Transition écologique : « Ce n’est pas glorieux, mais il ne faut pas faire croire qu’on ne fait rien », affirme Christophe Béchu

Transition écologique : « Ce n’est pas glorieux, mais il ne faut pas faire croire qu’on ne fait rien », affirme Christophe Béchu

« Il n’y a que 20 pays dans le monde qui ont commencé à baisser leurs émissions. Nous en faisons partie », souligne le ministre de la Transition écologique, qui ajoute que « jamais le budget de la transition écologique n’avait autant augmenté ». Christophe Béchu reconnaît cependant que « c’est bien, mais ça ne suffira pas ».
François Vignal

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Alors que s’ouvre dimanche la COP 27 sur le climat, en Egypte, à Charm el-Cheikh, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, était auditionné mercredi soir au Sénat. Devant les sénateurs de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, il a voulu remettre les choses en perspective. Il a reconnu que le gouvernement ne faisait pas encore assez en matière de transition écologique, au regard des enjeux et du réchauffement, tout en défendant l’action déjà menée par l’exécutif.

« Il n’y a que 20 pays dans le monde qui ont commencé à baisser leurs émissions. Nous en faisons partie »

« Notre pays ne pèse que 0,9 % des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle mondial. (Mais) on doit agir au quotidien comme si 100 % du réchauffement climatique dépendait de nous », avance le ministre, qui souligne l’importance de la « diplomatie » environnementale. « La COP 27 sur le climat et la COP 15 sur la biodiversité » et « les espèces menacées » sont « des rendez-vous cruciaux », prévient l’ancien sénateur LR.

Alors que la France avait été condamnée en 2021 pour son inaction dans la lutte contre le réchauffement, Christophe Béchu appelle, pour que les efforts soient acceptés par les citoyens, à « tenir un discours responsable, qui ne parle pas d’inaction climatique, quand il y a une action climatique dans notre pays. Il n’y a que 20 pays dans le monde qui ont commencé à baisser leurs émissions. Nous en faisons partie. Ce n’est pas glorieux, car nous ne sommes pas au bon rythme, mais il ne faut pas raconter d’histoire aux Français en leur faisant croire qu’on n’a rien fait, car tous ceux qui ont fait des efforts, si on leur dit que ça ou rien, c’est pareil, on les perdra », met en garde le ministre, qui ajoute, en référence aux gilets jaunes :

Sur ce sujet, l’adhésion des gens n’est pas un petit sujet. Sinon on perd le temps qu’on pensait gagner. C’était le cas avec la trajectoire carbone.

Besoin d’investissements « sur les transports et le ferroviaire »

Côté efforts, Christophe Béchu souligne que son ministère ne perdra pas d’agent dans les 5 ans à venir, alors que « depuis 20 ans, c’est celui qui a le plus contribué en pourcentage à la baisse des effectifs de la fonction publique d’Etat. En moyenne, 1.000 agents par an, […] sous tous les gouvernements ». Il ajoute que « jamais le budget de la transition écologique n’avait autant augmenté. Et pas par du recyclage de crédits. On est sur des crédits nouveaux », précise le ministre, avant, là encore, de faire l’autocritique de l’action du gouvernement auquel il appartient : « Mais je vais vous donner le fond de ma pensée. C’est bien mais ça ne suffira pas. Parce que le coût des investissements dont on a besoin, en particulier sur les transports et le ferroviaire, nécessiteront des ambitions qui pour le moment ne figurent pas dans les 600 millions d’euros supplémentaires qu’on a ajoutés. Pour une raison simple : nous avons décidé d’attendre la copie du comité d’orientation des infrastructures, […] qui est censé recenser les grandes infrastructures où il y a des besoins ».

