Passe vaccinal : que retenir de l’audition d’Olivier Véran au Sénat ?

Passe vaccinal : que retenir de l’audition d’Olivier Véran au Sénat ?

Alors que le projet de loi sur le passe vaccinal arrive au Sénat ce mardi 11 janvier, Olivier Véran était auditionné avant l’examen des amendements du Sénat en commission. L’occasion pour les sénatrices et sénateurs d’interroger longuement le ministre de la Santé, autant sur la stratégie de lutte contre la pandémie du gouvernement que sur des points de détails du texte parfois encore flous.
Louis Mollier-Sabet

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  • La stratégie du gouvernement : « Le passe vaccinal n’est ni l’alpha ni l’omega, c’est un outil de plus »

Interrogé par Philippe Bas sur la pertinence du passe vaccinal pour lutter contre la propagation du virus, le ministre de la Santé a concédé, en reprenant la formule du rapporteur du projet de loi [voir les amendements déposés restreignant l’application du passe vaccinal], que le passe sanitaire n’était « ni l’alpha, ni l’omega » dans la lutte contre la pandémie, mais un outil supplémentaire. Vous retrouverez le détail de l’échange dans notre article.

Le ministre de la Santé a par ailleurs été interrogé par les sénatrices et sénateurs du groupe socialiste sur l’expression « d’obligation vaccinale déguisée » utilisée par Olivier Véran dans une interview. Et pour cause, le groupe socialiste avait déposé dès septembre dernier une proposition de loi sur l’obligation vaccinale, qui avait été rejetée par le Sénat et le gouvernement. « L’obligation est arrivée dans vos propos, même sous forme ‘déguisée’. N’avez-vous perdu du temps et comptez-vous en venir à l’obligation vaccinale ? » a ainsi ironisé Bernard Jomier, rapporteur socialiste de la fameuse proposition de loi. Olivier Véran a semblé regretté sa formule et a renouvelé son scepticisme vis-à-vis de l’obligation vaccinale : « Le passe sanitaire ou vaccinal est une formule qui me paraît plus efficace. Si vous identifiez un niveau de sanction [en cas de non-respect de l’obligation], qui est susceptible de faire basculer un antivax, je suis preneur. »

  • Progression de la vaccination

Le ministre s’est montré assez confiant sur la progression de la vaccination grâce à l’annonce du passe vaccinal : « Nous avons battu les records de primo-injection la semaine dernière. Avant même que le passe vaccinal ne soit adopté, les effets sont déjà visibles, sa simple évocation a fait bondir la primo-vaccination dans notre pays. Si nous restons à 200 ou 300 000 par semaine, cela ira vite. »

À cet égard, Guy Benarroche et Mélanie Vogel, sénateurs du groupe écologiste, ont interrogé le ministre sur le profil et les motivations des non-vaccinés suite à une étude de l’Inserm publiée la semaine dernière. Selon que ceux-ci le soient par refus de la vaccination ou par difficulté d’accès par exemple, cette stratégie du passe vaccinal pour inciter à la vaccination sera plus ou moins efficace. Pour Olivier Véran, « les antivax ne sont pas une minorité » chez les non-vaccinés, mais le ministre n’a pas fourni plus de précision. Il a cependant répondu à une question de Chantal Deseyne, rapporteure LR pour la commission des Affaires sociales, à propos des inégalités territoriales d’accès à la vaccination en concédant qu’« un certain nombre de Français sont encore, sans doute, très très loin de tout. » Mais le ministre de la Santé a aussi affirmé que « beaucoup de gens sont informés ou plutôt désinformés et n’ont pas confiance » en citant l’exemple d’une personne qui se serait faite vacciner si le vaccin avait été disponible en comprimé et pas en injection, pensant être plus protégée parce que le comprimé n’irait pas dans son sang. Une croyance faisant manifestement penser à Olivier Véran qu’il est difficile de convaincre les non-vaccinés restants.

Le ministre de la Santé a par ailleurs tenu à faire une mise au point sur les différents types d’immunité vaccinales (humorale et cellulaire) conférées par les vaccins. Le détour médical est important, puisqu’il explique que les vaccins à ARN messager n’empêchent pas la transmission du virus mais protègent contre les formes graves et l’hospitalisation : avec une dose de rappel, une personne contaminée par Omicron a 95 % de chance de ne pas être hospitalisée.

