« La part des dépenses de retraite dans le PIB ne dérape pas », selon le président du COR

« La part des dépenses de retraite dans le PIB ne dérape pas », selon le président du COR

Le président du Conseil d’orientation des retraites était auditionné par les sénateurs, dans la perspective de la future réforme de 2019. Il leur a livré une prévision de la situation financière à long terme. « Le fait que les dépenses ne dérapent pas ne signifie pas qu’elles se situent au bon niveau », a-t-il toutefois mis en garde.
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Aborder la question de la réforme des retraites, c’est se projeter très loin dans le temps. Ce matin, confrontés à l’horizon 2070, les membres de la commission des Affaires sociales du Sénat ont fait un bond de 50 ans dans le futur. Les montants donnent eux aussi le tournis. « Nous consacrons chaque année 14% de notre richesse nationale au financement des retraites : 330 milliards d’euros », a expliqué en introduction, le président de la commission, le sénateur Alain Milon (LR).

Après quelques déplacements à l’étranger, pour étudier les différents modèles de nos voisins européens, les sénateurs de la commission ont entamé un cycle d’auditions pour anticiper la réforme des retraites que le gouvernement annonce pour l’été 2019. Pour avoir à l’esprit l’état du système actuel, ils ont reçu le président du Conseil d’orientation des retraites (COR), Pierre-Louis Bras, et la présidente du Comité de suivi des retraites (CSR), Yannick Moreau.

Revenant sur les dernières prévisions démographiques et économiques actualisées ces derniers mois, le président du COR est venu détailler ses hypothèses sur les perspectives financières des retraites françaises. Plusieurs éléments vont « peser », selon Pierre-Louis Bras. Comme « l’augmentation significative » de l’espérance de vie « aux horizons 2060-2070 ». Ou la « décroissance régulière » du ratio entre le nombre des actifs et celui des retraités.

Avec une croissance annuelle de 1,3% : un système « en déficit permanent »

Mais ce ratio, au centre de toutes les inquiétudes, n’est pas un facteur aussi « puissant » que le niveau des retraites, qui augmenteront moins vite que les salaires, a insisté Pierre-Louis Bras. « Le niveau des retraites par rapport au niveau des rémunérations des actifs va diminuer de manière significative entre maintenant et 2070 », a-t-il prévenu.

Pour cet ancien inspecteur général des affaires sociales, le système des retraites, « très sensible » à la croissance (l’emploi et l’évolution des prix), pourrait connaître différentes trajectoires, en fonction de la conjoncture. Sur la base d’un scénario d’une croissance de la productivité de 1,3% par an (le plus pessimiste), le système resterait, dans l’état, « en déficit en permanence ». À 1,5% (scénario intermédiaire), il reviendrait à l’équilibre à l’horizon 2045. Et à 1,8% (scénario le plus optimiste), l’équilibre serait atteint dès 2035.

Globalement, ramenée à la richesse produite chaque année par la France, la situation s’est stabilisée. « La part des dépenses de retraite dans le PIB [14%, actuellement] ne dérape pas significativement, quels que soient les scénarios économiques », a résumé Pierre-Louis Bras (voir la vidéo en tête).

La déclaration est en apparence rassurante, mais elle doit être complétée. « Attention, le fait qu’elles ne dérapent pas ne signifie pas qu’elles se situent au bon niveau. » En cette période où l’hiver joue les prolongations, le président du COR a trouvé une métaphore tout adaptée aux retraites : le thermostat « ne bougera pas », mais la température de la pièce n’était pas à 20 degrés.

Voici pour les enjeux et l’état des lieux. Pierre-Louis Bras a ensuite rappelé que les marges d’action se situaient « au niveau politique » :

« Vous êtes tout à fait en droit de dire soit on demande beaucoup trop aux actifs et que cela a des effets délétères sur la compétitivité, sur l’incitation au travail. Ou vous êtes en droit de dire qu’on ne demande pas assez aux actifs, que les actifs sont prêts à faire plus d’efforts sur les retraités et on devrait se situer non pas à 14% mais à 18% [du PIB], et ça, c’est un débat politique qui a un sens plein. »

« Il n’a pas parlé du côté obscur de la force »

À ses côtés, la présidente du Comité de suivi des retraites a reconnu qu’il s’agissait d’un dossier sur lequel les politiques pouvaient être mal à l’aise. « Les politiques ont un peu peur de l’eau très froide des retraites. S’ils ont fait une réforme, ils ne veulent plus du tout y retoucher », a lâché Yannick Moreau. L’organe qu’elle préside, et qui a été créé en 2014, a alerté en juillet pour la première fois un gouvernement sur la pérennité financière des retraites.

