Covid-19 : pas de consensus sur les dates de report des municipales et des sénatoriales

Covid-19 : pas de consensus sur les dates de report des municipales et des sénatoriales

Le second tour des municipales pourrait être organisée à l’automne, en raison de l’épidémie. Mais certains, comme le socialiste Patrick Kanner, plaident pour mars 2021. En conséquence, les sénatoriales devraient aussi être repoussées. Philippe Dallier (LR) évoque décembre 2020, quand le centriste Hervé Marseille vise un report d’un an, en septembre 2021.
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Un report du report. C’est ce qui pourrait se passer pour le second tour des municipales. Après un premier tour maintenu dans la polémique, le gouvernement, avec l’accord de l’opposition, a d’abord repoussé au 21 juin le second des élections municipales. Le projet de loi d’urgence face au coronavirus prévoit qu’au préalable, un rapport scientifique dise le 23 mai si l’organisation du second tour est possible, au regard de l’épidémie de Covid-19.

Mais l’exécutif semble prendre les devants. Selon Le Figaro, Emmanuel Macron a évoqué mercredi, lors du Conseil des ministres, la possibilité d’un report du second tour au mois d’octobre prochain. Ce qui signifie que l’épidémie serait encore présente en juin, ou que le déconfinement, qui pourrait se faire par région, ne permettrait pas un scrutin national. Le sujet devait être évoqué ce midi, lors d’un déjeuner à l’Elysée avec le président LR du Sénat, Gérard Larcher, et son homologue de l’Assemblée, Richard Ferrand. Avant le premier tour, le sénateur s’était opposé, avec les responsables LR, à un report du scrutin. Aujourd’hui, la donne a changé. Interrogé le 28 mars par Le Parisien, Gérard Larcher évoquait déjà un report « à l’automne », si le second tour ne pouvait se faire en juin.

Pas de problème juridique en cas de report en octobre

Les 30.000 communes qui ont élu un maire dès le premier tour ne sont pas concernées par le report. Pour les plus de 4.000 communes qui ne sont pas dans ce cas, un report en octobre impliquerait de refaire le premier tour, avant un éventuel second tour. Ce qui donnera un écart de sept mois, entre les maires élus en mars, et ceux élus en octobre.

Sur le plan du droit, cet écart ne pose-t-il pas un problème ? Non, selon le constitutionnaliste Jean-Philippe Derosier. En revotant pour le premier tour, conformément à un avis du Conseil d’Etat, selon qui il ne doit pas y avoir trop de temps entre les deux tours, on considérerait que « les scrutins de mars et ceux d’octobre sont déconnectés les uns des autres. Ce sont des scrutins indépendants. C’est exactement ce qui se passe quand il y a une municipale partielle », qui peut avoir lieu n’importe quand, explique le professeur de droit public à l'Université de Lille. S’il juge en revanche un report du second tour en juin contraire à la Constitution, car il mettrait à mal « l’unicité et la sincérité du scrutin », avec un premier et un second tour trop éloignés, le report en octobre effacerait ce problème, car les deux tours seraient espacés d’une semaine, comme d’habitude. Ce serait comme une nouvelle élection.

« Tenir les municipales en juin est improbable »

Le sujet du report a aussi été évoqué ce jeudi matin par Edouard Philippe, qui organisait une visioconférence avec 45 responsables de partis, présidents de groupes ou d’association d’élus. Si la question sanitaire, le confinement et l’économie étaient au cœur des débats, le premier ministre a parlé du second tour. Mais il s’est borné à renvoyer au rapport du 23 mai, sans parler du mois d’octobre, selon les participants. Mais tout le monde a compris.

« Très concrètement, plusieurs intervenants ont estimé ce matin que tenir les municipales en juin était improbable » a expliqué le président du groupe PS du Sénat, Patrick Kanner, interrogé par Public Sénat ce matin (voir la vidéo à partir de 10’20). Le socialiste se demande au passage « pourquoi avoir exposé 450.000 Français qui ont tenu les bureaux de vote » lors du premier tour, « on les a exposés à 20 millions de Français ».

« L’éventualité qui tient la corde, c’est celle d’octobre » confirme de son côté Eliane Assassi, présidente du groupe CRCE (communiste) du Sénat. « C’est un scenario qui est possible, mais pas défini. Tout dépendra de l’évolution » tempère la sénatrice PCF Laurence Cohen, présente à la réunion. Elle ajoute que « ce n’est pas la priorité des élus, ni de la population », alors que le pic de l’épidémie n’est pas encore là.