« Nous attendons mieux et plus pour le ferroviaire », confirme le sénateur LR Philippe Tabarot, qui pointe la faiblesse des « 150 millions d’euros supplémentaires pour le réseau en 2023. Ce sont des opérations de régénération du réseau sur 90 km, alors que le réseau fait 29.000 km… »

« Je ne considère pas que 150 millions d’euros correspondent à un grand soir ferroviaire », conçoit Christophe Béchu. « Quand la première ministre présentera la feuille de route de planification écologique », qui sera « pluriannuelle », elle sera à « la hauteur des enjeux », assure le ministre de la Transition écologique, « et ce n’est pas 150 millions d’euros. Ce n’est pas non plus 3 milliards d’euros », comme le prévoyait un amendement voté à l’Assemblée durant l’examen du budget, mais que le gouvernement n’a pas retenu après l’usage du 49.3.

Ne pas donner « le sentiment que les gueux qui roulent au diesel ne sont pas les bienvenus dans les centres-villes peuplés par les bobos à vélo »

Revenant sur la mise en place des onze zones à faible émission (ZFE), qui visent à limiter l’accès aux métropoles des véhicules les plus polluants, il en a défendu le recours : « Ça marche. A l’intérieur du périmètre de l’autoroute A86, c’est 50.000 habitants qui sont sortis du seuil de dépassement depuis la mise en place de la ZFE ». Mais pour Christophe Béchu, « l’enjeu, c’est comment on la met en place sans remettre des octrois ou des barrières de péage à l’entrée des villes qui donnent le sentiment que les gueux qui roulent au diesel, ils ont le droit de rester à l’extérieur et ne sont pas les bienvenus dans les centres-villes peuplés par les bobos à vélo. Je le dis comme ça, car le risque demain, si c’est la lecture qui en est faite, c’est à nouveau de dresser les Français les uns contre autres sur un sujet qui devrait tous nous rassembler : éviter les morts de la pollution atmosphérique ».

Le ministre explique que « l’enjeu, c’est de ne pas altérer la mobilité de gens, donc d’avoir des solutions de remplacement. Ça suppose d’investir dans les transports en commun et d’avoir une stratégie, en centre-ville, d’alternative à la voiture individuelle ».

Voiture électrique : « Si on va trop vite, on subventionne l’industrie chinoise »

Alors que la fin des ventes de voitures à moteur thermique est prévue en Europe dès 2035, Christophe Béchu met en garde sur un effet pervers d’un développement trop rapide de la voiture électrique, que le gouvernement soutient pourtant pour réduire là encore la pollution. « Si on va trop vite sur l’électrification, on subventionne l’industrie chinoise aujourd’hui, qui fabrique des véhicules moins chers dans des usines qui sont alimentées au charbon », remarque le ministre, qui « à court terme, plaide pour un plan massif de covoiturage » en prenant l’exemple de « Rouen » ou d’« Angers », la ville dont il était maire, où « nous rémunérons les covoitureurs ».

Il souligne aussi que la fabrication elle-même d’une voiture électrique a un coût en termes de production de CO2, défendant l’utilité du « retrofit », ou « comment changer le moteur du véhicule sans changer la totalité du véhicule ».

« Une forme de protectionnisme climatique »

La question des importations est aussi éminemment écologique. « Si en parallèle, on continue à acheter des produits, on aggravera la situation. […] Il faut des mécanismes carbone à nos frontières. Ce n’est pas un gros mot. C’est indispensable pour réussir une transition. Qu’on n’accepte pas de faire rentrer des produits qui sont moins vertueux que ceux qu’on fabrique. On peut appeler ça du protectionnisme. En l’espèce, c’est une forme de protectionnisme climatique, si c’est pour empêcher la déforestation ou l’arrivée de produits avec des perturbateurs endocriniens », soutient Christophe Béchu.

En juin dernier, le Parlement européen s’est entendu pour mettre en place le futur « mécanisme d’ajustement carbone aux frontières » afin de taxer les importations dans l’Union européenne de secteurs polluants, que sont l’acier, l’aluminium, le ciment, les engrais, et l’électricité. Mais le chemin à parcourir est encore long, alors que l’urgence est là.

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