Les échanges avec les sénateurs tournent ensuite sur les solutions à apporter, et sur le niveau de vie des retraités. Quels leviers activer pour assurer la pérennité du système de retraite français ? Reculer l’âge de départ à la retraite ? Jouer sur le niveau des pensions ? Face à ces questions délicates, le président de la commission essaye de détendre l’atmosphère. « M. Bras vous a beaucoup parlé de force mais il n’a pas parlé du côté obscur de la force. »

« Dans les années 2070, vous aurez des retraités pauvres »

« Pensez-vous que des mesures correctrices devraient être prises d’ici 2035 notamment en mesure d’âge ? » demande Jean-Marie Vanlerenberghe (Union centriste), le rapporteur général de la commission. « Une mesure d’âge a un effet favorable sur l’équilibre des retraites si elle n’est pas liée à une augmentation du niveau des retraites », se contentera de répondre le président du COR.

Face aux courbes affichées dans la salle de la commission, le décrochage entre pensions des retraités et salaires des actifs alerte plusieurs sénateurs. « Ce qui me pose question, c’est qu’il y aura une diminution du pouvoir d’achat des retraités demain telle est qu’elle est prévue, même si le montant augmente dans son intégralité », soulève le sénateur (LR) de la Loire, Bernard Bonne. « Le seuil de pauvreté est déterminé par rapport au salaire médian, le pouvoir d’achat sera diminué. Dans les années 2070, vous aurez des retraités pauvres », explique le socialiste Jean-Louis Tourenne.

Réduire les écarts entre les retraites

Au cours de sa réponse, Yannick Moreau quitte son costume présidente du CSR et livre une réponse en toute liberté. « Quand je m’exprime à titre personnel, moi j’assume, je dis on ne baissera pas en valeur absolue [les pensions], on baissera en valeur relative et on n’est pas dans une catastrophe absolue. » Regardez :

Yannick Moreau (CSR) retrace l'historique du niveau des pensions de retraites
03:41

Les questions abordent les éventuelles solutions. Deux sénateurs LR, Bernard Fournier et Michel Forissier se demandent s’il ne faudrait pas « imaginer un autre système de financement ».

Certains intervenants émettent un « doute » sur la « crédibilité d’une étude à 50 ans », à l’image d’Yves Daudigny. D’autres, comme Élisabeth Doineau (Union centriste), regrettent de voir la problématique des retraites réduites à des moyennes. « Il y a de très faibles retraites et de très hautes retraites, et c’est sans doute cet écart qu’il faut sans doute diminuer. S’il y a quelque chose à travailler dans les prochaines années, c’est réduire cet écart », propose la sénatrice de la Mayenne.

L’impact de la réduction du nombre de fonctionnaires

L’enjeu de l’équité est aussi abordé par la présidente du CSR, sous l’angle de la fonction publique. « Progressivement on se rend compte que le problème des fonctionnaires n’est pas tellement un problème d’équité entre privé et public, mais entre fonctionnaires », pointe du doigt Yannick Moreau, en évoquant la grande variabilité des primes d’un agent à un autre.

Yannick Moreau, comme Pierre-Louis Bras, estime d’ailleurs que la politique gouvernementale à l’égard des fonctionnaires aura une incidence palpable sur le système des retraites. Avec la diminution annoncée de 120.000 postes dans la fonction publique, et l’évolution moins favorable des traitements des fonctionnaires par rapport au privé, le président du COR note qu’en « projection, la part de l’assiette de la fonction publique dans la masse des rémunérations totales [pour le système des retraites] diminue fortement. » Et pour cause, les cotisations employeur de l’État sont nettement plus importantes que dans le privé. Regardez :

Retraites : « La part de l’assiette de la fonction publique diminue fortement », note le président du COR
03:38

Son homologue du CSR se montre plus directe. « La politique de l’État est très déterminante. Si vous enlevez un million de fonctionnaires en France, vous faites des économies budgétaires très importantes, mais vous mettez les régimes de retraite avec les conventions actuelles en faillite. »

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