Présidentielle : Yannick Jadot remporte la primaire écologiste et veut être « le Président du climat »

Présidentielle : Yannick Jadot remporte la primaire écologiste et veut être « le Président du climat »

Fumée verte. Le député européen EELV remporte de justesse la primaire écologiste devant l’économiste Sandrine Rousseau. Celle qui assumait sa radicalité pour porter ses idées écoféministes a failli créer la surprise. Mais la ligne de Yannick Jadot, qui mise sur l’écologique de gouvernement, a payé.
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Les électeurs de la primaire écologiste ont tranché. A un peu plus de 2.000 voix près, sur 122.000 votants. C’est Yannick Jadot qui portera les couleurs de l’écologie pour la campagne présidentielle de 2022. Le député européen a remporté le scrutin avec 51,03 % des voix, face à Sandrine Rousseau, qui recueille 48,97 % des suffrages. Yannick Jadot mènera sa seconde campagne présidentielle. En 2016, il avait déjà été désigné par son parti lors d’une primaire. Il s’était finalement retiré au profit de l’ex-socialiste Benoît Hamon. Mais promis, cette fois, il ira au bout, assurent ses soutiens. « On ne vient pas pour témoigner mais pour gagner », a assuré le candidat, invité du 20 heures de France 2.

Le désormais candidat est passé près du précipice. Mais il l’emporte, et seul le résultat compte. Peu après l’annonce du résultat, en fin d’après-midi, c’est un Yannick Jadot sourire aux lèvres qui descend de la péniche, amarrée à Pantin, où le candidat attendait les résultats. Il vient saluer Sandrine Rousseau, qui arrive dans une forêt de caméras. Accolade un peu rapide, sourires crispés, mais l’image est là.

« C’est brutal » pour elle, reconnaît un peu plus tard Julien Bayou. Mais le numéro 1 d’EELV ne semble pas déçu du résultat. Dans le camp Rousseau, on ne cache une certaine amertume à l’égard de l’appareil. « Les cadres du parti ont clairement roulé pour Jadot », lâche Alice Coffin, l’une des proches soutiens de la candidate défaite.

Jadot appelle « les humanistes et les progressistes à nous rejoindre »

A la tribune, Yannick Jadot retrouve facilement le costume du candidat qu’il avait été il y a cinq ans. Yannick Jadot entend être « le Président du climat », s’il est élu. Si aucun des perdants ne sont là, il se montre rassembleur. « Sandrine, Eric, Delphine, vous aurez une place essentielle dans cette campagne », assure-t-il. Celui qui défend une écologie de gouvernement voit déjà plus large :

J’appelle au rassemblement des écologistes, au dépassement du pôle écologiste.

Yannick Jadot appelle même « les humanistes, les progressistes à nous rejoindre », dit-il. Juste à côté, le député écologiste Matthieu Orphelin, ancien de LREM, acquiesce. Ce n’est plus tout à fait le candidat de l’entre-deux tours de la primaire qui revendiquait une certaine forme de « radicalité » pour parler à la base électorale d’EELV, qui avait pu se tourner vers Sandrine Rousseau.

Il prône une « écologie de l’action, une écologie des solutions », plutôt qu’un nouveau quinquennat Macron, qui revient « à préférer les lobbys à la protection du climat ». Il ajoute :

Le statut quo, c’est le chaos.

« Notre France est plus belle que leurs délires identitaires »

« Notre République n’a pas besoin du retour du service militaire, elle a besoin du retour des services publics », lance le candidat écolo, évoquant une mesure d’Arnaud Montebourg. Il vise aussi, sans le citer, Eric Zemmour : « Notre France est plus belle que leurs délires identitaires », tance le député européen, qui dénonce les « débats immondes ». L’enjeu : « Que notre France des petits villages et des grandes villes ne sombre pas moralement ». Pour cela, il veut « reprendre le contrôle sur la mondialisation ».

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François Vignal

Dans la salle, les soutiens apprécient. « Le pôle écolo a maintenant son candidat », respire Guillaume Gontard, président du groupe écologiste du Sénat. « C’est une victoire incontestée », salue la sénatrice Sophie Taillé Polian, coordinatrice nationale de Génération.s.

