Piloter la planification écologique : ce chantier pharaonique qui attend Élisabeth Borne

Piloter la planification écologique : ce chantier pharaonique qui attend Élisabeth Borne

Selon la volonté d’Emmanuel Macron, la nouvelle Première ministre devra se charger de superviser personnellement les principaux dossiers écologiques du quinquennat, notamment la prochaine feuille de route pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Dès la rentrée, Élisabeth Borne devra trouver 50 milliards d’euros pour financer la transition énergétique en 2023.
Romain David

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« Mon prochain Premier ministre sera directement chargé de la Planification écologique », avait annoncé Emmanuel Macron le 17 avril, lors d’un discours à Marseille. Un sujet qu’Élisabeth Borne, la nouvelle cheffe du gouvernement, passée deux fois par l’hôtel de Roquelaure, comme ministre de la Transition écologique et solidaire (2019-2020), mais aussi comme directrice de cabinet de Ségolène Royal (2014-2015) lorsque celle-ci était en charge de l’Environnement, connaît a priori sur le bout des doigts. « Il faut agir plus vite et plus fort » face au « défi climatique et écologique », a estimé la Première ministre lors de sa prise de fonction lundi. De ceux qui l’attendent sur son nouveau bureau à Matignon, le dossier écologie est certainement le plus volumineux. Charge à elle de donner corps aux promesses d’Emmanuel Macron, après un premier quinquennat jugé décevant en la matière par l’opposition de gauche et les associations. Au menu des cinq années à venir : indépendance énergétique de la France, remise à niveau des feuilles de route pour réduire les émissions de CO2 et mise en œuvre de la nouvelle partition européenne sur la politique agricole commune (PAC).

Face à l’Ukraine, l’urgence énergétique

Tout indique que la première crise qu’aura à gérer Élisabeth Borne sera celle de l’énergie. Le projet européen d’embargo sur le pétrole russe, en réaction à la guerre en Ukraine, pourrait se concrétiser d’ici la fin mai. Bruxelles souhaite également que l’UE puisse baisser de deux tiers ses importations de gaz russe d’ici la fin de l’année 2023. Alors que les prix de l’énergie flambent, Élisabeth Borne va devoir plancher sur des mesures d’urgence pour cet hiver, tout en veillant à préserver le pouvoir d’achat. Le projet de loi de finances rectificative qui doit arriver au Parlement après les élections législatives de juin comportera plusieurs dispositifs en faveur du portefeuille des Français, notamment la prolongation jusqu’à la fin de l’année du bouclier tarifaire sur le gaz et l’électricité et celle, au moins durant la période estivale, de la remise de 18 centimes par litre à la pompe.

Sur le plus long terme, la Première ministre devra donner suite à la volonté présidentielle de réaffirmer la souveraineté énergétique de la France, un défi qui devrait passer par la relance de la filière du nucléaire.

» Lire notre article : Les pistes pour réduire la dépendance européenne au gaz russe

Verdir le budget 2023

Chaque automne, c’est un dossier d’envergure qui arrive sur le bureau des deux assemblées, l’un des premiers casse-tête sur lesquels devra plancher Élisabeth Borne : le projet de loi de finances pour 2023. L’élaboration du budget s’annonce d’autant plus cruciale que hormis sa portée symbolique - il déterminera l’an un du nouveau mandat –, il doit intégrer une hausse de 50 milliards pour la transition énergétique, une somme qui sera renouvelée chaque année jusqu’à la fin du quinquennat. Cet engagement figure dans le programme électoral d’Emmanuel Macron. Les milliards débloqués devraient aller en priorité à l’isolation thermique des bâtiments et au développement de véhicules plus propres, deux marqueurs de la politique écologique d’Emmanuel Macron, sur lesquels le locataire de l’Elysée souhaite garder un rendement important.

