Projet de loi sur les énergies renouvelables : ce que contient le texte adopté au Sénat

Projet de loi sur les énergies renouvelables : ce que contient le texte adopté au Sénat

Les sénateurs ont adopté dans la nuit de vendredi à samedi le projet de loi sur la production d’énergies renouvelables. Un texte largement amendé par la Chambre haute pendant l’examen en commission, ce qui n’a pas manqué de compliquer la recherche de compromis durant la discussion publique. Retour sur les dispositifs qui figurent finalement dans le texte.
Romain David

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Après deux jours de travaux, le Sénat a terminé, dans la nuit de vendredi à samedi l’examen du projet de loi sur les énergies renouvelables. Un texte assez long (21 articles), normatif et technique, qui vise à simplifier les procédures administratives et raccourcir leur délai de traitement pour la construction d’infrastructures de production d’énergie renouvelable, comme les éoliennes ou les parcs photovoltaïques. Il est présenté par l’exécutif comme l’un des principaux instruments pour permettre à la France - très en retard par rapport à ses voisins européens – de faire monter rapidement la part du renouvelable dans son mix énergétique. Ce projet de loi, qui devra encore être examiné par l’Assemblée nationale après son passage au Palais du Luxembourg, contient par ailleurs plusieurs mesures emblématiques, concernant la marge de manœuvre des élus locaux vis-à-vis des énergies renouvelables installées sur leur territoire, la construction de panneaux solaires ou encore l’éolien off-shore. Voici les principales dispositions adoptées par le Sénat :

Le « droit de veto » des conseils municipaux remplacé par un mécanisme plus global

Emmenée par sa majorité de droite et du centre, la Chambre haute avait fait de ce point une ligne rouge : la possibilité pour les conseils municipaux de se prononcer sur chaque projet d’énergie renouvelable susceptible d’être implanté sur la commune, notamment les éoliennes. L’objectif étant, pour les sénateurs, de préserver le pouvoir décisionnaire du maire en matière d’urbanisme. Un véritable point de blocage pour le gouvernement qui, après d’âpres débats, a réussi à faire adopter un dispositif alternatif plus général. Le texte voté permet aux municipalités de définir elle-même les zones géographiques qui pourront recevoir des projets « énergies renouvelables ». L’inscription de ces zones au sein des documents d’urbanisme devra également faire l’objet d’un « avis conforme » du conseil municipal.

Jugé assez complexe par la droite, ce mécanisme n’a pas totalement convaincu sur les bancs de l’hémicycle, malgré son adoption. La ministre Agnès Pannier-Runacher s’est engagée à le faire affiner au fil de la navette parlementaire. « On prendra le temps de travailler le texte », afin de « faire en sorte qu’il ne soit pas une usine à gaz trop complexe pour les élus des territoires », a-t-elle déclaré.

>> Pour en savoir plus sur ce point, retrouvez notre article : Après un imbroglio sur le « droit de véto » des maires, le Sénat renonce à la mesure

Installation quasi systématique de panneaux solaires sur les grands parkings

L’article 11 du projet de loi impose l’installation d’ombrières photovoltaïques sur les parkings de plus de 80 places. La première version du texte s’appliquait aux parkings d’au moins 2 500 m², mais les élus ont préféré, contre l’avis du gouvernement, raisonner en nombre de places. Les structures devront couvrir au moins la moitié du parking. Plutôt que des panneaux solaires, elles pourront également accueillir d’autres formes de production d’énergies renouvelables. Le texte prévoit une installation progressive des ombrières à partir de juillet 2023. À compter de cette date, les parkings de 80 à 400 places auront cinq ans pour procéder aux aménagements nécessaires, et trois ans pour les parcs de stationnement de plus de 400 places. La mesure prévoit toutefois une série de dérogations, lorsqu’il s’agit notamment de parkings réservés aux poids lourds, ou bien lorsqu’ils sont situés à proximité de sites dits « remarquables ».

Le sénateur LR Rémy Pointereau s’est inquiété d’une mesure qui risque fort de bénéficier aux fabricants étrangers, la France et l’Union européenne étant encore à la traîne dans le domaine du solaire. « J’ai l’impression que toute l’Asie, et en particulier la Chine, doit se réjouir ce matin de voir qu’on va mettre peut-être des milliers d’hectares de panneaux photovoltaïques, qui vont être produits en Chine, en Malaisie, aux Philippines. Notre balance commerciale va encore prendre un sacré coup ! », s’est-il agacé.

>> Pour en savoir plus sur ce point, retrouvez notre article : L’obligation de pose de panneaux photovoltaïques sur certains parkings extérieurs adoptée au Sénat

La distance minimale de 40 kilomètres pour l’implantation d’éoliennes au large des côtes abandonnée

La Haute Assemblée a fait tomber, contre l’avis de la droite, la limite de 40 kilomètres pour l’installation d’éoliennes en mer. Cette distance n’était pas exclusive, mais dans le dispositif envisagé en commission, les projets respectant ce seuil devaient se voir favoriser dans les procédures de mise en concurrence. Avec ce garde-fou, la droite espérait limiter l’impact des installations sur les paysages côtiers. La ministre a toutefois estimé qu’une telle distance rendait impossible, pour des raisons techniques et géographiques, l’installation d’éoliennes off-shore en mer du Nord, dans la Manche et en Méditerranée, et risquait donc de voir les infrastructures se concentrer le long de la façade Atlantique. Par ailleurs, plusieurs élus se sont émus de l’impact négatif de cette restriction sur la filière française de l’éolien maritime, en plein essor et représentant « 6 500 emplois directs », selon un chiffre d’Agnès Pannier-Runacher.

Après une longue suspension de séance, et un certain flottement, les voix des élus se sont portées sur un amendement de la sénatrice LREM Nadège Havet, proposant de faire disparaître du texte toute référence explicite à une distance minimale, au profit de la mention plus vague d’une implantation en zone économique exclusive (ZEE), un espace qui s’étend au-delà des eaux dites « territoriales », c’est-à-dire à plus de 12 milles nautiques des côtes, soit 22 kilomètres.

Le président Emmanuel Macron a fixé pour 2050 un objectif de 50 parcs éoliens en mer pour atteindre une production de 40 GW. « Il ne faut pas mentir aux Français. Nous n’augmenterons pas en termes de production électrique dans les 10-15 prochaines années sans une production massive d’éolien offshore. Nous avons un parc nucléaire vieillissant. Sans cet éolien off-shore, nous achèterons notre électricité ailleurs », a averti l’écologiste Ronan Dantec.

>> Pour en savoir plus sur ce point, retrouvez notre article : La limite de 40 kilomètres pour les éoliennes en mer abandonnée par le Sénat après un long moment de confusion

Compensation des collectivités

Le projet de loi s’attaquait aussi à la question du « partage territorial de la valeur des énergies renouvelables », en introduisant des mécanismes de compensation financière, pour favoriser l’implantation d’installations de production d’énergies renouvelables, tout en favorisant leur « acceptabilité. » Le gouvernement avait ciblé ces mécanismes sur les résidents impactés par ces installations, mais la majorité sénatoriale a recentré le dispositif sur les collectivités, qui bénéficieront donc d’un rabais sur leurs factures d’électricité si elles accueillent des énergies renouvelables sur leur territoire, ou si les installations sont visibles de leur commune.

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