations. Selon ce dispositif qui entrera en vigueur au plus tard au 1er janvier 2021, une personne souhaitant établir une procuration ne serait plus nécessairement obligée de choisir une personne inscrite sur les listes électorales de sa commune. Mais les sénateurs ont limité cet élargissement à la famille proche. Seul un lien parental ou filial, fraternel ou marital (y compris PACS et concubinage) pourra servir de choix de mandataire électoral.

La proposition de loi prévoit également de porter à deux le nombre maximal de procurations établies pour un seul mandataire, et de faciliter l’établissement d’une procuration à domicile, pour les personnes vulnérables. Une motivation écrite et un certificat médical ne seront plus nécessaires pour que les autorités se déplacent auprès de la personne désirant établir une procuration : un simple appel téléphonique suffira.

À l’initiative de Cédric Perrin, les sénateurs ont aussi proposé une chaîne de transmission dématérialisée des procurations en cas de demande tardive : l’autorité compétente adressera un email à la préfecture, qui avertira à son tour la commune. Le sénateur du Territoire-de-Belfort a rappelé que la demande d’une procuration le jour même du scrutin était un droit, mais qu’il se heurtait actuellement aux difficultés matérielles.

Philippe Bas défend un système de vote par correspondance « hyper sécurisé »

En séance, un amendement de taille a été intégré au texte, proposé par le groupe LR et une partie des sénateurs socialistes : l’introduction d’un système de vote par correspondance. « Il faut entendre cette demande qui monte depuis tous les territoires, il y a une faisabilité », a encouragé le sénateur LR Jean-François Husson. Philippe Bas a promis un dispositif « hyper sécurisé », loin du vote par correspondance stoppé en 1975, « qui n’était pas assez encadré » et qui avait donné lieu à des « dérives ».

L’électeur souhaitant opter pour cette solution aurait ainsi l’obligation de joindre dans une enveloppe, distincte de celle contenant son bulletin, une copie de sa carte d’identité et un justificatif de domicile. Le matériel serait expédié puis conservé au tribunal d’instance, avec un registre précis. Les bulletins seraient ensuite transmis au bureau de vote le jour de l’élection grâce au concours des forces de l’ordre, président et assesseurs devaient s’assurer au moment de la clôture que l’électeur n’a pas voté deux fois. En cas de fraude, des sanctions sévères seraient prévues : deux ans d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende. « Nous avons de quoi dire que nous faisons un pas vers le vote par correspondance, mais nous le faisons qu’avec les plus extrêmes précautions », a expliqué Philippe Bas.

Le matériel serait expédié au plus tard 10 jours avant le scrutin. S’il « s’agit de ne pas écarter définitivement le principe », Laurent Nuñez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur, a étalé ses doutes sur la logistique et la faisabilité juridique. « La mise en place, à ce stade, me paraît très délicate à mettre en œuvre », a-t-il argumenté.

Trois mois après, Jérôme Bascher se retrouve face à Laurent Nuñez

La réponse n’a pas été du goût du sénateur LR Jérôme Bascher, qui se rappelle encore d’un face-à-face musclé qui l’avait opposé à Laurent Nuñez le 4 mars, une semaine avant que l’Organisation mondiale de la Santé ne déclare le coronavirus comme une pandémie. Déjà, il était justement question de l’organisation des municipales (relire notre article) du 15 mars. Ce 2 juin, le sénateur de l’Oise n’a pas manqué d’ironiser sur l’attitude du gouvernement. « Après le vote des Ides de mars, vous nous proposez le vote par correspondance aux calendes grecques, ces calendes qui n’existent pas […] Vous aviez trois mois pour envisager les choses, vous n’avez pas pris le temps de le faire ! »

« Vous nous proposez le vote par correspondance aux calendes grecques », s'exclame Jérôme Bascher
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Une fois n’est pas coutume, Philippe Bas a même encouragé le gouvernement à déclencher la procédure accélérée sur leur texte, constatant que le projet de loi déposé par le gouvernement à l’Assemblée nationale comportait deux écueils, selon lui. Pour des raisons de calendrier tout d'abord : il ne sera pas débattu en séance publique avant le 5 juin. Et son principal objet vise à permettre l’annulation du scrutin du 28 juin, si les circonstances sanitaires l’exigent : le conseil scientifique sera consulté 15 jours au plus tard avant le jour du vote. Un drôle de texte pour faciliter en même temps les conditions du scrutin. « C’est un mauvais cheval qu’enfourche ce cavalier. Le seul bon cheval, c’est le nôtre », a assuré Philippe Bas, attaché à « défendre la liberté d’expression du suffrage universel », en donnant aux électeurs « les moyens de voter, même lorsqu’ils ont peur de sortir de chez eux ».

Le gouvernement s’oppose à certains assouplissements, redoutant des fraudes

Laurent Nuñez ne l’a pas entendu de cette oreille. Il a affirmé que le projet de loi du gouvernement constituait un « vecteur plus sûr », ajoutant que certains aspects du texte sénatorial pouvaient relever de simples décrets ou circulaires. Et que d’autres pouvaient « poser certaines difficultés ». Le gouvernement s’engage à prendre les mesures nécessaires pour élargir les cas où un délégué d’officier de police judiciaire pourrait se déplacer au domicile d’une personne vulnérable pour établir une procuration, ou encore pour supprimer la nécessité d’un motif pour établir une procuration.

« Nous interviendrons pour assouplir le régime des procurations » (Nuñez)
10:02

C’est en revanche un non catégorique pour les procurations en dehors d’une commune d’inscription. « Un tel dispositif pourrait favoriser des démarches frauduleuses », a averti le secrétaire d’État, soulignant que les maires ne seraient pas en mesure de vérifier les procurations. Si le décret d’application de la loi Engagement et proximité n’a pas encore été pris, pour étendre le champ des possibles pour les procurations, c’est tout simplement que le fichier de l’Insee (le Répertoire électoral unique) ne permet pas encore techniquement ce genre de croisement d’informations.

À gauche, quelques voix se sont aussi élevées contre les dispositions de la proposition de loi sénatoriale. « Nous ne pensons pas que ce pansement guérira la plaie démocratique ouverte », a douté le sénateur communiste Pascal Savoldelli, regrettant que ses collègues « essayent de rafistoler l’organisation de ces élections ». « Modifier des règles en cours de route ne serait pas convenable », a exposé à son tour le socialiste Jean-Yves Leconte.

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