Sénatoriales : dans le Bas-Rhin, les écolos tentent de se faire une place entre la droite et le centre

Sénatoriales : dans le Bas-Rhin, les écolos tentent de se faire une place entre la droite et le centre

Après la victoire d’EELV à Strasbourg, EELV espère avoir un siège dans le Bas-Rhin avec Jacques Fernique. En face, la droite est en partie divisée, entre la liste UC-LR des sortants Claude Kern et Guy-Dominique Kennel, et André Reichardt, sur une ligne pro Alsace. Sur le terrain, les échanges avec les grands électeurs se font à bâtons rompus. Reportage.
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Il arrive avec sa Dacia. Un Lodgy, le monospace, qu’il gare sur le parking de la mairie d’Ostwald. Jacques Fernique, candidat EELV aux sénatoriales sur une liste d’union de la gauche, avec le PS et le PCF, n’a pas choisi par hasard cette ville de 12.000 habitants, située en banlieue sud de Strasbourg, dans le Bas-Rhin. La vague verte des municipales est aussi passée par Ostwald. La maire, Fabienne Baas, vient d’être élue pour la première fois en juin. Elle n’a pas sa carte à EELV, mais ne cache pas sa fibre écolo.

La mairie d'Ostwald, dans le Bas-Rhin.
La mairie d'Ostwald, dans le Bas-Rhin (photos : François Vignal)

Objectif du retour d’un groupe écolo au Sénat

Fabienne Baas vient du monde associatif. La défense des arbres notamment. Ce lundi midi, dans son nouveau bureau de maire, c’est justement une histoire de peupleraie qui l’inquiète. « Ils coupent ! J’ai vu un arbre après l’autre coupé, ça me retourne complètement. Ils ont 50/60 ans. Ils m’ont dit qu’ils sont mûrs » s’indigne l’élue, qui tend ses bras vers les arbres disparus. Plantés sur un terrain privé pour la sylviculture, ils ont été coupés du jour au lendemain. « C’était vraiment un mur de végétation avant l’autoroute, qui est derrière…  » continue Fabienne Baas (voir la vidéo ci-dessous). Elle se tourne vers le candidat écolo :

Peut-être que je reviendrai vers toi un jour, si t’es élu sénateur, pour qu’on puisse à l’avenir protéger, ou ne couper qu’un tiers et replanter.

Sénatoriales : le candidat EELV du Bas-Rhin, Jasques Fernique, espère être élu
17:07

Pour Jacques Fernique, l’exemple illustre bien comment il imagine sa fonction, s’il est élu. « Un sénateur, le Sénat, n’a de sens que s’il remplit pleinement son rôle de chambre des territoires. Défendre la biodiversité, les trames vertes et bleues, c’est du travail de finesse, du travail d’adaptation aux territoires, c’est du travail avec les élus locaux. C’est être exigeant ». Selon cet ancien conseiller régional, c’est d’autant plus nécessaire « dans ces zones périurbaines compliquées où les enjeux se croisent ».

Fabienne Baas, maire écologiste d'Ostwald.
Fabienne Baas, maire écologiste d'Ostwald.
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Jacques Fernique, candidat EELV aux sénatoriales dans le Bas-Rhin.

« C’est la dernière semaine. C’est la course »

Depuis la victoire à Strasbourg de l’écologiste Jeanne Barseghian, en sixième place symbolique sur la liste, l’état-major d’Europe Ecologie-Les Verts a coché le Bas-Rhin dans la liste des départements où la formation pourrait gagner un siège. Avec l’objectif à la clef du retour d’un groupe écolo au Sénat, l’un des enjeux du scrutin. « Jacques Bigot (sortant PS qui ne se représente pas, ndlr) m’a dit : « C’est le moment des écolos ». Le PS a joué collectif dans cette affaire » salue le candidat.

