Proportionnelle : « Un moyen qui permet de remédier à la crise démocratique », défend André Vallini

Proportionnelle : « Un moyen qui permet de remédier à la crise démocratique », défend André Vallini

Le sénateur PS André Vallini et le sénateur LR Gérard Longuet défendent dans une tribune commune la proportionnelle départementale pour élire les députés, gage de meilleure représentativité. Ils récusent toute instabilité qu’engendrerait ce mode de scrutin. Reste que chez les LR, la proportionnelle a peu d’adeptes.
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François Bayrou voit l’arrivée de quelques alliés de circonstance de plus dans son combat – sa croisade presque – pour l’instauration de la proportionnelle aux élections législatives. Dans une tribune signée en commun sur le site du Journal du dimanche, le sénateur PS André Vallini et le sénateur LR Gérard Longuet, signent un plaidoyer pour la proportionnelle. Deux anciens ministres, qu’a priori rien ne rapproche, si ce n’est une volonté commune de défendre ce mode scrutin, synonyme d’une plus grande représentativité de tous les partis au Parlement.

« Je soutiens à fond la démarche de François Bayrou » affirme André Vallini

« C’est pour moi un combat permanent. J’ai toujours été pour la proportionnelle, a fortiori aujourd’hui, alors qu’on est dans une crise démocratique profonde. Ce sera l’un des moyens permettant de remédier à cette crise », défend André Vallini auprès de publicsenat.fr. Avant de publier la tribune, dont il est l’initiateur, le sénateur de l’Isère a échangé avec le Modem. « Je suis en contact avec François Bayrou, j’ai déjeuné avec Marc Fesneau (ministre Modem des Relations avec le Parlement, ndlr) la semaine dernière. Je soutiens à fond cette démarche de François Bayrou », ne se cache pas André Vallini, qui se « désole un peu que le PS ne suive pas. EELV, LFI sont pour. Toute la gauche est là et le PS, hélas, tergiverse ».

Début février, François Bayrou a avancé ses pions en envoyant à Emmanuel Macron une lettre en faveur de la proportionnelle. Initiative soutenue par Marine Le Pen (RN), qui gagnerait beaucoup de députés en cas de changement de scrutin, Julien Bayou (EELV) et Jean-Christophe Lagarde (UDI). Le leader du Modem rappelle ainsi au chef de l’Etat ce qui était l’une de ses promesses de campagne – instituer une dose de proportionnelle – mais aussi l’un des points de l’accord de législature entre LREM et le Modem.

Plus le temps de revoir la carte électorale

Comme François Bayrou, André Vallini défend une proportionnelle sur le modèle de celle instituée par François Mitterrand pour les législatives de 1986 : une proportionnelle départementale, qui concernerait l’ensemble des députés. Il faudrait faire plus de 5 % des suffrages exprimés pour avoir un siège. Un modèle simple, pour lequel une loi simple, votée rapidement par le Parlement, suffit. Pas besoin de revoir les circonscriptions et donc la carte électorale, à la différence d’un système avec une dose de proportionnelle. Or il n’y a plus le temps pour cela, si l’on veut adopter la réforme moins d’un an avant les législatives de juin 2022, comme le veut l’usage pour toute modification du mode de scrutin. En revanche, passer les 577 sièges de députés à la proportionnelle intégrale est beaucoup simple et rapide.

Gérard Longuet, de son côté, a une « préférence pour le système allemand, avec une moitié de sièges à la proportionnelle, et l’autre au scrutin majoritaire à un tour ». Mais si le sénateur LR de la Meuse a signé la tribune, c’est « pour ouvrir le débat. Un débat majeur ! »

« Je pense profondément que les institutions de la Ve République, depuis l’instauration du quinquennat, aboutissent à une marginalisation totale de l’Assemblée. Et par voie de conséquence du Parlement dans son ensemble. Les institutions sont déséquilibrées », soutient Gérard Longuet. Alors que « dans l’esprit du général de Gaulle, la Ve République est un régime parlementaire rationalisé », souligne le sénateur LR. Elle s’est aujourd’hui transformée estime Gérard Longuet :

Aujourd’hui, on a un régime monarchique. Une monarchie républicaine mais une monarchie quand même. C’est-à-dire le pouvoir d’un seul.

Gérard Larcher « hostile à la proportionnelle » car « elle repose sur l’absence de proximité »

Reste que chez les LR, la proportionnelle a en réalité peu d’adeptes. « Je suis personnellement hostile à la proportionnelle pour les élections législatives. Elle repose sur l’absence de proximité », a mis en garde dimanche, sur BFM TV, le président LR du Sénat, Gérard Larcher. « Et ne laisser qu’aux partis politiques le soin de désigner des candidats, c’est quelque chose qui nous conduit au régime des partis. Et le gaulliste que je suis n’y est pas favorable », ajoute le sénateur des Yvelines.

