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EDF : comment expliquer les résultats « exceptionnels » du géant électricien français ?

Dans un communiqué de presse publié ce vendredi 16 février, le groupe dirigé par Luc Rémont, a fait état de « résultats exceptionnels » avec 10 milliards d’euros dégagés pour l’année 2023 après une année 2022 marqué par un déficit record de 18 milliards. « Une très bonne performance opérationnelle » qui s’explique par la relance de la production nucléaire et un contexte de prix « historiquement élevés », selon les explications du groupe.
Alexis Graillot

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C’est sans aucun doute une nouvelle qui ne va pas manquer de faire réagir alors que les ménages français ont connu pour ce mois de février une hausse importante des prix de l’énergie de près de 10% après plusieurs hausses au cours de l’année dernière. L’électricien français a annoncé ce matin par voie de presse, avoir réalisé un bénéfice net à hauteur de 10 milliards d’euros, l’année du « rétablissement opérationnel » des mots même du président-directeur général du groupe, Luc Rémont, après une année 2022 calamiteuse marquée par la guerre en Ukraine et le bouclier tarifaire mis en place par l’État pour pallier la hausse spectaculaire des prix de l’énergie.

Ces bons chiffres sont également porteurs d’une autre bonne nouvelle pour le groupe public français qui voit sa dette diminuer de 64.5 milliards d’euros en 2022 à 54.5 milliards d’euros, soit un montant similaire à celui de son bénéfice.

Seule ombre au tableau : la dépréciation à hauteur de 13 milliards d’euros en raison des difficultés des travaux des réacteurs nucléaires d’Hinkley Point, en Grande-Bretagne.

Relance du parc nucléaire

Après une année 2022 caractérisée par « une baisse brutale de la production nucléaire en France » en raison de la découverte de phénomènes corrosifs sur les réacteurs mais également des retards pris par les chantiers (notamment celui de Flamanville) à cause de la crise sanitaire, l’énergéticien fait état d’une année 2023 bien meilleure avec une augmentation importante de plus de 40 TWh de la production nucléaire française, passant d’environ 280 TWh (son plus bas niveau depuis une trentaine d’années) à 320 TWh. Le groupe se fixe également pour objectif une production comprise entre 335 et 365 TWh par an en 2026. Pour autant, s’il demeure assez confiant pour les perspectives des années à venir, la prudence reste de mise : « Un palier de production serait atteint en 2026 : nos prévisions sont assez prudentes, car nous débuterons alors les quatrièmes visites décennales des réacteurs de 1 300 mégawatts, soit la génération d’après celle des réacteurs de 900 mégawatts. Nous préparons depuis quelque temps déjà ces visites. Nous sommes confiants, mais elles concernent des têtes de série, et il faut être un peu prudent sur leur durée » précise Etienne Dutheil, directeur de la division production nucléaire à la direction production nucléaire et thermique d’EDF, auditionné au Sénat le 6 février dernier.

Hausse des prix de l’énergie

EDF donne également une deuxième explication à ses bons résultats, à savoir des « prix élevés » en Europe et la sortie des mesures exceptionnelles, à l’image du bouclier tarifaire. En janvier dernier, le ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, Bruno Le Maire avait justifié cette augmentation, arguant l’importance de « garantir notre capacité d’investissement dans de nouvelles capacités de production électrique ».

Investissements verts et transition écologique

En dépit de ces excellents résultats, beaucoup reste encore à accomplir pour l’électricien racheté à 100% par l’État depuis le 8 juin dernier, en premier lieu duquel, l’accompagnement de la transition écologique. Dans son communiqué de presse, le groupe a rappelé ses engagements pour produire une électricité moins émettrice en carbone. À ce titre, il mentionne une hausse de 20% pour la production hydraulique et de 14% pour la production éolienne et solaire en France en 2023. En outre, l’énergéticien a fait état de sa première émission obligataire verte émise « avec succès » entièrement dédiée au financement du parc nucléaire déjà construit, pour un montant s’élevant à 1 milliard d’euros. Ces obligations particulières se distinguent des emprunts « classiques » sur les marchés financiers puisqu’elles se doivent de financer des projets environnementaux ou en faveur de la préservation des écosystèmes.

Le groupe a également tenu à se féliciter de sa capacité d’adaptation au regard des aléas climatiques qui ont pu survenir en France l’année dernière, à l’image de la tempête Ciarán, qui avait dévasté une grande partie du Nord-Ouest de la France en octobre dernier, expliquant dans son communiqué que « l’électricité a été rétablie en 5 jours pour 95% des clients après la tempête ».

« En 2023, nous avons engagé des actions clés pour notre avenir avec un travail profond de transformation et d’amélioration de notre efficacité ce qui nous met en bonne voie pour rester le 1er producteur d’énergie décarbonée, compétitive et disponible à chaque instant. Je suis convaincu que toutes ces actions continueront de porter leurs fruits dans les années à venir » conclut de son côté le PDG du groupe, Luc Rémont.

Une commission d’enquête sénatoriale pour examiner les prix de l’électricité

Dans ce contexte, une commission d’enquête portant sur la production, la consommation et le prix de l’électricité aux horizons 2035 et 2050 a été lancée à l’initiative du groupe Union Centriste (divers centre) début 2024 « visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France » avec comme président Franck Montaugé, sénateur socialiste du Gers, et comme rapporteur, Vincent Delahaye, sénateur centriste de l’Essonne. Ce dernier, contacté, s’il se félicite d’une « bonne nouvelle », explique « regarder de près les changements de prix » qui pourraient dans les prochaines années passer en moyenne de 42 euros le kilowattheure (kWh) à près de 70 euros ». « Nous avons besoin qu’EDF redresse ses comptes mais il faut que le prix soit le vrai prix payé » observe-t-il, mettant également en évidence la « difficulté de percevoir la consommation à venir ». Même prudence concernant l’avenir des énergies renouvelables, le rapporteur s’interrogeant sur leur « viabilité » en l’absence de subvention de l’État. « Notre objectif est de produire une électricité décarbonée au moindre coût » conclut-il.

La commission doit rendre son rapport final en juillet 2024.

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