Déconfinement : en zone rouge, les maires auront plus de « souplesse » pour garder les écoles fermées

Déconfinement : en zone rouge, les maires auront plus de « souplesse » pour garder les écoles fermées

Le premier ministre a échangé avec les élus locaux sur le déconfinement. Il a entendu leur désir « de souplesse ». Edouard Philippe s’est montré « sensible » à l’idée de préciser la responsabilité pénale des maires pendant la crise, selon Christophe Bouillon, président de l’Association des petites villes de France. Le sénateur Hervé Maurey a déposé une proposition de loi en ce sens.
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Après les annonces, la mise en pratique. Edouard Philippe a échangé pendant deux heures ce mercredi matin, par visioconférence, avec les associations d’élus locaux. Les départements, régions, mais surtout les mairies se retrouvent être des rouages essentiels au bon déroulé du déconfinement.

Si certains élus ont eu le sentiment ces derniers temps que l’Etat était tenté de leur refiler la patate chaude, la réunion semble les avoir plutôt rassurés. A la sortie, Christophe Bouillon, président de l’Association des petites villes de France (APVF) et député PS de Seine-Maritime, salue « un climat constructif, plutôt d’un bon état d’esprit ». « Ça s’est très bien passé. C’était très pratico pratique, c’est ce qu’on demandait » confirme Michel Fournier, vice-président délégué de l’Association des maires ruraux, et maire de Les Voivres, commune de 330 habitants des Vosges. Un climat qui tranche avec celui de la veille. « Ce matin, pas un président n’a critiqué. Chacun veut construire. C’est un peu bizarre, quand on voit qu’à l’Assemblée, les députés sont beaucoup plus politiciens » note le maire de la commune rurale.

« Les choses bougent. Il y a 15 jours, on demandait de manière unanime de la souplesse. Là-dessus, on a le sentiment d’être entendus » salue Christophe Bouillon, qui remarque qu’« Edouard Philippe, Jean Castex et Christophe Castaner ont rappelé qu’ils avaient été maire. C’est très à la mode aujourd’hui de le rappeler… » Le socialiste ajoute :

Le premier ministre est sensible à la parole des maires, il doit parler maire seconde langue.

« Protocole sanitaire et doctrine d’accueil » dans les écoles

Les sujets sont nombreux. En haut de la pile, il y a bien sûr pour les maires la question épineuse de la reprise progressive de l’école. Le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, a apporté des précisions sur « le protocole sanitaire, la doctrine d’accueil avec les maires, la constitution des groupes, qui est la responsabilité de l’éducation nationale, avec le public cible – enfants en difficulté, en situation de handicap, de personnels soignants ou les fratries – et la doctrine pédagogique » énumère le président de l’APVF. Le ministre a aussi évoqué « une sorte de recensement, quasiment école par école, pour savoir quels sont les parents qui ont l’intention de déposer leurs enfants ».

Le secrétaire général de l’Association des maires de France (AMF), Philippe Laurent, qui n’était pas présent à la réunion, souligne pour sa part qu’il ne faut pas oublier un point essentiel à ses yeux. « Le vrai problème que nous avons, ce n’est pas l’école et le temps scolaire finalement, mais c’est le périscolaire. Quand les gosses sortent dans la cour à midi, les enfants ne restent pas à un mètre de distance. C’est impossible de les tenir. Je ne sais pas comment ça va se gérer. Notre personnel est très interrogatif » alerte le maire UDI de Sceaux.

« Dans les départements rouges, il n’y aura pas d’ouverture systématique des écoles comme dans les verts »

Lors de la réunion, une précision importante a été apportée sur le retour à l’école. « Jean-Michel Blanquer a dit qu’il y aurait des différences entre départements verts (où le virus circule moins, ndlr) et rouges. Une plus grande souplesse sera laissée aux maires pour décider de l’ouverture de l’école dans les départements rouges, moins dans les départements verts » explique Christophe Bouillon.

« Il y aura une grande souplesse dans les départements classés rouges que ceux classés verts » confirme Michel Fournier. Ainsi, « dans les départements rouges, il n’y aura pas d’ouverture systématique des écoles comme dans les verts ». Après la réunion, Edouard Philippe a expliqué aux députés qu’il fallait laisser le maire « dire aux responsables de l'Éducation nationale » comment chaque école pourra être rouverte ou non.