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Mais sur le papier, les voix de Strasbourg ne suffisent pas. Sur 2.791 grands électeurs dans le Bas-Rhin, il faut théoriquement « 500/550 grands électeurs » pour être élu. Mais avec 11 listes, « on peut penser qu’à partir de 400/450 voix, on peut avoir un siège » calcule le candidat. Or « Strasbourg, c’est de l’ordre de 350/380 grands électeurs. Il nous faut réussir à convaincre au-delà. Il faut gagner 200 voix. C’est à la portée de la liste » croit Jacques Fernique. Il doit cependant faire face à une dissidence écologiste, avec la liste d’Andrée Buchmann. De quoi potentiellement lui coûter le siège.

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Jacques Fernique a le soutien d'EELV, du PS, du PCF, de Génération.s.

Dans ces conditions, la campagne reste indispensable. « C’est la dernière semaine. C’est la course » dit ce professeur de français et d’histoire en lycée professionnel encore en exercice. Pour compenser, il multiplie les réunions publiques. Il est à 100% en campagne depuis seulement une semaine. Il ne verra pas tous les maires du département, « mais des dizaines », d’autre part mail ou téléphone. La rencontre terminée, il remonte vite dans sa voiture.

Speed dating politique

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Commune de Lipsheim, dans le Bas-Rhin.

Quelques kilomètres plus au sud, plus de trace du Tramway, qui maille la métropole. Plutôt des champs et des petites communes, qui rivalisent de maisons à colombages. Pas de doute, on est en Alsace. Claude Kern a donné rendez-vous à Lipsheim. Le sénateur sortant, membre du groupe Union centriste (principalement composé d’UDI), mène une liste d’union avec LR. Guy-Dominique Kennel, le LR qui menait la liste en 2014, est aujourd’hui en troisième place. Alors que certains, à Paris, l’ont encouragé à reprendre la première place, c’est un « risque » qu’il assume, au nom du renouvellement. La seconde place est occupée par la jeune Elsa Schalck, 33 ans. Cette avocate, sarkozyste d’origine, est vice-présidente de la région Grand Est.

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Cette « équipe » est sur le toit d’un ancien presbytère. En face d’eux, le maire et ses adjoints. Des grands électeurs. C’est parti pour un speed dating politique d’une heure. Une conversation à bâtons rompus. Après les présentations, Vincent Kleinmann, conseiller municipal, essaie de comprendre les finesses du Sénat : « Si vous êtes d’accord, pourquoi faire deux groupes ? »

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Claude Kern, sénateur (UC) du Bas-Rhin.

Nouvelle question de l’élu, qui met les pieds dans le plat : sont-ils dans la majorité ou l’opposition à Macron, alors que Christian Estrosi a appelé la droite à rejoindre le Président ? (voir la vidéo ci-dessous) Guy-Dominique Kennel minimise et cite le président LR du Sénat : « Gérard Larcher dit clairement « nous ne sommes pas un anti-pouvoir, nous sommes un contre-pouvoir. On ne dit pas non par principe, on ne dit pas oui par soumission » ». Le sénateur LR explique que certains textes sont votés, d’autres pas. Exemple : « Les communistes ont proposé un texte sur la retraite des agriculteurs. Il a été voté à l’unanimité ». L’élu les lance sur la sécurité. Elsa Schalck en profite pour intervenir : « Notre liste est clairement à droite et au centre. Une des thématiques qu’on met au cœur, c’est la sécurité et l’autorité de l’Etat ».

Sénatoriales : Claude Kern (UC) et Guy-Dominique Kennel (LR) face aux grands électeurs dans le Bas-Rhin
10:05

« Calcul politicien »

René Schaal, maire sans étiquette de cette commune de 2.600 habitants, attend son moment pour lancer le sujet qui l’intéresse : la place de l’Alsace dans la région Grand Est. Une question sensible, dans la région. « Je fais partie de ceux qui ont défilé avec la cocarde pour crier « Alsace, Alsace » » dit celui qui défend l’idée d’une Alsace avec des pouvoirs particuliers, comme en Corse. « Dire aujourd’hui qu’on va sortir du Grand Est, c’est de la poudre de perlimpinpin » répond Claude Kern. Une attaque contre André Reichardt, l’autre sortant LR, qui mène sa propre liste dissidente sur cette thématique. Après la réunion, Guy-Dominique Kennel ne le ménage pas : « C’est un calcul politicien, électoraliste ». C’est aussi une manière de contourner la parité, en présentant sa propre liste. Contacté, André Reichardt n’a pas répondu à nos sollicitations.