Lancer la grande loi de programmation climatique

« Ce quinquennat sera écologique ou ne sera pas », avait lancé Emmanuel Macron, fraîchement converti au principe de la planification, durant l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle. La loi de programmation énergie climat s’annonce déjà comme l’un des principaux chantiers du nouveau mandat. Ce texte « constituera notre feuille de route collective et actualisée pour atteindre la neutralité carbone en 2050 et pour assurer l’adaptation de notre société aux impacts du changement climatique », indique le ministère de la Transition écologique. Il s’agit en réalité d’un ensemble de textes, composés d’un paquet législatif et de trois documents stratégiques, qui existent déjà mais dont le contenu doit être redéfini :

1/ Une loi de programmation quinquennale sur l’énergie et climat (LPEC). Cette loi « détermine les objectifs et fixe les priorités d’action de la politique énergétique nationale pour répondre à l’urgence écologique et climatique. » Le contenu de ce texte, sur lequel le prochain gouvernement planchera dès cet été jusqu’à l’automne prochain, déterminera celui des trois documents stratégiques ci-dessous.

2/ La Stratégie nationale bas carbone (SNBC). Cette feuille de route, élaborée en 2015 et révisée en 2018, fixe les objectifs à atteindre pour permettre à la France d’honorer ses engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Paris espère atteindre la neutralité carbone en 2050, c’est-à-dire le parfait équilibre entre émissions et absorptions de CO2. Aujourd’hui, le SNBC recommande, entre autres, de concentrer les efforts sur le remplacement du parc automobile, la rénovation énergétique des bâtiments, le développement de pratiques agricoles plus respectueuses de l’environnement, la réduction des déchets ou encore la lutte contre l’artificialisation des sols.

3/ Le Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC) détermine les actions nécessaires pour permettre aux territoires de la Métropole et de l’Outre-Mer de s’adapter aux impacts attendus, à l’échelon régional, du changement climatique. Avec 2°c en plus depuis l’ère préindustrielle, le continent européen est confronté à une hausse des températures plus rapide que la moyenne mondiale.

4/ La Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Adopté en 2016, ce document encadre la transition énergétique en France. Il est révisé tous les 5 ans depuis 2018. L’édition actuelle de la PPE fixe à 40 % la part des renouvelables dans la production d’énergie en 2030, et prévoit la fermeture de 14 réacteurs nucléaires d’ici 2035. L’édition 2023 de ce document devrait marquer un revirement notoire ; si deux réacteurs ont déjà été fermés à Fessenheim, le sort des douze autres (sur les 56 que compte la France) est désormais en suspens depuis qu’Emmanuel Macron a déclaré à Belfort, en février, qu’aucun réacteur en état de produire ne devait être fermé. Le chef de l’Etat a également annoncé la construction de 6 EPR.

Ces différents textes devront prendre en compte le rehaussement de l’objectif européen de réduction des émissions de gaz à effet de serre (55 %) en 2030, corrélé aux derniers travaux des scientifiques sur l’évolution du climat. En termes de calendrier, l’exécutif espère une adoption avant juillet 2023 du projet de loi de programmation quinquennale. Dans la foulée, les travaux de révision des trois documents stratégiques sont prévus pour le second semestre 2023, en vue d’une ratification mi-2024.

Piloter la mise en œuvre du « green deal » européen

Début avril, Bruxelles a fait savoir à Paris que son « Plan stratégique », c’est-à-dire la feuille de route présentée par la France sur la mise en application, dans l’Hexagone, de la Politique agricole commune (PAC) sur la période 2023-2027, manquait d’ambition au niveau climatique et écologique. Le gouvernement était donc prié de revoir sa copie. Mais comme le révèle Le Monde, le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, a retoqué les critiques de la Commission européenne, ce qui ne devra pas faciliter la tâche à la nouvelle locataire de la rue de Varenne.

Élisabeth Borne hérite ainsi d’une négociation qui s’annonce complexe et tendue, Bruxelles devant valider cet automne les « plans stratégiques » des Etats membres. Parmi les points d’inquiétude soulevés par la Commission sur le cas français : une redistribution des aides aux revenus des agriculteurs pas assez équitables, une protection insuffisante de la biodiversité, un soutien trop important accordé à l’élevage sans contrepartie suffisante sur les émissions du secteur, et l’absence de mesures significatives sur le bien-être animal.

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