Assurance récolte : Emmanuel Macron promet 600 millions par an

Assurance récolte : Emmanuel Macron promet 600 millions par an

En déplacement vendredi dans les Alpes-de-Haute-Provence, Emmanuel Macron a annoncé que l’Etat apporterait 600 millions d’euros par an pour venir en aide aux agriculteurs frappés par des catastrophes climatiques.
Romain David

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Le « président des villes » à la ferme. Après avoir annoncé mercredi le déblocage de fonds supplémentaires pour la redynamisation des centres-villes, Emmanuel Macron était vendredi aux côtés des agriculteurs. Le chef de l’Etat est arrivé en début d’après-midi dans les Alpes-de-Haute-Provence pour la 7e édition des rencontres des « Terres de Jim », une foire agricole organisée par le syndicat des jeunes agriculteurs et visant à sensibiliser le grand public aux pratiques agricoles. Emmanuel Macron y a annoncé une réforme de l’assurance récolte. « Nous allons créer le système de l’assurance récolte français », a-t-il lancé.

« Nous avons décidé de mettre 600 millions d’euros par an pour financer le système, ce sont des fonds de l’État et de l’Europe que nous allons mobiliser », a précisé le président de la République. L’objectif : pousser les agriculteurs à souscrire plus massivement une assurance récolte. Mercredi déjà, le Premier ministre Jean Castex avait annoncé la mise en place d’un nouveau dispositif pour les agriculteurs. « Nous présenterons, dans les prochains jours, un nouveau dispositif d’assurance récolte, soutenu par les pouvoirs publics, qui garantira aux agriculteurs une meilleure couverture des pertes occasionnées par les calamités naturelles », a déclaré le Premier ministre lors d’un point presse à l’issue du séminaire de rentrée du gouvernement.

« Il faut changer de culture assurantielle dans l’agriculture »

Actuellement, les agriculteurs peuvent souscrire dans le privé à une assurance récolte, et bénéficier pour les cotisations d’une subvention versée par la Politique agricole commune. Mais les contrats d’assurance restent coûteux pour des exploitants qui dans certains secteurs peinent à joindre les deux bouts. « Pendant 30 ans, j’ai payé une assurance contre le risque de grêle, mais j’ai été sinistré une fois seulement et mon exploitation a été touchée à 50 %, j’aurais mieux fait de ne pas payer cette assurance ! », expliquait à Public Sénat en avril dernier Daniel Laurent, sénateur LR de Charente-Maritime, également viticulteur. Seules 30 % des surfaces agricoles seraient assurées contre les aléas climatiques, selon un chiffre régulièrement cité par les syndicats et les assureurs.

« Il faut changer de culture assurantielle dans l’agriculture. L’agriculteur doit avoir à l’esprit que le coût d’une assurance rentre dans les charges automatiques de ses exploitations », explique Henri Cabanel, sénateur de l’Hérault (groupe RDSE). « Au vu de la situation de l’agriculture, quand on a une exploitation en difficulté, on fait le tri dans les charges et la première chose qui saute, généralement, ce sont les assurances », déplore ce vigneron. Il estime toutefois que, davantage qu’une incitation, il faut passer par une obligation. « Sans elle, on ne pourra pas augmenter le taux de pénétration et donc faire baisser les prix des contrats », argue-t-il.

Des procédures simplifiées

En juin 2020, une résolution adoptée par le Sénat énumérait plusieurs recommandations pour favoriser le développement de l’assurance récolte. Les élus préconisaient notamment d’« améliorer l’articulation entre les outils actuels de gestion des risques climatiques », c’est-à-dire de simplifier les dispositifs d’assurance, mais aussi de porter le seuil de déclenchement du niveau des pertes de 30 % à 20 %.

« On doit rendre le système plus simple, on va mettre en place un interlocuteur unique pour chaque exploitant agricole. Il ne faut pas que ce soit une bataille entre l’assureur, les chambres d’agriculture et les services de l’Etat », a également promis Emmanuel Macron. « Il faut que cette simplification se ressente aussi dans les documents à remplir, souvent d’une grande complexité, ce qui décourage de nombreux agriculteurs à entamer les démarches », souligne Henri Cabanel. « Le choc de simplification, on nous en parle, mais il n’est toujours pas là ! », raille-t-il.

« La réponse face aux dégâts subis par les agriculteurs doit être territorialisée, réactive et adaptée aux phénomènes croissants qui sont subis par les exploitations agricoles », a estimé le président de la République. « Le réchauffement climatique accroît les événements météorologiques qui impactent les récoltes, la fréquence des évènements climatiques doit être prise en compte pour repenser l’assurance récolte », insiste Nicole Bonnefoy, sénatrice PS de la Charente, rapporteure en 2019 d’une mission sur la gestion des risques climatiques et l’évolution de nos régimes d’indemnisation.

Le dispositif des calamités agricoles

« Rapidité et réactivité », a encore martelé Emmanuel Macron, regrettant qu’il faille en moyenne « neuf mois » pour rembourser les agriculteurs qui rentrent dans le régime des « calamités agricoles ». Face à un événement météorologique majeur, les exploitants peuvent en effet bénéficier du Fonds national de gestion des risques en agriculture pour faire face à la fois aux pertes de récolte et de fonds (stocks, fossés, chemins, animaux morts à l’extérieur des bâtiments, etc.) non assurables.

Pour toucher une indemnisation, l’exploitant doit accuser un taux de perte physique de 30 % de la production annuelle, et le montant des dommages causés doit dépasser 13 % du produit brut théorique de l’exploitation (en comptant les aides issues de la Politique agricole commune). Il faut également que le montant des dégâts soit supérieur à 1000 euros. La procédure d’indemnisation est généralement enclenchée par le préfet qui aura d’abord diligenté une enquête pour définir le périmètre des dégâts. Les agriculteurs ont également la possibilité de déposer des dossiers individuels.

Début avril, le violent épisode de gel qui a frappé dix régions de métropole, compromettant plusieurs dizaines de milliers d’hectares, a poussé le gouvernement à muscler exceptionnellement les dispositifs d’aides. Le Premier ministre Jean Castex a alors annoncé le déblocage d’une aide d’un milliard pour les agriculteurs et les arboriculteurs frappés, ainsi que la mise en place de mesures d’urgence, comme une exonération de charges sociales, des dégrèvements de taxe foncière sur le non bâti, et la mobilisation des dispositifs d’activité partielle. Enfin, dans le cadre du régime des calamités agricoles, le taux d’indemnisation des arboriculteurs a également été porté à 40 % des pertes, soit le plafond maximal autorisé par la réglementation européenne.

La prévention, angle mort de la gestion des calamités agricoles ?

Pour Laurent Duplomb, sénateur LR de Haute-Loire et président du groupe d’études Agriculture et alimentation « le Fonds national de gestion des risques en agriculture a des difficultés à exister parce que l’Etat y puise pour sa trésorerie ». Il estime que les agriculteurs y auraient moins recours si l’accent était davantage mis sur le développement de systèmes préventifs, notamment des réseaux d’irrigation. « On ne peut pas dire aux agriculteurs que l’on va leur donner les moyens de se redresser après un aléa climatique, sans les aider à lutter contre ces mêmes aléas. »

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