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René Schaal, maire de Lipsheim.

Pour répondre à cette question alsacienne, Claude Kern préfère s’appuyer sur le futur projet de loi « 3D » (décentralisation, différentiation, déconcentration) pour demander « de nouvelles compétences beaucoup plus large ». Mais il ne précise pas que ce texte est issu du gouvernement.

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Echanges à bâtons rompus entre le sénateur Claude Kern (de dos) et Armando Cutone, adjoint de Lipsheim.

La discussion s’enchaîne, et s’envenime, sur la question du sport amateur, à l’heure de la grande région. « On a perdu l’entité territoriale. Avec mon accent, ça fait peut-être rire » commence Armando Cutone, à l’accent chantant du sud. Adjoint à Lipsheim, il est aussi président de la Ligue Grand Est de Rugby. « Sur le terrain, avec ma ligue, je vis un cauchemar. Je ne suis plus dans l’associatif plaisir, je suis dans le devoir, je suis un patron de PME bénévole, avec toutes les merdes au tribunal » s’énerve l’élu, qui se trouve à faire 1000 km en une journée, avec retour à 4 heures du matin, « ce n’est pas ça la vie associative ». Les candidats l’écoutent. Regardez :

Sénatoriales : discussion tendue avec des grands électeurs du Bas-Rhin sur la question du sport amateur et de l'Alsace
05:13
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Mairie de Lipsheim.

Un seul candidat défend dans ce scrutin la ligne gouvernementale. C’est le député Agir Antoine Herth. Soutenu par LREM et le Modem, il s’est lancé « pour donner le choix aux grands électeurs » et défendre la création, à partir du 1er janvier, de la Communauté européenne d’Alsace, fusion des départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin. « La majorité présidentielle a fait un geste très fort pour notre territoire » dit le candidat, qui espère faire « un score honorable » avec sa « troisième voie ». Si l’élection s’annonce difficile, sa ligne de centre-droit pourrait prendre des voix à la liste LR-UC et menacer la réélection de Guy-Dominique Kennel.

514 communes visitées

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Jean-Paul Preve, maire d'Oberschaeffolsheim.

De son côté, l’équipe Kern-Schalck-Kennel enchaîne et repart dans la plaine d’Alsace. Direction Oberschaeffolsheim, à l’ouest de Strasbourg. Le maire Jean-Paul Preve reçoit dans son bureau tout en bois. On se rend alors compte que le discours est bien rodé. Les mêmes arguments sont mis sur la table. Claude Kern s’éclipse avant pour honorer un autre rendez-vous, à Blaesheim. D’ici la fin de la semaine, Claude Kern et ses colistiers auront vu les 514 communes du département.

 

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Masques et gestes barrières: la campagne en temps de Covid-19 est particulière.
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Les 11 listes pour les sénatoriales dans le Bas-Rhin sont :

- Ensemble pour l’Alsace (liste LR-UC menée par Claude Kern).

- Les voix de l’Alsace au Sénat (liste divers droite menée par le sénateur LR André Reichardt).

- Liste localiste présentée par le Rassemblement national : « Pour le rééquilibrage territorial » (tête de liste : Jean-Claude Bader).

- Une voix forte pour nos territoires (liste divers gauche/écologiste menée par Andrée Buchmann).

- Pour l’Alsace, Fer’s Elsass (liste régionaliste menée par Thiébault-Valéry Zitvogel).

- Ecologie, solidarité, proximité (liste d’union de la gauche EELV, PS, PCF, Generation.s, Place publique, Génération écologie, Les Ecologistes, Objectif Euro-région Alsace, menée par Jacques Fernique).

- Agir pour l'Alsace (liste Agir, LREM, Modem menée par Antoine Herth).

- Alsace et République (liste divers gauche, menée par Gérard Bouquet du Parti radical).

- Du bon sens pour les Bas-Rhinois ! (liste divers, menée par Michel Leopold).

- Ruralité, une vitalité partagée (liste divers droite menée par Pascale Ludwig).

- L'Alsace en action (liste menée par Jean-Paul Leonhardt).

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