Patrick Kanner (PS), Marielle de Sarnez (Modem) et Jean-Christophe Lagarde (UDI) pour un report des municipales en mars 2021

Si un report plus important du second tour se confirme, reste à trouver une date. A priori, tout dépendra de l’épidémie. « Si la sortie du confinement s’annonce plus complexe que prévue et qu’on ne peut pas faire le second tour en juin, il n’y a pas d’autres solutions que de le faire à l’automne » selon Philippe Dallier, vice-président LR du Sénat.

Mais un débat s’amorce sur le choix de la date. Pour Patrick Kanner, octobre serait trop tôt. « Pour moi, la meilleure date serait le mois de mars, en regroupant toutes les élections au même moment » dit le président du groupe PS. Car en mars, sont déjà prévues les départementales et les régionales. Il n’est pas le seul à défendre la date de mars. « Elle a été évoquée par des chefs de parti, notamment par Murielle de Sarnez pour le Modem, estimant qu’en octobre, on sera encore en pleine reconstruction économique et sociale » selon Patrick Kanner. Le président de l’UDI, Jean-Christophe Lagarde, a aussi proposé d’organiser les municipales en mars 2021.

« On ne peut pas avoir du provisoire qui dure » met en garde Hervé Marseille

Mais au sein de l’UDI, la date d’octobre a ses partisans, comme le président du groupe Union centriste du Sénat, Hervé Marseille. Le sénateur des Hauts-de-Seine lance :

Octobre, c’est mieux. Comme dirait l’autre, une fois que les bornes sont dépassées, il n’y a plus de limite !

Hervé Marseille explique sa position : « Il ne faudrait pas tarder car on a besoin des maires. On ne peut pas avoir des institutions en première ligne qui ne sont pas en situation de fonctionner. On ne peut pas avoir du provisoire qui dure ». Des maires sortants et battus sont en effet maintenus pour l’heure, et « cohabitent avec des maires élus mais pas installés », ce qui commence à poser des problèmes. Sans compter l’arrêt « des commandes publiques dans ces communes. Ça pénalise les travaux » et l’activité.

« Les sénatoriales pourraient avoir lieu en décembre 2020 » selon Philippe Dallier

Le report du second tour à octobre ou plus tard aurait une autre conséquence : le report des sénatoriales de septembre 2020. Un peu plus de la moitié des 348 sièges, soit 178 sénateurs, sont en jeu. « Il faut un renouvellement du collège électoral sénatorial pour renouveler le Sénat » souligne Jean-Philippe Dérosier. D’autant plus que les conseillers municipaux composent 97% des grands électeurs des sénatoriales.

Et là encore, pour la date, il y a plusieurs écoles. « On parle de la fin de cette année. Il faut au moins un délai de 2 à 3 mois entre les municipales et sénatoriales. Il faut le temps d’élire les conseils municipaux, les grands électeurs et laisser un peu de temps pour faire campagne » affirme Philippe Dallier. Donc pour le sénateur LR de Seine-Saint-Denis, « si les municipales ont lieu en octobre, les sénatoriales pourraient avoir lieu en décembre. C’est le plus raisonnable ».

Kanner : « Les sénatoriales ne peuvent être que repoussées d’un an, en septembre 2021 »

Sur ce point, Patrick Kanner voit là aussi les choses différemment. « Pour moi, les sénatoriales ne peuvent être que repoussées d’un an. Je vois mal le Sénat se mettre en congés pendant 2 mois pour faire campagne. Donc il faut les organiser en septembre 2021 » affirme à publicsenat.fr le président du groupe PS. A moins de ne pas appliquer la trêve des travaux parlementaire, qui est une coutume républicaine mais pas une obligation ? « En demandant à la moitié du Sénat de travailler pour l’autre ? C’est quand même curieux » répond Patrick Kanner, surtout avec le budget examiné à l’automne.

En cas de report d’un an, le socialiste imagine « rallonger le mandat des sénateurs élus en 2017 d’un an, si ceux élus en 2021 le sont pour 6 ans. Ou enlever un an à ceux élus en 2021, pour maintenir le renouvellement tous les trois ans ».

Ici, le centriste Hervé Marseille rejoint le socialiste. « Le plus raisonnable, c’est de reporter les sénatoriales d’un an, en septembre 2021 » dit le président du groupe UC, composante de la majorité sénatoriale. Avec toutes les échéances, il ne « voi(t) pas comment on fait à moins d’un an ». 

Une chose est sûre : en cas de report, il faudra passer par une loi organique au Sénat. Comme il s’agit de l’élection des sénateurs, elle devra obligatoirement être adoptée avec leur approbation. Encore faut-il qu’ils se mettent d’accord entre eux.

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