Rousseau : « Ça n’est que le début de quelque chose »

Quelques minutes plus tôt, Sandrine Rousseau, bonne joueuse, « félicite Yannick Jadot pour sa victoire ». « Nous avons montré que nous pouvons changer la politique, nous avons porté une nouvelle voix, une nouvelle façon de porter l’engagement politique », se réjouit l’ex-candidate.

Elle entend capitaliser pour la suite. « Vous pouvez compter sur moi pour continuer cette aventure. […] C’est ensemble que nous sommes aujourd’hui déterminés à mener cette campagne et mener l’écologie à l’Élysée. (… ) La campagne ne pourra plus être la même et c’est une première victoire. Ça n’est que le début de quelque chose », ajoute-t-elle… Sandrine Rousseau repart vite. On lui en demande un peu plus, sur le chemin. Une militante répond pour elle : « C’est la fin de la première saison. Le deuxième démarre bientôt… » Alice Coffin explique que « l’intérêt de Jadot sera de ne pas briser l’élan créé par Sandrine Rousseau ».

Yannick Jadot a joué la carte de l’écologie de gouvernement

Rien n’était joué après le premier tour. Celui qui faisait plutôt figure de favori était même en danger. Il n’a devancé la vice-présidente de l’université de Lille que de deux points, avec 27,70 % des voix. La candidate de « l’écoféminisme » (25,14 % au premier tour), qui revendique sa radicalité, pouvait espérer compter sur une partie des voix de Delphine Batho (22,32 %), qui a fait campagne sur le thème de la décroissance, et celles du maire de Grenoble, Eric Piolle, arrivé quatrième avec 22,29 %. Sur le papier, c’était totalement jouable. « Bien sûr que Sandrine peut l’emporter », confirmait un dirigeant d’EELV au lendemain du vote.

Mais une forme de réalisme a pris le dessus. C’est la carte qu’a jouée Yannick Jadot. Il s’est présenté comme le représentant de l’écologie de gouvernement. « La radicalité aujourd’hui, c’est d’être en mesure de transformer ce pays, ce n’est pas de témoigner, ni d’influencer », a-t-il plaidé. Autrement dit, on ne peut rien faire, et encore moins prendre des décisions radicales pour le climat, si on n’arrive pas préalablement au pouvoir. Avec ses positions parfois moins clivantes et un ton plus policé, Yannick Jadot prétend à l’inverse être plus en mesure de parler à un électorat plus large.

Une désignation pas sans conséquences à gauche

La désignation de Yannick Jadot n’est pas neutre à gauche. Elle pourrait faire de l’ombre à la candidature de la socialiste Anne Hidalgo. Et réciproquement. Les deux peuvent parler en partie au même électorat. Mais entre la maire de Paris et le député européen, fils d’un couple d’enseignants et né dans le village de Clacy-et-Thierret, village situé près de Laon, dans l’Aisne, les profils ne sont pas identiques. Lui ou ses soutiens n’hésitent pas à rappeler ses combats contre certains lobbys, à Bruxelles. A l’inverse, sa candidature pourrait laisser plus de champ à Jean-Luc Mélenchon, qui peine pour le moment à rejouer la percée de 2017, selon les sondages. A moins qu’il ne se retire, comme il l’a fait en 2017, au profit du candidat Benoît Hamon ? C’est ce qu’imaginent certains socialistes. Mais on imagine mal Yannick Jadot rejouer le coup une seconde fois, cinq ans après.

« C’était il y a 5 ans », assure Sophie Taillé Polian, qui connaît bien Hamon comme Jadot. « Il ira au bout ». Le candidat écolo va plutôt tendre la main à Anne Hidalgo. Chez EELV, on rêve même que la socialiste rende la politesse en se retirant… « Il y a des candidatures qui se déclarent et qui n’iront pas au bout », glisse Julien Bayou, qui ajoute, au sujet de la maire de Paris :

Si elle dit que l’écologie c’est fondamental, prolongeons l’idée, et qu’elle soutienne l’écologie.

Enfin, la désignation de Yannick Jadot n’arrangera peut-être pas Emmanuel Macron. Avec son profil plus ouvert, Yannick Jadot pourrait parler à une partie de l’électorat de 2017 du chef de l’Etat, issue de la gauche, qui juge son action insuffisante en matière d’écologie. L’écologie intéresse aujourd’hui tous les partis, tout comme les conséquences que peut avoir sa primaire.

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