Concrètement, un maire pourra prendre la décision de ne pas ouvrir l’école après le 11 mai, s’il estime que les conditions ne sont pas réunies. « Si les maires ne souhaitent pas rouvrir les écoles, ils en prennent la responsabilité. Mais il n’y aura pas de sanction » selon le vice-président de l’Association des maires ruraux. Certains élus, comme le maire de Hautmont, dans le Nord, ont déjà pris un arrêté pour ne pas rouvrir le 11 mai, au risque de se faire taper sur les doigts par le préfet. Maintenant, l’Etat sera plus compréhensif.

Proposition de loi du sénateur Hervé Maurey pour préciser la responsabilité des maires

On touche ici à un point sensible pour les maires. Leur responsabilité. « C’est une question qui est beaucoup revenue. Quelle sera la responsabilité des maires, s’il y a un problème par rapport au virus, même si toutes les précautions ont été prises ? » demande Michel Fournier. « Cette question freine un certain nombre de décisions », souligne Christophe Bouillon, qui ajoute :

Des maires se disent, qu’est-ce qui garantit que des parents ne se retournent pas contre moi sur le plan judiciaire ?

Mais Edouard Philippe s’est montré à l’écoute sur ce point. Il serait même prêt à modifier la loi. « Le premier ministre est sensible aux initiatives parlementaires pour préciser la responsabilité qui pourrait être engagée par le maire » selon le député PS, qui évoque « la proposition de loi (PPL) du sénateur Hervé Maurey ».

Le sénateur centriste, président de la commission du développement durable du Sénat, a déposé le 24 avril une PPL visant « à améliorer la protection juridique du maire dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire ». Selon l’article unique du texte, « la responsabilité, civile ou pénale » d’un maire « appelé à mettre en œuvre une décision prise durant l’état d’urgence sanitaire, (…) ne peut être engagée que s’il est établi qu’il disposait des moyens de la mettre en œuvre entièrement et qu’il a commis de façon manifestement délibérée une faute caractérisée ».

La PPL est inscrite à l’ordre du jour du Sénat, le 27 mai, dans le cadre de la niche parlementaire du groupe Union centriste. « Son objet sera élargi aux entreprises et associations » précise le sénateur de l’Eure.

Selon Christophe Bouillon, il faut ainsi « lever cette ambiguïté qui distingue l’obligation de moyen et l’obligation de résultat. Le premier ministre est plutôt d’accord sur cette analyse. Il faut le traiter, sinon il y aura la tentation pour certains maires de ne pas faire. Des élus ont le sentiment que l’Etat se défausse sur eux ». Reste à trouver le bon « véhicule législatif » pour modifier la loi. Pourquoi pas la prorogation de l’état d’urgence sanitaire, présenté samedi en Conseil des ministres, et examiné lundi par le Sénat.

Pour la définition des départements rouges, le premier ministre a rappelé les trois critères : le nombre de cas dans la population, la capacité des hôpitaux et « savoir si les brigades, pour chercher les personnes qui ont été en contact avec un malade, seront prêtes ou pas », relate Christophe Bouillon. Globalement, « il y aura plus de souplesse chez les verts, beaucoup plus de contraintes chez les rouges ».

« Il faut que l’Etat partage le fardeau »

Sur la question sensible du financement, notamment des masques, « normalement, la prise en charge se fera, y compris pour les commandes faites avant », selon le vice-président de l’Association des maires ruraux. Mardi, devant les députés, Edouard Philippe a annoncé que l’Etat prendra en charge 50% des commandes des collectivités.

Encore faut-il réussir à commander des masques. « Aujourd’hui, il n’y a quasiment aucune commune de France qui échappe à ces commandes. Mais des maires ont des difficultés pour trouver des masques, à trouver des fournisseurs, qui ne font pas face. Certains s’organisent pour mutualiser les commandes » raconte Christophe Bouillon, « ça devient un vrai sujet, car tout le monde se précipite pour l’achat des maques ».

Globalement, le président de l’APVF « demande une dotation Covid. On veut bien que les collectivités engagent des dépenses pour le matériel, les maques, le gel. Mais ça commence à faire beaucoup et il faut que l’Etat partage le fardeau ».

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