Au moment des débats sur la première réforme constitutionnelle, aujourd’hui enterrée, les députés LR avaient clairement fait entendre leur hostilité à la proportionnelle, même à faible dose. A l’époque, dans le cadre des discussions avec l’exécutif, Gérard Larcher y était moins fermé qu’aujourd’hui. « Le Sénat n’était pas hostile à une dose qui permette d’avoir une représentation plus large. Je ne suis pas foncièrement hostile à ce qu’il y ait une dose de proportionnelle. Je crois que Gérard Larcher était d’accord sur 15 % », rappelle François-Noël Buffet, président LR de la commission des lois du Sénat. Mais sur le fond, la proportionnelle n’est pas la tasse de thé du sénateur du Rhône. « Je ne suis pas favorable à la proportionnelle en soi. Je crains qu’elle n’éloigne l’élu de sa population. Je reste convaincu que le scrutin uninominal à deux tours reste le garant du système démocratique et de l’ancrage territorial. Le député est ainsi à l’écoute de ses concitoyens, il est un véritable relais à Paris et un véritable responsable », soutient François-Noël Buffet. Il ajoute :

La démocratie, c’est d’abord la relation avec les habitants. Quand on dit qu’on sent le pouls d’un territoire, c’est une réalité physique et humaine.

Plutôt que la proximité, les deux sénateurs insistent sur la représentativité. « Le Parlement notamment est contesté, car jugé trop éloigné de la réalité du pays », écrivent dans leur tribune André Vallini et Gérard Longuet, qui demandent : « Comment justifier en effet que des mouvements politiques comme le Rassemblement national ou la France insoumise, dont les candidats obtiennent des millions de voix à l’élection présidentielle, ne se retrouvent qu’avec quelques députés ? »

« Le scrutin majoritaire ne garantit pas une majorité »

L’autre argument souvent avancé contre la proportionnelle est l’instabilité politique qu’elle engendrerait, exemple de la IVe République à l’appui. Mais avec le système départemental proposé, « on n’a pas d’émiettement. Avec le seuil des 5 % pour avoir un siège, et les circonscriptions départementales, qui favorisent les grands partis, ça donne un côté majoritaire », répond André Vallini, qui souligne qu’« en 1986, la droite a eu 40 % des voix et a eu 50 % des sièges ». A l’inverse, « le scrutin majoritaire ne garantit pas une majorité. En 1988, la droite a rétabli le scrutin majoritaire, et le PS n’a pas eu de majorité. Il a fallu que Michel Rocard négocie avec les centristes au coup par coup », rappelle le socialiste. Pour André Vallini, la proportionnelle « obligera la France à avoir la culture de la coalition, comme en Allemagne. Il faut apprendre à se parler ».

Gérard Longuet ajoute que « la grande différence entre la IVe République et la Ve, c’est qu’il y a un président élu au suffrage universel sous la Ve. Il ne dépend donc pas des partis, et s’il a une difficulté à l’Assemblée, il peut dissoudre ou gouverner avec un gouvernement minoritaire, dès lors qu’il n’y a pas de majorité contre lui. C’est arrivé à Raymond Barre. Les giscardiens n’avaient pas de majorité absolue, mais le RPR ne voulait pas aller jusqu’à la censure, de peur de perdre en cas de dissolution conflictuelle ».

Certains députés LREM ont peur de perdre avec la proportionnelle

Pour André Vallini, il est encore temps de se lancer. « François Mitterrand, en 1985, a fait voter la proportionnelle à l’automne, pour les législatives de mars 1986. Il ne s’est pas embêté avec le délai d’un an ! Il a fait modifier le mode de scrutin six mois avant les législatives ». Mais rien ne bougera sans l’accord de l’Elysée. « La ligne de Macron, c’est en substance débrouillez-vous au Parlement, je ne veux pas être accusé de tripatouillage. S’il y a un accord au Parlement, allez-y », affirme André Vallini.

Mais chez une bonne partie des députés LREM, on freine. Avec la proportionnelle, certains ont peur d’y perdre des plumes, ou plutôt leur siège. Autrement dit, si le gâteau est réparti plus équitablement, il n’y en aura pas pour tout le monde. « Ils savent qu’ils ont une majorité pour eux, ils ont envie de la garder. Ils perdraient probablement des sièges », pense aussi François-Noël Buffet. Certains députés LREM imaginent plus facilement sauver leur peau, lors des législatives de 2022, en conservant le mode de scrutin majoritaire à deux tours. Mais rien n’est moins sûr. Si Emmanuel Macron est réélu, il pourrait lui être difficile de retrouver la même majorité pléthorique qu’en 2017.

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