Pénurie de médicaments : la présidente de la HAS doute que des mesures nationales « aient un impact » sur la stratégie des laboratoires
Auditionnée au Sénat par la commission d’enquête sur la pénurie de médicaments, la présidente de la Haute autorité de santé a insisté sur l’importance d’une réponse européenne pour peser.

Pénurie de médicaments : la présidente de la HAS doute que des mesures nationales « aient un impact » sur la stratégie des laboratoires

Auditionnée au Sénat par la commission d’enquête sur la pénurie de médicaments, la présidente de la Haute autorité de santé a insisté sur l’importance d’une réponse européenne pour peser.
Guillaume Jacquot

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La saison du démarrage des commissions d’enquête et des missions d’information bât son plein au Sénat. Ce 9 février, la commission d’enquête sur la pénurie de médicaments et les choix de l’industrie pharmaceutique française, demandée par le groupe communiste, a mené sa première audition en convoquant la Haute autorité de santé. Si celle-ci n’est pas responsable du suivi et de la gestion des pénuries, la HAS est néanmoins indirectement concernée par leurs conséquences, puisqu’elle est chargée, entre autres, d’émettre des avis sur les conditions de prescription des médicaments ou encore des recommandations de santé publique.

La présidente de la HAS Dominique Le Guludec partage le point de départ. « Il ne s’agit pas d’un problème récent, mais d’un problème qui s’aggrave. Il est clair que les pénuries de médicaments que nous vivons sont de plus en plus récurrentes », observe cette spécialiste de biophysique et de médecine nucléaire.

D’autres acteurs documenteront précisément l’étendue phénomène, comme l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament) ou encore la Direction générale de la Santé. Augmentations conjoncturelles de la demande, défaillances dans les chaînes de production, choix stratégiques des laboratoires, désintérêts pour des médicaments anciens : les racines du phénomène sont nombreuses et se superposent parfois. « Ce sont des raisons multifactorielles. Il y a autant de situations quasiment que de pénuries. Des solutions globales ne sont pas évidentes », préfère prévenir Dominique Le Guludec.

« Nous représentons peu de choses par rapport à leur production mondiale »

Impossible d’homologuer une baguette magique. En revanche, la professeure appelle à changer d’échelle, étant donné que le problème ne concerne pas seulement la France. « Une des pistes d’amélioration qui nous semble devoir être creusée est la collaboration européenne entre États », insiste-t-elle. Celui-ci progresse. L’Agence européenne des médicaments (EMA) a vu son mandat renforcé durant la pandémie de covid-19. Elle devra prévenir les pénuries, à travers une meilleure information des différents acteurs, et miser sur la recherche précoce de solutions alternatives.

L’Europe du médicament ne permettrait pas seulement de développer des achats groupés, elle pourrait également constituer une masse critique, mieux à même de peser face à des laboratoires d’envergure internationale. « C’est pour cela que la réponse européenne est importante. Des systèmes de santé très solidaires peuvent avoir un poids que nationalement nous ne pouvons pas avoir », observe Dominique Le Guludec. Avant de se permettre une position plus personnelle. « Les industries pharmaceutiques sont des compagnies mondiales, pour lesquelles le marché français n’est pas un sujet. Nous représentons peu de choses par rapport à leur production mondiale. Il n’est pas certain que nos mesures nationales aient un impact sur leur stratégie. »

Certaines pénuries résultent d’ailleurs d’un désintérêt parfois pour des médicaments ou vaccins anciens, « considérés comme peu rémunérateurs », selon elle. « Il n’est pas du tout certain que remonter les prix des médicaments suffirait à faire régresser les pénuries. Une augmentation des prix en France n’aurait qu’un impact probablement modéré. »

Stocks de médicaments : « On a appris en tant que législateur que c’est purement déclaratif »

À l’échelle française, Dominique Le Guludec estime que les critères et modalités de définition des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (ceux dont l’absence entraîne une perte de chances importante pour les patients) pourraient être « travaillés ». Pour ces produits, les fabricants et exploitants ont l’obligation d’anticiper les risques de rupture de stock ou d’approvisionnement. Un stock minimal de deux mois doit être constitué, seuil qui peut, dans certains cas, être porté à quatre mois par l’Agence de sécurité du médicament.

En déplacement sur le terrain dans une pharmacie, la commission d’enquête a fait une fâcheuse découverte. « On a appris en tant que législateur que c’est purement déclaratif. On déclare qu’il y a deux mois de stocks, mais visiblement, il semblerait qu’il n’y ait pas de contrôles, et que les déclarations soient crues, que les stocks soient avérés ou non », a soulevé la rapporteure Laurence Cohen. Au premier jour de ses travaux diffusés, la commission ne manque déjà pas de questions pour les agences régionales de santé ou le ministère.

À lire aussi » Santé : les pistes du Sénat pour améliorer la stratégie européenne face aux pénuries de médicaments

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