Offres de santé dans les régions : le gouvernement va procéder par ordonnance

Offres de santé dans les régions : le gouvernement va procéder par ordonnance

Le Sénat a adopté l’article 9 du projet de loi santé, qui autorise le gouvernement à modifier le régime d'autorisation des activités de soins en prenant une ordonnance. Les sénateurs socialistes et communistes n’ont pas réussi à supprimer cette disposition.
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Difficile de faire passer la pilule. Le recours aux ordonnances pour redéfinir les missions des hôpitaux de proximité avait déjà nettement contrarié les sénateurs dans la nuit du 5 au 6 juin (voir notre article). Ils n’ont guère été plus satisfaits dans la suite de l’examen du projet de loi relatif à l’organisation du système de santé ce jeudi. Le Sénat a adopté, comme l’Assemblée nationale, l’article 9 du texte autorisant le gouvernement à prendre des ordonnances pour modifier le régime d'autorisation des activités de soins ou encore celui des équipements matériels lourds. Actuellement, la régulation revient aux ARS, les agences régionales de santé. Et elle concerne aussi bien l’hôpital, que la médecine de ville ou le médico-social (aide et accompagnement des personnes âgées et handicapées).

L’article a été adopté à contrecœur, avec une forme de résilience. « Nous regrettons tous, évidemment, le recours aux ordonnances sur un sujet aussi important que sont les autorisations de soins, à fort enjeu pour les territoires », a reconnu le rapporteur du texte, le sénateur Alain Milon (LR). Le président de la commission des Affaires sociales du Sénat, qui n’a pas souhaité retirer ce passage du projet de loi, évoque une raison. « Supprimer cet article aurait eu pour seul effet de différer encore une réforme attendue pour concilier l’exigence de qualité et de sécurité des soins, et celle de l’accès aux soins. »

Projet de loi santé : « Nous regrettons tous le recours aux ordonnances » (Alain Milon)
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« Nous regrettons tous le recours aux ordonnances » (Alain Milon)

L’ordonnance n’est pas attendue avant la fin de l’année, quand s’achèvera la concertation avec les acteurs de la santé

Un autre obstacle s’opposait à la suppression de l’article, poussée par les socialistes et les communistes : la concertation engagée depuis plusieurs mois entre le gouvernement et les acteurs médicaux et sanitaires. En procédant par ordonnance (qui devra être prise 18 mois au plus tard après la promulgation de la loi), le gouvernement se donne une marge pour intégrer des « adaptions éventuelles législatives ». « La réforme des autorisations d’activités de soins a été lancée en janvier 2018, bien avant que nous pensions faire une loi », a précisé la ministre de la Santé.

Un projet de loi de ratification de l’ordonnance – comme c’est la règle – sera par ailleurs soumis au Parlement. Et Agnès Buzyn a promis de revenir devant les sénateurs pour présenter le contenu de l’ordonnance, mais aussi l’étude d’impact. « Je ne souhaite pas priver le Sénat de la visibilité sur ces travaux », a-t-elle cherché à rassurer. Les réflexions conduites avec les acteurs du monde hospitalier devraient s’achever d’ici « la fin de l’année », et même dès « cet été » pour une partie des travaux.

La gauche s’inquiète d’une « refonte de la carte hospitalière »

Au-delà des réserves du rapporteur, les objections les plus sévères sont venues de la gauche de l’hémicycle. « Nous sommes en profond désaccord avec cet article qui donne latitude au gouvernement pour redessiner la carte des soins en France, en lui permettant notamment de modifier à sa guise les régimes des activités de soin », a enragé le socialiste Yves Daudigny. Inacceptable que le Parlement soit « dessaisi » sur un « sujet aussi important » pour « donner les mains libres » au gouvernement, a ajouté son collègue médecin Bernard Jomier, qui n’a pas voulu « faire de procès d’intention » au gouvernement sur le fond.

Ordonnance sur le projet de loi santé : « un article 9 dangereux » (Cathy Apourceau-Poly)
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« Un article dangereux », pour la communiste Cathy Apourceau-Poly

Le groupe communiste s’est lui, alarmé d’un article qualifié de « dangereux », et qui s’attaque à la « refonte e la carte hospitalière ». « Cet article va modifier les seuils minimaux d’activité pour assurer la qualité et la sécu des soins. L’argument de la sécurité des patients va pouvoir être convoqué pour les fermetures de service et pour déclasser des établissements », s’est insurgée la sénatrice Cathy Apourceau-Poly. Comme aux premières heures de l’examen du texte, la ministre a tenté de balayer ces craintes. « Il n’y a pas de carte hospitalière cachée. Il n’y a pas la volonté de dessiner une carte hospitalière venue d’en haut », a-t-elle répété. « L’offre de soins résulte de projets qui sont portés par les acteurs eux-mêmes. »

Projet de loi santé : « Il n’y a pas de carte hospitalière cachée », répète Agnès Buzyn
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« Il n’y a pas de carte hospitalière cachée », répète Agnès Buzyn

L’article a été adopté « conforme », c’est-à-dire dans les mêmes termes qu’à l’Assemblée nationale. C’est l’un des points importants du projet de loi, dont l’un des objectifs est de « mieux structurer » et viser une « meilleure répartition territoriale » de l’offre de santé, avec une logique de « gradation des soins » (les établissements dispenseront des actes de nature plus ou moins pointue). Il doit également modifier le régime des « hospitalisations à domicile », une autre orientation annoncée par le gouvernement l’an dernier.

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