  • Tests : « Répondre à la demande des Français »

Le ministre a d’emblée été interrogé sur les difficultés actuelles que rencontrent les Français pour se faire tester. Le ministre a réaffirmé la nécessité de tester massivement (« plus on teste, plus on trouve »), tout en reconnaissant la « saturation » actuelle face à une flambée des cas. Il a notamment assuré que le gouvernement avait entendu les difficultés des parents d’élève pour faire tester, « parfois du jour au lendemain », leurs enfants cas-contacts dans le cadre scolaire. « Nous réfléchissons à faciliter l’accès aux autotests à l’école » a-t-il ajouté, sans donner plus de précision, sinon que le gouvernement n’aurait pas de problème à « réajuster » un protocole pour le rendre « plus opérationnel. » Le but, a-t-il conclu, est de « répondre à la demande des Français » en matière de tests [voir notre article pour plus de détails].

  • Difficultés du secteur hospitalier : « Nous n’avons pas fermé de lits intentionnellement »

Olivier Véran a bien-sûr reconnu « qu’il y a de la fatigue à l’hôpital », avec des heures supplémentaires accumulées, et parfois même des démissions. Mais il a tenu à rassurer sur la capacité du système hospitalier français à absorber cette vague, avec actuellement 21 000 malades dans les hôpitaux et 3800 malades en réanimation : « C’est intense, concède Olivier Véran, mais nous avons des plans de continuité où nous déployons des prises en charge à domicile, en réactivant un réseau d’oxygène à domicile pour desserrer la pression. »

Interrogé, notamment par la sénatrice communiste Laurence Cohen, sur les fermetures de lit d’hôpital depuis le début de la crise sanitaire, Olivier Véran a appelé à « sortir de cette attaque-là » : « Nous n’avons pas fermé de lits intentionnellement. Des chambres doubles sont devenues des chambres simples pour ne pas mettre quelqu’un dans la même chambre qu’un malade du covid. » Le ministre a par ailleurs défendu l’action du gouvernement en termes de conditions de travail des soignants : « Nous avons même augmenté de 700 le nombre de lits de réanimation. »

  • « Le faux passe sanitaire tue ! » : renforcement des sanctions et droit de repentance

Le projet de loi prévoit de renforcer les modalités de contrôle du futur passe vaccinal. Premièrement – et c’est un point de tension avec le Sénat qui sera discuté en séance – le projet de loi prévoit permet à des directeurs d’établissements recevant du public « de vérifier la concordance entre identité du passe sanitaire ou vaccinal et une pièce d’identité ad hoc, et pas de contrôler leur identité » précise d’emblée le ministre de la Santé, puisque c’est la formulation qu’a trouvée le gouvernement pour rendre la mesure constitutionnelle.

Deuxièmement, le projet de loi renforce les sanctions en cas d’usage d’un faux passe sanitaire (jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende), tout en offrant aux fraudeurs un « droit de repentance » : « Le faux passe sanitaire tue. […] Mais à la fin, l’important, c’est d’être vacciné, nous offrons donc un droit de repentance [délais de 30 jours], qui permet de se rendre compte que l’on a fait une grosse bêtise et de se faire vacciner » a expliqué Olivier Véran. Le Sénat semblait plutôt frileux à l’égard de ce dispositif, il faudra donc attendre les débats en hémicycle pour voir si la mesure survit à l’examen de la Chambre haute.

  • Masques FFP2

Le ministre de la Santé a aussi été interrogé à plusieurs reprises sur le déploiement et le remboursement d’éventuels masques FFP2 à une population plus large que celle des soignants. Olivier Véran a renvoyé à un avis imminent de la Haute conseil de la santé publique (HCSP), qui ne devrait pas élargir le port des masques FFP2. Pour en savoir plus lire notre article : « Le port du masque FFP2 ne sera pas généralisé, indique Olivier Véran. »

  • Dons de doses : « La France est l’un des premiers contributeurs au monde sur le don de doses »

Interrogé sur la dimension mondiale de la pandémie, le ministre de la Santé s’est voulu volontaire et a vanté l’action de la France dans ce domaine : « La France est l’un des premiers contributeurs au monde sur le don de doses. Chaque Français a déjà donné au moins une dose à un pays pauvre, et ce sera bientôt deux. Vacciner les Français et les pays pauvres, ce n’est pas incompatible, je ne l’oppose pas. C’est même une protection pour eux et pour nous. »

Laurence Cohen a évoqué lors de l’audition la piste de la levée des brevets pour que les pays pauvres puissent produire les vaccins eux-mêmes et accélérer ainsi la vaccination mondiale. N’ayant pas répondu une première fois, Olivier Véran a été relancé sur la question par la sénatrice écologiste Mélanie Vogel. « L’enjeu n’est pas la levée des brevets, lui a clairement répondu Olivier Véran. C’est parfois difficile pour des pays en voie de développement de produire par eux-mêmes des vaccins. Je préfère qu’on mette nos forces dans la bataille pour donner des doses et faire en sorte que ces pays puissent les utiliser, parce que c’est parfois difficile pour eux d’avoir les infrastructures, les personnes ou les campagnes d’information pour vacciner sur place. »

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